vendredi 16 mars 2018

Shushanna Bikini London, Ce que je sais de moi

Il y a plusieurs années que nous suivons le travail de Shushanna Bikini London, que nous retrouvons ses fanzines sur les comptoirs d’endroits merveilleux et qui vont terriblement nous manquer comme le Divan orange ou le Cagibi, dans les bibliothèques des amis, sur les comptoirs de cuisine et dans les salons de la petite édition… Shushanna Bikini London effectue un travail de coureuse de fond de la micro-édition où le personnel, le social et le politique se condensent dans de petits objets collectionnables qui retracent le trajet d’une vie de papier, d’artistes visuelles, de chats, de livres et d’ordinateur, du sexisme ordinaire qui nous agace tous les jours, de paysages domestiques. L’unicité de Ce que je sais de moi est autant dans la forme que dans le message et flatte une partie intime de nous. Shushanna Bikini London, c’est tenir un monde entre ses doigts, c’est se laisser toucher, c’est transformer le minuscule en univers et enfin, ne plus être seule.

Shushanna Bikini London, Ce que je sais demoi, autopublié, 2017

Le gala de l'Académie de la vie littéraire a lieu ce dimanche

jeudi 15 mars 2018

Jonathan Garfinkel, Bociany (Storks)


Il y a de ces endroits qui ne peuvent exister que dans un poème, car ils sont une courtepointe de tous les moments de nos vies qu’on laisse s’échapper partout sur notre route afin de bien se rappeler d’où on vient. Et pourtant, ils se pointent du doigt sur une carte ou se comptent à coups d’oiseaux dans le ciel. Les poèmes de Garfinkel touchent autant qu’ils grafignent en écorchant un peu le vernis du monde. Ce sont des pays, des feux allumés et des noms qui sont ébruités comme autant de secrets. Avec Bociany (Storks), les fanzines Knife fork book - dirigés par Kirby de la librairie du même nom - s’annoncent déjà incontournables.

mercredi 14 mars 2018

Kama la mackerel


Kama La Mackerel est une force vive dans le paysage artistique montréalais. En effet, ses performances vous rentrent dedans comme si vous aviez plongé du haut d’une montagne, le souffle coupé, mais l’émerveillement bien collé à la rétine. Mais comme auteure, Kama la mackerel incarne aussi le summum du raffinement, un raffinement propre à l'hybridation, une hybridation qui a tout attrapé depuis le lieu de sa naissance à l'île maurice, qui a attrapé les accents, les espaces langagiers qu'elle a traversé, les identités, les douleurs, uen hybridation qui a survécu à la violence de tous ceux qui ne peuvent supporter ce raffinement, ce destin de notre civilisation. Flamboyante et magnifique, elle organise les soirées GENDER B(L)ENDER et est aussi la coordonnatrice artistique de Our Bodies, Our Stories. Son écriture et ses performances racontent des histoires qui voyagent de l’âme au corps dans un mouvement fascinant et nécessaire.


mardi 13 mars 2018

Marido Billequey et Gabriel Lemieux-Maillé, Littérature et autres niaiseries

Ils sont un directeur musical et une directrice artistique qui créent ces soirées mensuelles où les arts sont décloisonnés : musique, arts visuels et littérature se rencontrent, se répondent et se challengent. En effet, La petite boîte noire accueille chaque mois les soirées Littérature et autres niaiseries, merveilleux terrain de jeu où tout peut se mettre à glisser, où il est possible de transgresser ce qui est en place ou alors, simplement et fièrement monter sur cette scène ouverte, accueillante et sherbrookoise pour y dire ce que l’on fait de mieux. Qu’elles soient à ce point décloisonnées et peuplées font la force des soirées Littérature et autres niaiseries qui savent aller chercher le bruyant, le rassembleur et le festif de la littérature.
 
Littérature et autres niaiseries

Nous aussi on a un événement et il a lieu dimanche

lundi 12 mars 2018

Pierre-Luc Landry, Karianne Trudeau Beaunoyer & Jean-Michel Théroux, traductions chez Triptyque

La nouvelle direction de Triptyque a frappé un grand coup en 2017 en publiant la première traduction française de The Argonauts de Maggie Nelson, une des parutions les plus marquants des dernières années aux États-Unis. La frustration est immense de lire ici des traductions qui finissent inévitablement par déformer le détail du quotidien nord-américain et qui le transposent dans une pensée et une réalité qui nous paraît étrangère et maladroite. Les traducteurs d'ici pourraient assurément faire mieux, mais depuis toujours, les droits de traduction vont aux grands éditeurs français qui possèdent des moyens financier et un pouvoir de négocier avec lesquel aucun éditeur québécois ne peut rivaliser. C'est parce qu'ils ont été plus rapides que les grands groupes français que Triptyque a pu leur damer le pion et sécuriser les droits de traduction du livre de Nelson pour le Québec, et offrir une version française plus juste parce que plus proche de la réalité intellectuelle et linguistique de The Argonauts. La littérature québécoise se porte bien présentement. Elle est en dialogue avec l'extrême-contemporain intellectuel et esthétique et son écosystème a mieux survécu que d'autres au néolibéralisme. Elle est capable d'accueillir des entrepreneurs fonceurs qui sont aussi des intellectuels et des lecteurs au fait de l'actualité. Si cette situation se maintient, le Québec sera peut-être bientôt en droit de réclamer la place qu'il mérite sur la scène de la traduction francophone. La traduction de The Argonauts chez Triptyque est peut-être annonciatrice de ce changement. D'autres traductions paraîtront d'ailleurs sous peu chez Triptyque.

Lien vers Maggie Nelson, Les Argonautes, traduction de Jean-Michel Théroux, Triptyque, 2017

dimanche 11 mars 2018

Jessica Bebenek, Fourth Walk

Fourth Walk, ce sont ces moments imperceptibles à l’œil nu qui pourtant tordent les os et les tripes. Ce sont les poèmes qui ne peuvent pas être dits, qui n’existeront ni sur scène ni dans les magazines, qui se retrouveront coincés dans leur trop longue explication sans laisser l’espace pour le souffle dessous. Il s’agit de lire entre les lignes, tracer le blanc entre les mots, assumer ces endroits où l’on triche pour que les gens se sentent mieux, où les Dollaramas n’amènent plus le bonheur, où l’astrophysique donne envie d’écrire. Ce sont les hôpitaux, les blessures, les accidents et les coeurs qui cessent de battre. L’écriture de Jessica Bebenek trace le magnifique drame des choses qui n’arriveront pas et cette beauté se retrouve dans toute l’esthétique soignée de la micro-maison Desert Pets Press où Fourth Walk a été publié.

Jessica Bebenek, Fourth Walk, Desert Pets Press, 2017.


Le gala aura lieu dans une semaine. Genre tous les auteurs importants de 2017 vont être là

samedi 10 mars 2018

Henry Acteson, James Calley, Callum McCormack, City Beating

City beating: Twenty Thirteen-Twenty Fifteen, ce sont des poèmes de James Caley qui font vivre la ville au cours des voyages et des métros, toujours suspendus et déchirés entre le temps et l'écran. Le fanzine persiste et signe avec des pages manuscrites et des photos entre les poèmes, représentant bien le travail de la micro-maison d'édition AMGoods, des photographes et vidéastes Henry Acteson et Callum McCormack qui, de Calgary, transforme le quotidien en beauté photographique et poétique qu'ils envoient fort à la tête des gens; un coup de gueule qui se tient entre les mains et qui change le souffle. De toutes les choses qui se sont retrouvées entre nos mains à Expozine cette année, celle-ci a aidé à recommencer à respirer.

CITYBEATING: Twenty Thirteen -Twenty Fifteen and other poems by James Caley, published by Acteson & McCormack, AMGoods, 2017

vendredi 9 mars 2018

Mirion Malle, Commando Culotte et zines

Répéter encore une fois que Mirion Malle incarne le féminisme en bande dessinée ne dirait pas tout, n'en dirait pas assez. Car Mirion Malle est une féministe au jugement critique sûr comme il y en a peu, qui a développé au fil du temps un espace de réflexion visuel dépouillé et terriblement riche d'une rhétorique graphique lui permettant d'argumenter et d'effectuer un travail didactique efficace. Elle publiait en 2016 chez Ankama un livre rassemblant des planches appliquant le discours féministe au cinéma. Mais depuis quelques temps Mirion Malle travaille aussi des thèmes plus classiques comme l'ambiguïté du désir et du deuil avec autant d'intelligence et de sens de l'observation que pour ses planches critiques. Le travail de Mirion Malle est une autre preuve que la bande dessinée n'a plus rien d'un genre mineur et c'est absolument triste et désolant de devoir à chaque fois ajouter des preuves à ce dossier.

Mirion Malle, Commando culotte et zines

Le gala! Le gala! Le lien vers l'événement Facebook!

jeudi 8 mars 2018

Marcela Huerta, Tropico

Tropico est une expérience poétique portant sur la filiation. Comment peut-on sauver le lien entre une fille et son père quand d'une part le père est un homme méprisable mais qu'il représente aussi pour la fille une assise identitaire qui la connecte à tout un espace géographique qui la constitue et qu'elle n'a pas connu? Plus la fille raconte son père, plus la colère monte et le lien se perd, s'effiloche et l'éloigne de ses racines chiliennes, du socialisme qui la fascine et du passé de réfugié politique de sa famille. Mais ne plus raconter, se taire reviendrait au même. C'est entre le récit et le silence que la poésie de Marcela Huerta trouve sa place, devient nécessaire pour maintenir ce lien, pour ne pas que le silence, l'absence, la rupture l'emportent. Si les récits s'interrompent, se fragmentent, les images et les analogies qu'ils mettent en relation continuent de parler, de maintenir la mémoire et le contact à l'origine protégés de la colère et de la déception, même s'ils en ressortent à la fin ambigus et tordus parce que malgré tout rien de pur ne peut persister dans ce contexte. Une opinion répandue concernant la poésie est qu'elle ne sert à rien. Qu'elle est belle parce qu'elle ne sert à rien. Et à force d'en lire et d'en écouter, on se trouve tenté par cette boutade cynique sans appel possible. Seuls des poètes comme Marcela Huerta peuvent nous rappeler que la poésie, quand elle est nécessaire s'explique, simplement.

Marcela Huerta, Tropico, Metatron Press, 2017
 
Le gala a lieu dimanche le 18 mars à la Sala Rossa

mercredi 7 mars 2018

Elkahna Talbi, Moi, figuier sous la neige

Dès ses premiers slams, Elkahna Talbi, sous le nom de Queen Ka, s'était jurée qu'elle ne serait jamais l'"Arabe de service". Elle ne représenterait qu'elle-même. Dix ans plus tard, elle est devenue non la représentante mais l'interprète qui s'"autotraduit", celle qui sait nous donner rendez-vous dans la ruelle pour nous ouvrir de l'intérieur la petite porte, la porte qui nous manquait, la porte vers sa double culture. C'est en interprète qu'elle raconte les choses que les enfants québécois et tunisiens partagent sans le savoir : l'orangina, les chorégraphies de Bollywood, les Mystérieuses cités d'or, la Bamba. Et devant la culture tunisienne que décrit Talbi, les mariages, les muezzins, la prière de grand-mère tournée vers la Mecque, nous sommes au même endroit que cette enfant qui peine à apprendre le détail des civilisations plus grandes qu'elle. Mais quelque chose monte aussi subrepticement au fil du recueil: cette "double culture" n'est peut-être pas si double car Talbi sait trouver ce chemin qui mène au bord du cosmopolitisme et elle l'arpente sans nier la singularité de ses origines tunisiennes. Les merguez accotées sur le gâteau McCain dans le congélateur, le henné qui s'efface des doigts à la Ronde, se sentir "ark-ma-vie" au Sami Fruits... Sur cette île de Montréal où vit le cinquième de la population du Québec une identité culturelle faite des multiplicités est perpétuellement annoncée depuis des décennies, et perpétuellement différée par tous ceux qui sur la terre ferme nient violemment que l'identité ne peut jamais se décliner qu'à travers l'autotraduction continue de soi à soi, de ses origines à son quotidien le plus trivial, peu importe le nombre de générations.

Elkahna Talbi, Moi, figuier sous la neige, Mémoire d'encrier, 2017

Elkahna Talbi lira bien sûr un extrait de son livre au gala de l'Académie de la vie littéraire

mardi 6 mars 2018

Sophie Létourneau, directrice de Portraits

Durant l'année 2016-2017, Sophie Létourneau, professeure à l'Université Laval, inaugurait un Séminaire nommé "Actualité littéraire". Ce séminaire a tous les caractères d'une révolution dans les études littéraires. Le temps d'un semestre, Létourneau a formé ses étudiants pour en faire une équipe de journalistes efficaces qui ont su couvrir extensivement la scène littéraire québécoise, mais elle en a aussi formé plusieurs au grand style du journalisme culturel. Le blog Portraits qui en a résulté comprend onze éditoriaux et chroniques de même que seize articles de fond sur les écrivains de 2017, dont Maude Veilleux, Stéphane Larue, Christian Guay-Poliquin, Chloé Savoie-Bernard. Le plus incroyable de ce projet reste qu'aucun de ces textes n'a l'air d'une dissertation, d'un travail de session, d'un texte étudiant. Alors que les grands essayistes se font rares en ce moment, beaucoup de textes sur le site ont cette fluidité et cette liberté si rare de la pensée ayant l'air écrite au fil de la plume. En lisant ces textes, on reste avec l'étrange impression que Sophie Létourneau a découvert comment il est possible de former des essayistes et des critiques dans un cadre universitaire pourtant d'ordinaire si maladroit malgré les ambitions des professeurs; on reste avec l'impression que Sophie Létourneau a libéré quelque chose.

Sophie Létournau, Portrait, blog créé dans le cadre du Séminaire "Actualité littéraire", donné en 2016-2017 à l'Université Laval.

lundi 5 mars 2018

Sara Hébert, Salade de truie

Au fil des zines qu'elle publie depuis quelques années, Sara Hébert semble avoir réussi l'impensable: créer un humour qui fait tenir ensemble féminisme, trash et sensibilité. Le truie de Salade de truie, c'est cette femme "un peu coucoune" victime des comédies romantiques et des stéréotypes publicitaires, qui "mange ses émotions" et a "peur d'être laide ou de puer". Mais elle n'est pas une victime désolante pour autant: elle représente plutôt toutes celles que la vie pousse inéluctablement vers la critique féministe, vers le renversement des valeurs patriarcales. Ce renversement critique est aussi au coeur du travail iconographique de Sara Hébert. Ses images, elle les trouve dans les magazines des années 60, 70, 80, et les textes qu'elle leur superpose déplace le décalage historique. Car c'est à l'intérieur de nous plus que dans les vieux magazines que ces images existent, nous sommes tous à divers degrés pollués de lave-vaisselles neufs sur papier glacé et de moustaches de soupers aux chandelles et seul le rire peut-être peut arriver à sortir les vidanges. Critique sans être sentencieux, trash sans être méprisant, touchant: l'équilibre est tellement fragile et si rare qu'il provoque une sorte d'enthousiasme et d'euphorie spontanés.

Sara Hébert, Salade de truie, zine, 2017

Le gala a lieu dimanche le 18 mars à la Sala Rossa

dimanche 4 mars 2018

Laurence Brunelle-Côté et Chloé Surprenant

La nuit semble être tombée sur les représentations positives du désir et du plaisir sexuel, grugées par les rapports de pouvoir, les marques de la violence et leur dénonciation. Certains pourraient penser que «le party est fini» mais en fait c'est bien pire que cela: il n'y a, en réalité, jamais eu de party. Pas encore mort apparaît dans ce contexte comme un diamant noir. Le désir féminin y est cru et sauvage, violent mais souverain. La poésie de Laurence Brunelle-Côté se réapproprie les codes masculins du romantisme bucolique qui projette le sujet sur le paysage. Elle fait mine de cannibaliser tout le territoire dans la pulsion dévorante de son sexe, mais ce n'est que pour révéler à quel point il est en ruines, fait de routes jonchées d'animaux morts parcourues à 150 dans « le noir des corbeaux ». Les voitures sont des carcasses de rouille et de corps trempés de cyprine. Au fil des pages, le texte se renverse à l'horizontale puis revient à la verticale comme si la lecture elle-même était emportée en tonneaux dans le fossé. Ces paysages noirs, sales et flous, Chloé Surprenant les représente en photos et en textures. Et tout au long du recueil, d'innombrables pylônes, poteaux et fils électriques rayant les arbres de lignes noires. Cet imaginaire obsédant prend son sens au dernier vers du recueil seulement, révélant qu'au final, on ne part jamais complètement, on reste "scotchée là, comme coincée entre les rayures".

Laurence Brunelle-Côté et Chloé Surprenant, Pas encore mort, Rodrigol, 2017 

Le gala a lieu dimanche le 18 mars à la Sala Rossa

samedi 3 mars 2018

Stéphanie St-Jean Aubre et Mathieu Renaud, Sans titre (1)

Le zine se présente sous la forme d'un dossier de classeur modèle réduit qui possède même son petit séparateur. À l'intérieur du dossier, quatre feuilles lignées arrachées d'un cahier à anneaux sur lesquelles sont imprimés d'un côté des poèmes et de l'autre, des dessins. Les poèmes parlent d'une manière crue de violence sexuelle et de leur après-coup. Un des textes a été écrit par Mathieu Renaud, figure importante de l'underground littéraire, mais aucune indication ne permet une attribution claire. Tout le dispositif esthétique, à l'exécution impeccable, que Stéphanie St-Jean Aubre a mis en place pour entourer ces textes, les codes visuels de l'archive judiciaire comme la frange déchirée des pages de cahier, protège parfaitement l'intime qu'ils mettent en scène et contribuent à en dévoiler la fragilité. La collaboration avec Renaud contribue elle aussi à brouiller l'identification des auteurs aux textes. À comparer les feuillets, on arrive à réattribuer l'auteur de chaque texte, mais le zine-objet maintient la réserve. Cet équilibre entre pudeur et dévoilement est au coeur de l'esthétique intimiste actuelle en poésie, mais la presque totalité des poètes de ce mouvement éprouvent une réelle difficulté à la maîtriser. Le dispositif imprimé de St-Jean Aubre propose quant à lui une solution cohérente.

Stéphanie St-Jean Aubre et Mathieu Renaud, Sans titre (1), zine, L'ensemble vide, 2017

Le gala a lieu dimanche le 18 mars à la Sala Rossa

vendredi 2 mars 2018

Carl Bessette, Cœur ouvert

En septembre 2017, pendant neuf jours et huit nuits, des centaines de lecteurs de poésie se sont succédés sans interruption au micro installé sur la petite scène du bar le Sporting Club qu'une webcam relayait en streaming. Carl Bessette avait annoncé partout que son intention était de battre un record mondial, mais Cœur ouvert avait une autre ambition : tester la solidarité de la scène poétique québécoise, verifier discrètement si elle avait les reins assez solides pour faire se déplacer lecteurs et public à 5 heures du matin un mardi, à 10h un jeudi, à 19h un dimanche après 216 heures de spectacle. Le rendez-vous s'est produit, des moments fulgurants ont eu lieu en pleine nuit, parfois pour à peine trois spectacteurs, des poètes ont lu pour la toute première fois, le chatroom s'est animé d'échanges entre auditeurs de Rimouski, Joliette, Sherbrooke. Le pari était risqué mais la scène poétique a été solidaire derrière les paravents de la tentative, ratée finalement, de record mondial. Mais peu importe vraiment, car rien n'est plus fort qu'une splendeur que voile pudiquement un échec apparent.

Carl Bessette, Cœur ouvert, Production de Richelieu Médias, en collaboration avec le FIL et le Sporting Club, 2017

Le gala a lieu dimanche le 18 mars à la Sala Rossa

jeudi 1 mars 2018

Timothée-William Lapointe, Lectures publiques 2017

Les textes qu'il a lus en public tout au long de 2017, il les a écrits à la main sur des petits bouts de papier collés sur des tranches de fromage emballées individuellement. Il les lançait ensuite dans la salle, au plus grand amusement du public. On a dit de ses performances qu'elles appartenaient à l'humour sans toutefois lui dénier son appartenance à la scène poétique. Mais le travail de Timothée William Lapointe relève autant d'un genre qui n'a peut-être jamais trouvé sa place jusqu'ici sur les scènes de lectures publiques de poésie : l'aphorisme. Jusqu'à maintenant, la littérature québécoise n'a pas été riche en aphoristes. Peut-être en partie parce que la forme de l'aphorisme s'est construite en Europe autour du paradoxe, de l'aporie, de cette liberté qui, historiquement, se trouve là-bas dans et par la pensée. Et s'il arrivait que nous, ici, trouvions notre liberté dans la poésie? C'est debout en équilibre sur des images plutôt que sur des idées que Lapointe lance ses tranches de fromage dans le vide d'un indéterminé littéraire sans que personne sache trop où elles peuvent bien atterrir.

Le gala a lieu dimanche le 18 mars à la Sala Rossa

Gala 2018 de l'Académie de la vie littéraire

Nous sommes de retour pour une dixième année de liste de prix, une neuvième année de gala, une huitième année de cartes d'auteur. Depuis tout ce temps, nous n'avons pas l'impression d'avoir beaucoup bougé, mais la littérature québécoise elle a fait un chemin qui nous étonne. Plusieurs des auteurs que nous avons récompensé au départ ont fait leur chemin, il y en a maintenant à Radio-Canada, au Devoir, à la tête de revues littéraires importantes. Ils nous devancent parfois dans leurs découvertes et ça nous amuse, même si on sent que tout n'est pas gagné. Si l'image de la littérature et du travail littéraire à laquelle nous croyons toujours semble avoir fait du chemin vers le plein jour, on sent bien que ça pourrait ne pas durer. Alors nous allons continuer comme nous l'avons fait jusqu'ici. Nous commes en réunion d'Académie de la vie littéraire comme deux rameurs. Notre embarcation file droit uniquement parce que nous travaillons ensemble. Parfois Catherine a des intuitions terriblement justes, d'autres fois c'est moi; parfois Catherine est complètement dans le champ avec ses propositions d'auteurs à qui donner des prix, d'autres fois je me retrouve gêné un ou deux ans après d'avoir considéré un tel ou un autre. On ne sait pas toujours ce qu'on fait, mais on avance bien.
Cette année le gala tombe dimanche le 18 mars. Nous avons une liste dont nous sommes particulièrement fiers. Nous allons dès aujourd'hui annoncer un gagnant par jour

Gala de l'Académie de la vie littéraire
dimanche 18 mars 2018, 19h
La Sala Rossa
4848 boul. Saint-Laurent, Montréal H2T 1R5