J'ai dans mon lecteur mp3 quelques disques impossibles que Marc-Antoine K. Phaneuf m'a copiés, des disques de noise radicaux, de la pure distorsion sans rythme ni mélodie. J'avoue que j'ai toujours aimé le noise, mais d'une étrange façon. J'aime surtout l'idée, l'idée radicale du pur bruit, d'une atmosphère tellement étrangère à toute idée de musique qu'on se trouve rendu là passé même l'idée de laideur consciente. On se trouve dans l'inhumain sans laideur, sans agressivité, dans la pure altérité de l'oreille. Mais aimer cette musique pour son concept suffit diffcilement à nous la faire apprécier pour ses qualités sonores et l'expérience qu'elle procure. Aussi, ces disques de Bastard Noise et de Prurient, je n'ai jamais l'idée de me les mettre. T'es avec des amis, vous vous faites un petit souper et quand le disque des Lost Fingers finit, t'as pas beaucoup de chances de faire lever le party avec une bonne shot de Merzbow dans le tapis. Quel souper il faudrait, quels invités pour que ça se produise? Qu'est-ce qu'on mangerait? On retombe encore dans des questions conceptuelles, mais elles ne sont pas dépourvues de sens, parce qu'après s'être aliéné une soirée de temps dans un souper avec des universitaires bcbg conformistes radio-canadiens qui te cassent les oreilles avec les Lost Fingers, t'aurais des fois juste le goût de leur câlisser une bonne heure de "Naut Humon remixes Yannis Xenakis" à leur faire saigner les oreilles.
La question demeure: mais quand est-ce qu'on écoute ça? J'ai trouvé une esquisse de réponse dans l'autobus vers Québec la semaine passée, au milieu de touristes béats en robe soleil en crocs et en bermudas carreautés, des touristes en grosse bonne humeur à se mettre à te parler qu'ils ont donc hâte d'aller voir le Cirque du soleil à Québec et que le Moulin à image ç'a donc l'air pété et que les célébrations du 400e c'était magique et qu'à la Saint-Jean sur les plaines d'Abraham t'as donc l'impression que pour un soir tous les québécois laissent leurs différents de côté pour communier... pour COM-MU-NIER. Plus jeune, j'aurais sûrement sorti mon walkman et je me serais mis dans le tapis ma cassette de Bérurier noir, mais à ce moment-là, dans l'autobus pour Québec, béru et le punk c'était plus suffisant, on est au-delà même de l'idée de vouloir communiquer notre refus de cette société, passé le stade où la relation à autrui est encore souhaitable, même par l'affrontement, le débat, la polémique, l'expression du refus. Pour la première fois, le noise a trouvé son chemin dans ma vie, et cette distorsion démente, dont l'inhumanité excède le refus, la révolte, l'agression, la communication, toute idée, sorte de singularisation impossible et secrète parce que personne d'autre que moi pouvait l'entendre sortir de mon lecteur mp3, cette distorsion fut la trame sonore parfaite d'un après-midi calme et ensoleillé passé à regarder défiler le paysage, les montagnes, les arbres, les talus. J'étais en vacances.
"le noise a trouvé son chemin dans ma vie" Oh, je suis contente de lire ça!
RépondreSupprimerQuand j'ai découvert Merzbow, je me suis tapée le Merzbox presque au complet (près de 50 heures de noise). Alors je me suis demandée combien de temps je pourrais écouter uniquement ça, sans interruption, et ce que ça aurait comme conséquences sur mon cerveau (ou ailleurs). J'ai donc proposé un Marathon Merzbow à une amie, et j'ai eu la surprise de voir se joindre à nous un petit groupe. On va sûrement refaire l'expérience, alors si tu veux embarquer, voilà où trouver plus de détails :
http://merzbow.blogspot.com/
En passant, j'adore ton blogue. J'en suis une fan depuis que 'nique m'en a appris l'existence. :)
Men, ça va me coûter cher de billets d'autobus.
RépondreSupprimerOooooh que oui! aha
RépondreSupprimerSister Ray (VU) pourrait être la trame sonore parfaite de ma prochaine visite vers Cap-de-la-Madeleine! ; p
Pour nous aussi c'est bientôt les vacances et on voudrait vous inviter pour une bouffe sur le patio. Ça va faire, là...c'est pas drôle, je t'ai pas vu depuis des mois! Honte..