Encore une fois tiré des archives de l'Office du film du Québec, Duplessis a refait la voirie du Québec est un film important, un document d'une rare éloquence pour comprendre ce que notre histoire populaire nomme "La Grande Noirceur". Duplessis a refait la voirie du Québec est un pur film de propagande aux forts accents de fascisme tellement son mépris sans scrupule de l'intelligence des électeurs est grand. La rhétorique électoraliste est grossière et patente, et le discours lui-même fait montre d'une naïveté qui révèle son profond cynisme. On voit d'abord comment tout est littéralement ramenée à Duplessis lui-même, tout seul (c'est Duplessis qui a refait la voirie, et la photo de sa face en fondu à la fin rappelle même les films staliniens). On voit aussi comment sa politique reconfigure la géographie du territoire québécois en connectant les "biens épars" des richesses naturelles avec le capital américain. L'Union nationale, contrairement à ce qu'on dit souvent, n'était pas opposée au progrès. Elle avait une vision de la modernisation du Québec, mais sa vision du progrès était exclusivement économique et ne concernait que la réaffirmation, l'accroissement et l'enrichissement des pouvoirs en place, ne laissant pour le peuple qu'une "route magnifique" menant au sanctuaire de Sainte-Anne de Beaupré. Dans ce film, on ne trouve aucune représentation de citoyen. On ne voit que des ouvrier, de la machinerie, des automobiles, des richesses naturelles. Et la route.
Il est quand même rare que le pouvoir en place en arrive à une telle suffisance qu'il se dévoile aussi crûment. Duplessis a refait la voirie du Québec s'adresse aussi pour cela intimement à notre époque qui n'a peut-être jamais été aussi réactionnaire depuis les années 50. Le mépris de l'intelligence des citoyens est aujourd'hui si admis dans les moeurs politiques, autant au fédéral qu'au provincial, que la suffisance et la naïveté des partis de droite fait de nouveau apparaître au grand jour la domination qu'ils exercent. Les scandales répétés de corruption et de collusion font de mieux en mieux apparaître ce régime de gouvernance insoutenable où depuis des années on nationalise les dettes des entreprises en même temps qu'on détourne les fonds publics vers le privé. Mais comme les organes de propagande et de censure actuels - car il y en a - contrôlent encore suffisamment leurs gloussements de mépris et leur cynisme, il importe absolument d'interpréter des films comme Duplessis a refait la voirie du Québec pour ce qu'ils révèlent de la domination, non seulement pour l'époque d'où ils proviennent, mais pour toutes les époques. Car le capitalisme peut bien changer de forme, les prises de contrôle du pouvoir économique sur les appareils démocratiques, elles, ne changent pas.
C'est pour cette raison que Duplessis a refait la voirie du Québec devrait nous servir aujourd'hui de petit apologue pour mieux appréhender ces pulsions politiques réactionnaires qui sont les nôtres et que la Révolution tranquille n'aura pas su erradiquer complètement.
Ceci dit, le film est tellement con qu'il est pissant. Un hostie de film qui commence comme une mauvaise dissertation par "depuis la nuit des temps!" "La fabrique portative d'ALSPHATE"! Et les gros chiffres! À partir de maintenant, pour dire que ça fait beaucoup, on devrait toujours dire: quarante-deux mille cinq cent soixante-dix-huit mille mille mille.
Lien vers Duplessis a refait la voirie du Québec.
Voici une suggestion de vidéo sur l'évolution de certains moyens de transport au Québec. C'est fait qu'avec des films de famille tournée par des cinéastes amateurs entre 1920 au années 1980 au Québec. Ça s'appelle J'ai la mémoire qui tourne.
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