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lundi 14 février 2011

Chloé Germain-Thérien - Dans mon temps... Souvenirs de la dernière génération analogue

D’un part, les francophones ne savent pas faire des zines littéraires intéressants. La plupart du temps on dirait un journal mal photocopié d’étudiants de cegep en création littéraire, alors qu’un zine devrait être un projet cohérent que seul un petit livret autoédité est en mesure de contenir. Le projet de Chloé Germain-Thérien est non seulement cohérent, il a aussi la simplicité des grandes idées : raconter aux générations à venir l’incroyable changement de paradigme que nous avons subi en quelques années avec le passage à la société de l’information. Même pour nous qui les avons connus, le souvenir des téléphones à cadran rotatif, des télés noir et blanc et des fiches d’indexation cartonnées à la bibliothèque est de plus en plus en vaporeux, bizarre.

 Chloé Germain-Thérien, Dans mon temps... Souvenirs de la dernière génération analogue, fanzine, Éditions de la dernière minute, 2010.

samedi 12 février 2011

Geneviève Desrosiers - Nombreux seront nos ennemis

On me permettra j'espère de déroger de cette contrainte de ne présenter que des publications parues en 2010, mais c'est pour une raison valable: 2010 a été l'année où Geneviève Desrosiers a véritablement pris sa place dans la poésie québécoise. Je n'ai peut-être entendu son nom pour la première fois que cette année, mais ce fut par cinq personnes différentes, aussi fascinées par son destin tragique que par sa poésie singulière justifiant le statut de plus en plus culte qu'on lui attribue. La poésie de Geneviève Desrosiers, bien sûr, n'est pas que cela. On reste frappé par l'originalité et l'actualité de son humour ironique qui la fait sacrer, faire des fautes d'orthographe et parler de bains sales, de Passe-Partout et d'enfants fourrés comme des gâteaux à la crème. Mais elle installe aussi ces images en équilibre précaire sur un arrière-fond insaisissable et inquiétant qui lui donne toute sa gravité. Les circonstances ont placé son oeuvre sur la même étagère que celles de Louis Geoffroy, Huguette Gaulin et Josée Yvon, figures discrètement mythiques de la poésie québécoise dont la fascination qu'elles suscitent travaillent en secret la poésie peut-être plus efficacement que ces poètes consacrés par l'histoire littéraire que la surexposition épuise souvent plus qu'elle ne les maintient dans l'actualité de la mémoire.

Geneviève Desrosiers, Nombreux seront nos ennemis, L'oie de Cravan, 2006, 110 pages.

jeudi 10 février 2011

Maggie Roussel - Les occidentales


Combattre la pensée positive est d’une difficulté insoupçonnée. Car il faut faire plus que rejeter en bloc les encouragements niais d’optimisme du genre « tout s’arrange quand on voit les choses du bon côté », il faut aussi se démotiver soi-même pour arracher à la racine le conformisme moralisateur d’où elle est issue. Se démotiver jusqu’à se troller soi-même, couper toute communication du sujet à lui-même et trouver par là l’accès insoupçonné vers un monde infiniment plus vaste et étrange. Les occidentales de Maggie Roussel excède les questions de genres et de courants littéraires, ce projet est une véritable expérience subjective aux limites de l’effondrement qui a gardé la trace du danger dans lequel il a fallu se placer pour arriver à l’écrire.

Maggie Roussel, Les occidentales, Le Quartanier, 2010, 75 pages.

mardi 8 février 2011

François Guerrette - Panique chez les parlants

Nous étions dans un bar un soir après le Salon du livre et sans aucune raison, Guerrette se lève et se met à parodier Mathieu A. : « je suis une fille chiante, pénis mental, baleine bleue! » Tout le monde se roule à terre en se demandant d’où pouvait bien venir ce « pénis mental », assurément absent de la version originale. Il est peut-être à mettre avec les corbeaux réalistes, couleuvres unilatérales, grenouilles insurgées, larves solaire et goélands tatoués dans l’étrange et foisonnant bestiaire qui peuple Panique chez les parlants.

François Guerrette, Panique chez les parlants, Poètes de Brousse, 2010, 72 pages.

dimanche 6 février 2011

Pascal Angelo Fioramore - Têtagoise

Nous sommes tous un peu restés surpris devant Têtagoise. Mais Pascal Angelo Fioramore répétait depuis longtemps qu’il ne ferait pas des « pitreries » toute sa vie. Bien qu’amusant en surface, Têtagoise est un recueil sombre et d’une violence effarante issu de cette tradition poétique qui relie les invectives de Gauvreau aux délires pulsionnels de Guyotat. La poésie n’est que trop rarement violente et pourtant nous aurions terriblement besoin de sa colère et sa haine pour donner une forme à notre violence et retirer son monopole aux populistes de droite.

 Pascal Angelo Fioramore, Têtagoise, Rodrigol, 2010.

vendredi 4 février 2011

Alessandra Naccarato - Beekeepers, Hurricanes and Men Who Catch Pigeons

Il est vraiment dommage de constater que même si les tensions entre anglos et francos n'ont peut-être jamais été aussi apaisées depuis 50 ans, le rapprochement ne se produit toujours pas. Et nous demeurons pauvres d'une expérience inouïe de cette ville que nous ne connaissons littéralement qu’à moitié. C'est la raison pour laquelle nous avons besoin de la poésie d'Alessandra Naccarato, qui nous la rend sensible, palpable. Partant de l'espace le plus local et familier, – une fin de soirée ratée devant une poutine chez Claudette, un vélo qui rouille sur la rue Napoléon – elle ouvre petit à petit l'espace par une chemin que nous n'aurions jamais pu imaginer: un bol de borscht à Rockland, la grande roue de Coney Island, une robe étoilée à l'aéroport avant un départ pour l'Égypte, une existence trash aux abords des taudis brésiliens.

Alessandra Naccarato, Beekeepers, Hurricanes and Men Who Catch Pigeons, 2010, fanzine.

mercredi 2 février 2011

Alexandre L'Archevêque - Les mouches la viande

Deleuze et Guattari disaient que du point de vue de cette temporalité de la Terre qui excède tellement temporalité du genre humain en échelle que nous ne pouvons même pas la concevoir, les montagnes sont aussi liquides que des vagues. Dans ce temps les minéraux ont peut-être leur vie propre et peut-être aussi que cette existence, cette chair, ce corps, auxquels nous tenons autant ne sont-ils qu’une coquille d’œuf pour le squelette qui grandit en nous et dont la vie commence quand s’amorce notre décompostion. À quoi sert cette image sans cesse reprise dans Les mouches la viande, cette image de chair et de sang se mêlant à la boue? Elle nous donne l’intuition de cette vie minérale que nous sommes incapables de nous figurer autrement.

Alexandre Larchevêque, Les mouches la viande, Le Noroît, 2010.