Tropico est une expérience poétique portant sur la filiation. Comment peut-on sauver le lien entre une fille et son père quand d'une part le père est un homme méprisable mais qu'il représente aussi pour la fille une assise identitaire qui la connecte à tout un espace géographique qui la constitue et qu'elle n'a pas connu? Plus la fille raconte son père, plus la colère monte et le lien se perd, s'effiloche et l'éloigne de ses racines chiliennes, du socialisme qui la fascine et du passé de réfugié politique de sa famille. Mais ne plus raconter, se taire reviendrait au même. C'est entre le récit et le silence que la poésie de Marcela Huerta trouve sa place, devient nécessaire pour maintenir ce lien, pour ne pas que le silence, l'absence, la rupture l'emportent. Si les récits s'interrompent, se fragmentent, les images et les analogies qu'ils mettent en relation continuent de parler, de maintenir la mémoire et le contact à l'origine protégés de la colère et de la déception, même s'ils en ressortent à la fin ambigus et tordus parce que malgré tout rien de pur ne peut persister dans ce contexte. Une opinion répandue concernant la poésie est qu'elle ne sert à rien. Qu'elle est belle parce qu'elle ne sert à rien. Et à force d'en lire et d'en écouter, on se trouve tenté par cette boutade cynique sans appel possible. Seuls des poètes comme Marcela Huerta peuvent nous rappeler que la poésie, quand elle est nécessaire s'explique, simplement.
Marcela Huerta, Tropico, Metatron Press, 2017
Le gala a lieu dimanche le 18 mars à la Sala Rossa
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