Tout au long du mois de septembre, Patrimoine PQ en collaboration avec Doctorak, Go! vous présenteront un survol de la musique underground québécoise en 10 albums.
Jusqu'où peut aller le punk dans la destruction? Le plus souvent, l'ironie sauve les punks de leur misanthropie ruineuse. Mais les Flokons givrés n'ont d'ironiques que le nom et Vedgis, Vegdis, Re-vedgis (2001, mais il s'agit je crois d'une compilation CD de pièces qui ont circulé sur cassette depuis la fin des années 80) offre plutôt le spectacle d'un lent enlisement dans un cynisme de plus en plus déstructurant. Pour bien esquisser le cheminement vers cette déstructuration, il faudrait remettre les pièces de l'album dans l'ordre de cette descente vers l'entropie qu'il propose. Cette descente commencerait par "Christ d'hostie de tabarnak", qui constitue une toune antisociale comme le punk en compte des milliers. On pourrait faire suivre par "La mentalité" dans laquelle on assiste à l'écrasante défaite de toute morale à travers la figure des skinheads par laquelle elle s'effondre. Blancs ou rouges, les skins dans cette chansons ne prennent pour prétexte les valeurs de l'ordre et de la justice que pour mieux se taper dessus. "L'escargot" représente quant à lui la seule tentative de chanson politisée des Flokons givrés, mais ce n'est que pour aboutir finalement au désengagement le plus amorphe, celui de l'escargot:
Ça va pas à l'école, un escargot
Ça cherche pas une job, un escargot
Ça vit au jour le jour, un escargot
Ça vit comme nous-autres
[...]
Un escargot écoeuré par sa bave
Se cramponnait sur son unique pied
Les traces qu'il laissait, par derrière le faisait chier
Fa qui s'est laissé
Sécher
Toutes considérations sociales, politique et morales complètement liquidiées, la place est libre pour amorcer ce dérapage irréversible vers une destructuration qui n'a jamais connu aucun égal en musique québécoise et qu'on ne pourrait comparer qu'à ce brouillard confus dans lequel s'éteint la dernière lueur d'humanité dans les yeux des schizophrènes désinstiutionnalisés qu'on peut croiser au centre-ville de Montréal. À ce titre, "Barré des foufs" signe la fin de toute utopie collectiviste punk, ne montrant plus que la rage désorganisée de celui que sa condition mentale force à la marginalisation:
À c't'heure pus moyen d'tripper
À chaque fois que j'veux m'blaster
I sont là pour me faire chier
Christ d'ostie chus donc tanné
Barré des Foufs, i m'font tout' chier
Barré des Foufs
Barré des Foufs, gang d'enculés
Barré des Foufs
"Mescaline" célèbre niaiseusement le plaisir de se péter la face au PCP à plus se rappeler comment on s'appelle, à quoi viennent répondre logiquement "Pus rien à boire" et "Vedge à l'os" où l'inactivité et la plus pure passivité prennent définitivement le dessus; dernière tentative de communiquer quelque chose au monde, "Hymne au Seigneur" finit pourtant par n'être qu'un texte incompréhensible et paranoïaque ("Pas d'pickles chez McDonald/Hymne au seigneur/Pus jamais de hamburgers/Hymne au seigneur). La pièce la plus troublante de l'album est assurément "Mon linge est sale":
Des fois mon linge est sale
I' faudrait ben l'laver
Mais le savon est cher
Fa que faut j'reste crotté
Faudrait que j'trouve d'l'argent
Pour que mon linge soit plus blanc
T'en as un tas
Donne-moé d'la mesc
J'peux pus bouger
Donne-moé d'l'a biére.
Serait-il exagéré de terminer ce réarrangement de l'ordre des pièces de Vedgis, Vedgis, Re-vedgis par "Vide"? L'absence de texte sur cette pièce instrumentale laisse de ce point de vue songeur. Ce silence est-il celui de la pure aliénation aux autres et à soi?
Ce récit d'une existence vie à la dérive peut nous paraître exagérément caricatural, mais il constitue le miroir d'une portion insoupçonnée de la population, punks crusty, junkies du centre-ville, psychotiques et sans-abris laissés à eux-mêmes. Pour ceux-là, la cassette des Flocons givrés a peut-être pu constituer dans les années 90 la trame sonore de leur déchéance. Pour cette raison, ce disque est sans aucun doute un des plus importants de notre discographie marginale: il parle au nom des véritables parias de notre société québécoise, au noms de ceux que notre filet social n'a pas sur retenir, de ceux qui ne peuvent même plus s'aider eux-mêmes, de ces cas désespérés qui vont entraîner avec eux tous ceux qui auraient été prêts à les aider et qui se laissent aller en attendant leur fin.
Peter Boucher, le batteur des Flokons givrés, avait quitté Montréal pour Matane il y a quelques années pour fuir sa propre existence. Il s'est suicidé le 9 mars 2005. Il avait 40 ans.
Heureusement, il existe un myspace des Flokons givrés qui permet à tout le monde de se faire une idée de leur musique. Musicalement parlant, "Barré des foufs" est assurément la plus réussie. Mise à jour: on vient de m'apprendre qu'elle est une adaptation de "Banned from the Pubs" de Peter and the Test Tube Babies.
Les Flökons, c'est mauvais, mais c'est le band le plus représentatif de la scène punk montréalaise.
RépondreSupprimerJe suis pas certain que les punks anarcho-socialistes seraient d'accord avec ton statement. Sont pas barrés des foufs eux-autres, ils ont quittés d'eux-même pour se partir une coop autogérée juste à côté.
RépondreSupprimerAssez surpris de l'inclusion de cet album dans votre palmarès, mais je confirme qu'il a sa place. C'est un classique du genre qui a été culte à Sherbrooke.
RépondreSupprimerEn passant, Barrés des Foufs est une version de Banned from the pubs de Peter and the Test-tube babies, ce qui n'enlève rien à la qualité de la version des Flokons.
Mm, voilà explique pourquoi elle est mélodiquement supérieure aux autres.
RépondreSupprimerBravo excellente étude de cet album mythique. J'ai dû écouter cette cassette une centaine de fois minimum et de lire un ouvrage comme celui là me redonne le goût de réécouter ces quelques chansons représentant tr`s bien la vie des punks vers la fin des années 80. On se retrouvait tous en quelques part dans ces paroles
RépondreSupprimerMerci de faire connaitre les Floköns Givrés
GODZP
20 ans après, je suis fier de constater que notre beat continue de faire des ravages, autant chez les analystes culturels que chez les ados névrosés.quand nous avons crée cette musique, nous ne voulions que crier notre rage sans même penser être un vrai "band". La pureté de l'intention fait qu'aujourd'hui encore, les Flokons demeurent une plaie ouverte.
RépondreSupprimerouep un classique, les flokons étais mon band fetish quand j'avais 14 ans, tout comme l'article le dit si bien, ça représente bien les vrais irrécupérables, moi-même je croyais avoir fini par m'intégrer a la société; grosse maison, 3 char .... j'arrive a 30 ans, Burn out, chu pu capable, j'suis plus scrap que je l'ai jamais été, l'aiguille dans le bras, une paille dans le nez , je réécoutes vieille k7 des flokons (dans ma belle bm) j'sai pu quoi faire, vedge a l'os, pis j'écris tout ça avec mon beau iPhone... criss d'osti d' tabarnak
RépondreSupprimeren passant votre myspace des flokons n'est qu'un page de fan...
RépondreSupprimeressayez celui-ci: http://www.myspace.com/flokonsgivres
flokons live:
http://www.youtube.com/watch?v=KlP0tBSqO_8