lundi 14 septembre 2009

Les Biberons bâtis, Attaboy on meurt, 1994

Tout au long du mois de septembre, Patrimoine PQ en collaboration avec Doctorak, Go! vous présentent un survol de la musique underground québécoise en 10 albums.

Le projet des Biberons bâtis est incroyable: faire la synthèse musicale de tout ce qui s'est fait d'underground dans le pop depuis les années 60. Garage, yéyé, progressif, krautrock, psychobilly. Le son de cette synthèse rappelle parfois My Bloody Valentine, c'est un son de drone distordu hypercompressé, hypertexturé, inquiétant mais paradoxalement confortable. Et pour en rajouter, Satan Bélanger (Bruno Tanguay, le maître d'oeuvre des Biberons) a carrément inventé une manière de mettre des paroles en ad-lib sur sa musique, construisant des dialogues délirants, des monologues de b.s. trash et des questionnements existentiels ironiques. La réussite d'Attaboy on meurt (en fait une compilation de pièces enregistrées tout au long des années 80) est à la mesure de l'ambition des Biberons bâtis: ils sont petit à petit devenus LA représentation de l'underground québécois: un espace marginal en tout point, en partie schizophrène et anarchiste, produit d'un recyclage de kitsch et de miettes sans valeur, l'équivalent sonore des sculptures cinétiques de Florent Veilleux. Et comme dans l'oeuvre Florent Veilleux, l'univers mis ici en scène est angoissant mais paisible et jovial. En même temps que "J'ai deux billets pour à soir" et les pièces mettant en scène Roger et Satan ("Sors-tu à soir", "Satan au bain sauna", "Satan au colisée") évoquent une sorte de proto-deux minutes du peuple joyeux et décalé, derrière la bouffonnerie et l'ironie manifeste de "Transport en commun" "J'agonise" et "Je souffre" pointent pourtant un réel mal de vivre. Entre ces deux pôles, des pièces comme "Eeeh me amis" et "Je veux vivre" construisent en quelques traits un univers complètement fantaisiste.
L'importance des Biberons bâtis que je souhaite mettre ici de l'avant peut paraître exagérée étant donné le ton manifestement comique qui domine toute l'entreprise. Mais on peut raisonnablement avancer que Attaboy on agonise a été pour la scène locale québécoise à venir ce qu'Ubu roi fut pour dada, une farce de potache qui liquide toutes les structures de l'industrie musicale, ouvrant la porte à un renversement de la manière de faire de la musique. Cette révolution s'est-elle effectivement produite? C'est la question que doit se poser pour lui-même chaque nouveau groupe de la scène locale. D'où l'importance de revenir régulièrement aux Biberons bâtis.

Satan Bélanger, dans sa grande générosité, a mis une bonne partie de sa production en ligne. On conseille particulièrement trois pièces positionnés aux points les plus stratégiques du registre des Biberons bâtis: d'un côté, "Sors-tu à soir", une conversation pissante entre un altern et métalleux; à l'autre extrême, "J'agonise" où derrière l'ironie joyeuse de la parodie yéyé se déclame un texte d'un désespoir troublant; entre les deux "Eeeh mes amis" est une pochade hilarante autour d'une soirée au Colisée de Québec.

6 commentaires:

  1. J'espèrait l'inclusion des Biberons Bâtis dans votre liste. Vraiment un classique de l'underground québécois. En passant, c'est Bruno Tanguay et non Tremblay!

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  2. C'est comme confondre Roger Tanguay et Rory Tremblay!(!!),etcrock...

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  4. Le site satanbelanger.net n’existe malheureusement plus, mais l’intégrale d’«Attaboy on meurt» est maintenant disponible ici: Les Biberons Bâtis. Il y a aussi un rumeur selon laquelle une réédition vinyle de ce disque serait envisagée… ça ça serait tellement bien!

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