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mercredi 10 juin 2009

La culture classique 5

Eh oui, c'est encore ce moment où je vous stuffe au fond du crâne ces vieux livres dont tout le monde se sacre.

L'épisode d'aujourd'hui: Le satyricon de Pétrone, autour de -66.

À force de lire le Courrier international, on a fini par devenir des gros fans de nouvelles d'oligarques russes, arabes ou chinois, ou n'importe quoi qui met en scène les milliardaires du mauvais goût. Quand ça va bien ils se font construire des châteaux d'un kitsch absolu, quand ça va mal on rit juste à imaginer voir les huissiers venir saisir les hummers plaqués platine et les maîtresses déchues piquer des crises en talons haut sur le trottoir. Or, c'est tout à fait ce que raconte la grande scène de Satyricon, le festin chez Trimalcion, les excès complètement ridicules des nouveaux riches, d'un ridicule tellement excessif qu'une petite partie a traversé le temps et s'offre à nous comme ces gros documentaires trash qui passent des fois à Télé-Québec avec une voix de Français qui dit des choses du genre: "Parce qu'ici dans ce quartier ultrachic de Shangaï, aucun plaisir n'est interdit à ceux qui peuvent y mettre le prix..."

"Bienvenue au pays des excès."

Trimalcion est un esclave affranchi qui a réussi à amasser une fortune qu'il dilapide à la manière d'un star du hip hop. Mais c'est surtout un gros cave, un alveus magnus (ma traduction).
L'histoire de sa vie, il la compare dans les murales de sa demeure avec L'Illiade et l'Odyssée, il s'entoure d'une quantité exagérée d'esclaves de mauvaise qualité, il a des cure-dents en argent, des dés et des amphores en cristal et toutes sortes de bébelles clinquantes.

Mais le festin de Trimalcion n'est qu'un épisode du Satyricon qui comporte des tonnes d'aventures: les deux personnages principaux échappent à des prêtresses du sexe en furie, survivent à un naufrage, discutent de pourquoi la littérature va mal, entendent des histoires de loup-garou, de pleureuses inconsolables qui finissent par partir avec les gardiens du cimetières, et Encolpe finit par voir son impuissance vaincue par une sévère pénétration suprise.

Du Satyricon il ne reste cependant que des fragments. On ne sait pas trop d'où viennent les protagonistes, où ils vont et si même ils devaient au départ venir de quelque part et aller ailleurs. Mais c'est aussi ce qui donne au récit une facture hypercontemporaine: on n'a accès qu'à des fragments de réalité racontés d'une manière parfois étrangement documentaire. L'action s'arrête souvent pour qu'un personnage raconte une histoire sans aucun lien avec ce qui est en train de se produire, produisant une sorte de récit en arbre qui ne réapparaîtra qu'avec Laurence Sterne et Diderot, puis avec Joyce et tous les romanciers postmodernes américains.

Les chapitres sont tout petits et il y a tellement de ressorts narratifs qu'on a un peu l'impression de lire un manga, à condition de remplacer l'action par des discussions, les lignes pour dire que ça va vite par des références à la mythologie classique et les petits animaux quioutes qui parlent par un ragoût de tétines de truies.

Orgies! Orgies! Nous voulons des orgies!

Gâte-toé donc avec la version en ligne.

3 commentaires:

Patrick a dit…

J'ai commandé mon exemplaire au Port de tête, merci!

Rien comme du bon vieux bling bling bien antique pour se faire du fun.

(Mais si c'est poche, tu vas me devoir 20$; j'accepte les paiements en boisson.)

+

Doctorak, go! a dit…

C'est cool la version papier parce qu'il faut pas mal lire le commentaire en parallèle pour comprendre les références.

En fait, j'accepterais de te devoir 20$ si j'avais fait une note sur Les Satires de Juvénal en disant que c'était drôle à se pisser dessus.

Patrick a dit…

PS - Je ne me pisserai pas dessus avant d'avoir 65 ans.

Vive les classiques chenus!