vendredi 29 mai 2009

La poésie prend les parcs


Depuis trois ans, les productions Arreuh organisent les lectures de poésie les plus amusantes et les plus décontractées qui existent. Fuck les présentations de CV, les grosses lectures "chargées de sens" qui nous endorment et la chasse au silence, au lieu de ça c'est des bébés qui courent, des enfants qui jouent au soccer et du monde trash mais sympathiques qui boivent leur grosse 50 sur le gazon en écoutant les gens qui gagnent tout le temps tous les prix à l'Académie de la vie littéraire au tournant du vingt et unième siècle.

La poésie recommence à prendre les parcs ce samedi s'il ne pleut pas, et je serai de la partie et on va se rouler à terre dans le gazon trempe de bonheur.
La poésie prend les parcs
30 mai 14h au parc denise-morelle
sur la rue Rivard entre Mont-Royal et Marie-Anne
(en cas de pluie, la lecture est remise au dimanche, 31 mai à 13h)
Avec Mathieu Arsenault, Virgnie Beauregard-Dyotte, Guillaume Cloutier, Stéphane Despatie, Renée Gagnon, Corinne Larochelle, Hélène Monette, Marc-Antoine K. Phaneuf, Séba, Érika Soucy-Simoneau, Jean-Philippe Tremblay et François Turcot.

*

Mais la poésie prendra aussi le salon de coiffure les 28, 29 et 30 mai de 17h à 18h sur la Place Gérald-Godin. Qu'est-ce que ça veut dire?
Les passants sont invités à s’asseoir dans une chaise de coiffure le temps de se faire lire un poème. Cette intervention souhaite déplacer l’action de la lecture de poésie dans un autre cadre de conventions tout en lui donnant une dimension plus performative et de plus grande proximité. + L’espace entourant le chapiteau du Marché de la poésie sera également le théâtre d’interventions poétiques et ludiques. Des lectures de poèmes auront lieu près du métro Mont-Royal, des arrêts d’autobus, des bancs de la place Gérald-Godin, des trottoirs, etc.
Avec Marie-Eve Comtois, Catherine Cormier-Larose, Jean-Marc Desgent, Stéphane Despatie, Alexandre Faustino, Marie-Paule Grimaldi, Jonathan “Jonas” Lafleur, Catherine Lalonde, Jonathan Lamy, Bertrand Laverdure, Laurance Ouellet-Tremblay, Danny Plourde et Érika Soucy-Simoneau.

Wo! C'est paqueté de finalistes et de gagnants du prix Émile-Nelligan là-dedans! Ça doit être bon.

mardi 26 mai 2009

La culture classique 4


L'épisode d'aujourd'hui: De la nature de Lucrèce, premier siècle av. J.-C.

Le soleil nous aveugle. Il aveugle notre compréhension des images parce qu'en tant que source unique de lumière, il nous fait croire que les images que nous voyons sont les mêmes pour tout le monde. Et après on se retrouve sur le Web où aucune image n'est jamais semblable à l'objet qu'elle représente, comme quand deux petites filles de douze passent leurs soirées à chatter ensemble des affaires vraiment cochonnes sans se rendre compte que c'est deux vieux cochons de 40 ans en train de se péter le trip sexuel de leur vie. Et puis personne ne comprend rien à ce problème des images qui ne ressemblent à rien et qu'on appelle des "simulacres". Alors il faut revenir à ce temps où le soleil n'était pas si prédominant pour notre compréhension de la réalité, et on trouve chez Lucrèce une physique complètement originale où se sont les objets qui émettent les images qui les représentent, chacun pour lui-même sans unité de mesure universelle. Chez Lucrèce, l'atmosphère est surchargée d'images et il même arrive, quand on dort, qu'on se mette à en capter des résidus, et si un morceau d'image d'homme vient percuter un morceau d'image de cheval et que t'aies le malheur de dormir juste en dessous du lieu de la collision, eh bien tu rêves à un centaure. C'est pas plus compliqué que ça. Moi c'est bizarre, j'arrête pas de rêver que je lis et que je regarde des vidéos ces temps-ci, je pense que c'est à cause des routeurs sans fil de mes voisins.

On peut trouver ici une traduction du texte De la nature.

samedi 23 mai 2009

Edward Tufte et Ivan Illich

Franchement, faire se téléscoper Ivan Illich et Edward Tufte, c'est très intéressant. D'une part, Illich commence en disant de la manière la plus posée que l'époque du livre est sur son déclin avancé. Elle est sur son déclin quand on la compare à l'époque des monastères ou à celle de la littérature bourgeoise quand lire était l'unique moyen de transmettre le savoir ou une marque de distinction. Maintenant la lecture est certes toujours une priorité, mais la « littératie » et l'alphabétisation ont nettement pris le dessus sur le modèle humaniste d'une culture nettement dominée par la transmission livresque.

Or, c'est ici que Tufte entre modestement en ligne de compte. Illich ne se risque pas à penser le mode de transmission du savoir actuelle, alors Tufte complète bien la réflexion. Parce que son époque est celle de la dématérialisation du texte en représentation visuelle, en graphique, en tableaux, en typographie, etc. Et il possède un instinct débile pour trouver ses sujets de réflexion: les notations pour transcrire la danse, les horaires de train, les cartes du ciel, les dessins de mains dans les livres de magie, les transcriptions au trait de tableaux dans les analyse d'oeuvres d'art, etc. Wa! Wa! Wa! Ce à quoi réfléchit Tufte, c'est à la rhétorique de la représentation graphique qu'il suppose aussi riche que la rhétorique de la transcription écrite du langage. Elle incorpore un mode de narration, de représentation du temps, une dynamique de présentation des « évidences » et tout une mécanique de transmission de l'idéologie qui s'ignore le plus souvent.

Mais Tufte c'est tout de même pas la fin du monde pour la raison la plus amusante: il y a chez lui un rationalisme de la représentation visuelle. On retrouve constamment dans ses livres une sorte de morale de l'mage qui fait se juxtaposer une bonne et une mauvaise représentation visuelle du point de vue de la transmission de l'information. Par exemple, une carte géographique qui utilise des nuances de brun pour représenter les degrés de hauteurs des montagnes et des nuances de bleu pour représenter des degrés de profondeurs sous-marines sera plus pertinentes pour Tufte qu'une carte utilisant les gradients du spectres des couleurs du rouge au violet sans considération pour le niveau de la mer.
Le problème c'est que, la carte pschédélique, je la trouve plus intéressante conceptuellement parce qu'elle ne s'adresse pas à ces observateurs qui considèrent tout du point de vue du niveau de la mer. Cette carte est anti-phénoménologique, elle travaille à rendre sensible la stupéfiante altérité du monde tel que le perçoit la science. Je trouve plus intéressant aussi de considérer les livres de Tufte comme des livres d'art qui offrent une expérience du sensible plutôt que celle de la présentation d'un discours technique.

Et c'est peut-être par là que les livres de Tufte nous indiquent l'espace cognitif vers lequel nous nous dirigeons une fois que nous quittons l'époque du déclin du livre. Parce que les livres de Tufte sont des livres, ils organisent et fixent un discours appuyé par des images. Et c'est comme malgré moi que j'ai beaucoup plus envie de les feuilleter comme des livres d'art que comme des exposés et c'est malgré moi aussi que je trouve un plaisir esthétique à voir se juxtaposer divers modes de représentation visuelle sans égard à la meilleure manière de transmettre l'information. Mais à l'époque du savoir dématérialisé, le discours se retrouve en miettes connectées les unes aux autres d'une manière non univoque et la responsabilité que ce discours construise ou non un savoir ne revient plus à ceux qui le produisent mais à ceux qui en font l'expérience, qui circulent de miette en miette. En marge de l'époque du livre, l'information n'est plus situable même dans une représentation visuelle. On la trouve dans des extraits de livre, on la trouve en ligne sur Wikipedia, on la trouve dans les cours qu'on a suivis à l'Université mais qui débordent de ses murs. Nous faisons face à un savoir qui nous dépasse mais qui est en tout temps accessible, un savoir spécialisé mais vaporisé. Ce qui me fascine dans ce savoir, c'est qu'il n'est jamais vulgarisé mais qu'il trouve tout de même le moyen de circuler sous une forme détournée mais non simplifiée.

Et le chat de Schrödinger, à la manière du chat de Chesshire d'Alice au pays des merveilles, nous amuse en même temps qu'il nous humilie, apparaît et disparaît et ne laisse à la fin qu'un sourire sans chat qui se tient comme par lui-même. Ce sourire, c'est notre culture sans livres.

mercredi 20 mai 2009

Bibliothèque de l'UQAM parano

J'étais en train de préparer un article pour OVNI no 3 sur les détournements du tableau périodique quand Éric de la Rochellière m'a crié au téléphone: « Arrête tout et va lire Edward Tufte! » Alors BANG je raccroche je regarde si ses livres sont à la bibliothèque et ils sont là mais là j'en ai besoin maintenant mantenant et j'ai peur que quelqu'un les emprunte entre ici et mon arrivée au rayon P93.5 T 835 alors je me garroche dehors en sautant sur un patte parce que je suis en train de mettre mes pantalons dans le corridor du bloc et je zippe mon zip sur le trottoir et je cours jusqu'à la bibliothèque des arts de l'UQAM et là je me répète P93.5 T 835 P93.5 T 835 P93.5 T 835 comme un mantra pour que le livre soit là et BANG je trouve les livres de William Tufte et là victoire je les emprunte et c'est la parade des vainqueurs jusqu'au Cheval blanc où j'ai décidé de les lire.

Mais là, c'est pas tout parce que dans mon emportement j'ai complètement oublié que je voulais aussi emprunter Du lisible au visible de Ivan Illich parce qu'à l'ACFAS la semaine dernière j'ai manqué un colloque organisé par Alejandro Zamora, Mahité Breton et Christian Giguère qui prenait le livre comme base pour réfléchir aux nouvelles manière de lire aujourd'hui à notre époque où le livre est en déclin comme support d'information. Alors je mets les freins, je vire de bord, je recours, je passe les portes, je monte l'escalier et B 765 H73D543 B 765 H73D543 B 765 H73D543 j'ai plus peur qu'avec Tufte que le livre soit emprunté parce que le colloque avait l'air trop bon et la description pouvait juster créer l'hystérie collective! La cohue! La maison qui rend fou! Des centaines d'érudits qui se jettent dans l'allée du B 500 à C 200 de la bibliothèque de l'UQAM! Je pousse les gens! Donnez-moi mon livre! BANG ça torche il est là! Je suis le king des toffe de la section philososophie! Le bibliothèque overlord! Et j'étais en noir et blanc en route vers le cheval blanc et des confetti tombaient et j'ai frenché une fille que je connaissais pas sur mon chemin parce que c'était le jour de la victoire, I-Day, le jour d'Illich! Et là j'arrive au cheval blanc, je commande une pinte de maibock, j'ouvre les livres que je viens d'emprunter et là...

dimanche 17 mai 2009

La typo des restaurants cheaps

Il y a une typo qui m'obsédait depuis un bout de temps. Elle est partout à Bruxelles parce qu'elle LA typeface de l'art nouveau, mais ici, à Montréal on la retrouve exclusivement sur les enseignes de restaurants, et des restaurants cheaps d'habitude. Or, j'ai trouvé le nom de cette typo ce matin, c'est Arnold Boecklin. Mais il se trouve qu'à la fin des années 80, un clone de la police s'est retrouvé dans la première version de Corel Draw sous le nom d'Arabia Tout ça uniquement à cause d'un nom mal choisi parce que, tout de même, l'idée d'associer les fioritures de l'art nouveau avec toute la tradition de la graphie arabe, c'est pas super bien avisé. Mais ce nom a tout de même fait en sorte de sorte que petit à petit, les petites shops de graphisme régionales de l'Occident se sont mis à utiliser la typo pour les enseignes de restaurants de shish taouk et de kebabs et plus tard, à tous les restaurants de cuisine du monde cheap. Ce qui fait que vingt ans après, on retrouve Arnold Böcklin partout sur les enseignes de restaurants qui n'ont à voir ni avec l'Art nouveau, ni avec le Moyen-Orient. Autour de chez moi, c'est les restaurants grecs de la rue Prince-Arthur qui nous agressent avec ça et plus haut sur St-Laurent, j'ai vu des restaurants indiens qui en abusent.

Il est à noter aussi que la police Arnold Böcklin n'en est pas à sa première dérape: elle en est venue aussi à incarner l'image rétro et cheap du flyer psychédélique. Sans compter que, déjà, l'art nouveau était pas toujours super loin du kitsch. Alfons Mucha, c'est quand même pas aussi subtil que Victor Horta.

Et peut-être que par là s'ouvre la possibilité d'une histoire secrète du kitsch. M'a me prendre une grosse assiettée de crevettes géantes avec du riz à l'ail en pensant à ça. Elle est 9,95$ au Gourmet grec au coin de la rue.

jeudi 14 mai 2009

La culture classique 3

L'épisode d'aujourd'hui :
Aristote, La Poétique, vers -330.
Le plus drôle dans la Poétique c'est qu'un jour, je sais plus quand mais ça fait longtemps, quelqu'un s'est mis à flasher sur un mot, "catharsis". Et là tout le monde est parti sur la catharsis. "C'est important la catharsis", "le théâtre, c'est la catharsis", "si y a pas de catharsis c'est pas bon", etc. Et puis à un moment donné, c'était il y a moins longtemps, un philologue s'est réveillé et a dit: "qu'est-ce que c'est que cette foutue catharasis?" Et tout le monde s'est rendu compte à ce moment que personne en n'avait aucune idée. Et Aristote était devenu entretemps le premier penseur formaliste obsédé par l'idée de tout classer, en même temps que le premier critique de théâtre.

Lien vers La poétique d'Aristote.
Et attendez, il existe même une version audio!

lundi 11 mai 2009

Jules Fournier : juste trop


Arthur Buies! Jules Fournier! Octave Crémazie! Que de noms apparemment poussiéreux de notre histoire littéraire, mais est-ce qu'un vieux tout moisi écrirait des affaires enragées comme ça:
Si vous voulez parler sérieusement, conviendrons-nous tout de suite que la critique est, pour une littérature, un élément indispensable du progrès. Il est certaines choses, Monsieur, dont on ne sait parfaitement la valeur que lorsqu’on en est privé. […] Essayez. Oubliez votre parapluie en partant pour votre cours, recevez un orage sur le dos, et vous connaîtrez que votre parapluie est encore plus utile quand il pleut que qu’il n'est encombrant quand il fait beau. Eh bien! nous autres, Monsieur, nous sommes continuellement à la pluie — sous une averse de toutes sortes de productions étranges et monstrueuses, , monuments de platitude, d’ignorance et d’enflure, ouvrages piquants à force de fadeur, où le cocasse atteint le sublime, chefs-d’œuvre d’humour inconscient et de sereine absurdité — livres à faire pleurer, journaux à donner le délire. Je voudrais vous voir, sous ce déluge, pour vous demander votre avis sur l’utilité des parapluies et sur la valeur de la critique.
Bang! Et on trouve des extraits aussi violents chez Buies et Crémazie et le monde littéraire québécois est en train de les redécouvrir. Et j'en fais partie. Et je vais en parler ce jeudi lors d'un colloque à Ottawa dans le cadre de l'ACFAS.

Le titre de ma communication, c'est "Nous n'avons malheureusement qu'une société d'épiciers : la charge négative dans l'essai québécois";

Le titre du colloque, c'est "Traces d’appartenance : de nouvelles avenues pour la recherche sur la construction des identités". Et le programme est en ligne ici.

vendredi 8 mai 2009

La culture classique 2


L'épisode d'aujourd'hui: Platon, L'apologie de Socrate.

Voilà une bonne histoire, le récit d'un des procès les plus célèbres de tous les temps où Socrate se voit accusé de corrompre la jeunesse et de vouer un culte au démon qu'il a dans sa tête. Wa! Il y a quelque chose de la téléréalité dans le dialogue de Platon: le lecteur assiste non pas au compte-rendu mais à un montage d'un événement qui s'est réellement produit, le règlement de compte entre les Athéniens revanchards et Socrate qui donne un show spirituel et ironique. On voit bien que le personnage de Socrate ne veut pas gagner son procès, il veut plutôt gagner le vote du public. Au lieu de se défendre, il ridiculise les juges et se sert de la tribune qui lui est offerte pour parler de sa mort qui s'en vient. C'est pas mal glorieux. Et comme la littérature nous a appris à aimer inconsidérément tous les corrupteurs de la jeunesse et que son petit démon personnel a clairement eu une influence sur le concept de conscience subjective émancipée des dieux, attendez-vous à du gros mélodrame parce que ça finit mal et que Socrate est juste trop le meilleur lofteur de tous les temps. N'en déplaise à Nietzsche qui détestait Socrate, mais rendu là, la game était plus pareille à cause de Hegel qui avait rendu ça trop stratégique.

Hop! Tournée de shooters de cigüe!

Pour sauver Socrate, rendez-vous à cette version en ligne de l'Apologie de Socrate par Platon (il y a même le texte en grec ancien à côté pour ceux qui veulent se pratiquer...)

mardi 5 mai 2009

Colloque sur le malaise

Le participerai ce vendredi matin à un colloque étudiant en littérature comparée intitulé "Malaises: la fissure dans la littérature et les autres arts" et organisé par Sara Danièle Bélanger et Mathilde Branthomme. On aura des communications sur:
Kid A de Radiohead (par Erik Bordeleau d'OVNI), les geeks, les mangas, Irvine Welsh, l'architecture serbe, David Lynch, Almodóvar, Simone Weil et beaucoup d'autres sujets intéressants.
Les étudiants de littérature comparée, ça se donne vraiment quand vient le temps de penser le détail de la culture qui les passionne. Voilà des gens qui pensent à autre chose qu'à se construire un CV et à positionner stratégiquement dans l'appareil universitaire. Ô étudiants de littérature comparée, on vous aime!

Et puis il y aura Catherine Mavrikakis aussi comme invitée spéciale.

Et moi, qu'est-ce que je fais là? Eh bien, je parlerai de la poésie amateure en ligne:
L’accélération des moyens de diffusion de l’écrit par les nouvelles technologies a permis de faire apparaître un univers de production écrite qui jusque là n’avait jamais circulé que dans l’espace du privé et de l’intime. Il en est ainsi de la poésie amateure. Confinée jusqu’à récemment aux tiroirs des particuliers, elle se publie aujourd'hui à partir de chez soi en dehors de l'appareil institutionnel littéraire. Hors l’idée d’en faire une critique ou d’en consacrer la forme ou le statut, cette poésie amateure donne à penser ce problème de la valeur de l’expression subjective. Ce drame d’une poésie sincère mais pourtant sans valeur, d’un sujet le plus souvent lyrique mais à la singularité apparemment creuse, ce drame est aussi le nôtre, car dans l’océan de l’écrit qui constitue notre espace de communication, le sujet qui parle se perd dans le bruit banal de tout ce qui parle en même temps que lui, confronté à une totalité qui l’excède, et tragiquement tendu entre l’espoir du dire et le désespoir d’une singularité inaccessible de l’expression. Ainsi, la contrepartie paradoxale de la démocratisation des moyens d’expression serait peut-être la démocratisation de l’expérience de la mélancolie dans laquelle le sujet se trouve confronté à sa propre finitude devant l’infini d’une culture où la valeur de la singularité demeure encore déterminée par sa rareté.
Malaises: la fissure dans la littérature et les autres arts
Les jeudi et vendredi, 7 et 8 mai 2009
de 9h15 à 17h
Université de Montréal
Pavillon Lionel-Groulx
3150 Jean-Brillant
C-9141

samedi 2 mai 2009

Le Canada, état voyou

Quelle connerie. Les États-Unis (par le biais de son Représentant au commerce) plaçaient jeudi dernier le Canada sur la liste des états voyous en matière de droit d'auteur, à côté de la Chine, de la Russie, de la Thaïlande et de plusieurs autres pays émergents où le piratage et la contrefaçon constituent des pans non négligeables de l'économie. Sur son blog dédié à la surveillance des excès en matière de législation du droit d'auteur, Michael Geist, professeur émérite à l'université d'Ottawa, rappelle que le taux de piratage serait estimé pour le Canada à 32% du marché (selon la méthode de calcul controversée de la Business Software Alliance, un groupement d'éditeurs commerciaux de logiciels), alors que ce taux se situe entre 66% et 86% pour la totalité des autres pays sur la liste des états voyous.

Pourquoi alors nous placer sur cette liste? Parce que le Canada n'a toujours pas ratifié la convention de l'Organisation mondiale de la propriété intellectuelle. C'est en vertu de ce traité que des organismes comme la RIAA (Recording Industry Association of America) ont pu s'ingérer dans la politique et faire en sorte que se multiplient les poursuites abusives d'utilisateurs de logiciels de partages de fichiers P2P, que le gouvernement suédois a permis le procès et la condamnation des administrateurs du tracker de torrent Pirate Bay et que la France s'enlise présentement dans un projet de loi (Hadopi) qui permettrait à tout organisme ou personne qui s'estimerait lésé dans la matière d'obliger les fournisseurs de service Internet à couper l'accès Internet de leurs clients.

Le Canada, loin de constituer un havre pour les pirates et les faussaires, a plutôt su jusqu'ici ménager les droits et responsabilités des utilisateurs comme des ayant-droits. Mais il s'en est fallu de peu: l'été dernier le projet de loi C-61 du gouvernement conservateur, mort au feuilleton comme qu'on dit, augurait très mal sur tous les fronts, jusqu'à la possibilité de reproduire des oeuvres audiovisuelles avec des appareils analogues. On peut parier que l'inclusion du Canada sur cette liste rendra plus tentant l'ingérence américaine sur l'appareil législatif canadien. Il faudra se montrer prudent lors des prochaines élections. (Wow, il y a un petit feeling "lettre au Devoir" pas mal réussi dans ce paragraphe-là!)

Et laissez-moi copier encore des DVD!