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lundi 30 novembre 2009

L'histoire secrète du piano mécanique

Il neige, Gilles Carle est mort, Dubaï est en faillite, les Suisses sont majoritairement intolérants, si le monde a besoin de quelque chose en ce lundi, c'est bien de l'histoire secrète du piano mécanique.

La prolétarisation du pianiste

Le piano mécanique est, dans l'imaginaire populaire, un artéfact d'antiquaire. Comme dirait le vieux Ben Kenobi, c'est l'instrument noble d'une époque révolue, associé aux saloons, au ragtime et à Claude Léveillé. Mais les pianos mécaniques n'avaient rien d'élégant à leur époque, c'était plutôt un novelty assez grossier pour ces tripots qui n'avaient pas les moyens ou la patience de faire jouer des musiciens dans leur établissement. Il y a pour cela, derrière cette "belle aventure des pianos mécaniques", une version moins connue de leur histoire intimement liée à l'industrialisation de l'Occident. Car le piano mécanique est une des premières extensions musicales de la révolution industrielle du dix-neuvième siècle, premier moment de ce que Bernard Stiegler appelle la "prolétarisation" de l'artiste puisque l'interprète se voit peu à peu marginalisé du processus de diffusion de la musique pour entrer dans cette catégorie des simples employés écartés par la mécanisation. Le piano mécanique est encore plus directement lié à l'histoire de la révolution industrielle puisqu'il utilise le même procédé de carte perforée du métier à tisser de Jacquard, qui fait souvent figure de marque historique inaugurale de la révolution industrielle.

Piano mécanique et avant-garde

Mais le piano mécanique serait sans doute demeuré dans les coulisses de l'histoire comme ce poncif de saloon de western cheap si tout un tas de musiciens d'avant-garde n'avaient pas développé une fascination particulière pour l'instrument et n'avaient pas entamé tout un processus de détournement de sa fonction de divertissement de masse. C'est en effet moins pour son caractère industriel ou même pour ses qualités sonores que le piano mécanique a été redécouvert, mais bien pour les possibilités techniques qu'il offrait au compositeur. Comme objet de divertissement de masse, le piano mécanique s'écrase complètement dans les années 30, puisque le phonographe et la radio représentent des alternatives plus efficaces. Mais exactement comme Aphex Twin, les pionniers du techno de Detroit et toute une génération de musiciens électroniques écumaient les antiquaires, les ventes de garage et les pawn shops à la recherche des premiers instruments électroniques, tout un tas de compositeurs classiques ont fait à une autre époque la même chose avec le piano mécanique. Et pas les plus inconnus: Rachmaninoff, Stravinsky et Ligeti (attention, c'est complètement malade ce que Ligeti a fait avec ça), ont tous exploré le potentiel du papier perforé.
Mais le plus grand des plus grands de ce mouvement est un Américain du nom de Conlon Nancarrow qui a poussé le plus loin le potentiel formel du piano mécanique. Il paraît que c'est par pur mépris pour les interprètes de son époque qu'il s'est rabattu sur le piano mécanique, incapable qu'il était de trouver des pianistes à la hauteur des exigences techniques de son style. Mais rapidement, la musique de Nacarrow quitte complètement le domaine de l'interprétabilité: elle s'accélère et la polyphonie ne se limite plus au registre limité de notes que peuvent produire un ou deux pianistes sur un même piano. Et puis Nancarrow tire vraiment profit de l'absence d'accentuation du piano mécanique: toutes les notes sont frappées avec la même intensité, renforçant la facture formelle anti-pathos de sa musique. C'est d'ailleurs vraiment fâchant que le seul album d'études pour piano mécanique de Nancarrow que possède la bibliothèque nationale soit une transcription pour deux pianistes qui font vraiment une sale job en réinvestissant sa musique de toute une palette affective qui rend le tout franchement ridicule.

Le codage et l'atomisation du jeu

Mais on ne pouvait quand même pas redécouvrir le piano mécanique a tous les dix ans, d'autant plus qu'ils devenaient de plus en plus difficiles à trouver dans les marchés aux puces. Était-il destiné à l'oubli et aux musées de la musique? C'est ce que je croyais jusqu'à ce que je tombe il y a quelques temps sur une vidéo qui m'a complètement jeté sur le cul:


Du point de vue technique, la réalisation frappe l'imaginaire: l'utilisation du piano comme clavier de fréquences pour digitaliser la voix, voilà assurément cette chose inattendue dont le monde a besoin en ce lundi matin (^o^). Il ne s'agit pas en fait à proprement parler d'un piano mécanique vintage mais plutôt d'un piano mécanisé par tout un système de marteaux qui frappent à même les touches d'un piano classique, car la vitesse de déroulement de la partition perforée ne pourrait suivre le rythme impossible nécessaire pour produire la synthèse vocale. Le tout est relié, comme on peut le voir dans la vidéo, à un système informatique. Mais il n'y a pas que la prouesse technique, car ce détournement du principe du piano mécanique constitue une sorte d'aboutissement de toute son histoire. Du point de vue musical, on se trouve ici dans une filiation peu évidente mais néanmoins directe avec les partitions de Nancarrow et Ligeti: le jeu s'accélère au-delà des limites de l'interprétation humaine, la longueur des notes est littéralement vaporisée, atomisée dans un nuage de millièmes de secondes qui renvoie par là directement aux "clusters" des compositions mathématiques de Iannis Xenakis. Ainsi, dans un geste paradoxal mais qui me semble tout à fait représentatif de notre époque esthétique, l'accélération du langage formel et non figuratif de l'avant-garde du vingtième siècle aboutit aujourd'hui à un processus de re-figuration, à un retour à la représentation par le biais de l'accélération des moyens technologiques.
D'autre part, cette utilisation du piano mécanique constitue aussi un retour à ses racines industrielles. Car si l'instrument a d'abord fasciné ces chercheurs, c'est parce qu'il possède un lien charmant avec l'histoire de l'informatique, avec le codage des machine qui passe aussi par les cartes perforées de la machine de Jacquard. Car le piano mécanique a aussi été considéré comme support d'information. Il a joué un rôle majeur dans la préservation des premières pièces de stride et de ragtime, pour lesquelles il n'existait pas d'autre transcription en partition.

Lorsqu'on la considère sous cet angle de l'hyper-accélération et de la déshumanisation de l'interprétation, l'histoire du piano a l'air terminée. Les qualités affective de son jeu simple et émotif, qu'incarnent Chopin, Schumann et Debussy, est définitivement derrière nous, ne pouvant plus aujourd'hui qu'être évoquées, connotées; et ce piano formel et complexe est devenu impossible à interpréter, de sorte qu'on ne pourra plus jamais en jouer. Le piano a perdu face au séquenceur et n'est plus aujourd'hui que le souvenir mélancolique et complètement creux d'une musique lyrique qui n'a jamais tout à fait existé. Le piano, donc, c'est terminé. Out. C'est amusant à affirmer, mais ça veut simplement dire que toute la place est libre pour qu'on lui retrouve une nouvelle fonction. Et à force de taponner dedans comme John Cage, quelqu'un va bien finir par trouver quoi faire d'actuel avec le piano.

jeudi 26 novembre 2009

33,3333333333333333333333 ans

Aujourd'hui j'ai 33 ans et un tiers. Je suis, dans le meilleur des cas, au tiers de ma vie. C'est quand même dommage qu'on fête toujours les demis, les quarts ou les dizaines mais jamais les tiers. En termes de vie, c'est un peu paniquant cependant, parce qu'à ma fête de deux tiers de vie, quand j'aurai 66,6666666 ans, on risque plus de parler de nos maladies et de notre fonds de pension que de la première de Panique au village au Cinéma du Parc la semaine prochaine.

(Eh oui ils ont fait un film de Panique au village!!!!!!! Iiiiiiiii!! Gnnnnnnn! Wouhouuuuuu!)

Et diviser en tiers, c'est comme couper une tarte ou une pizza, c'est chiant diviser par trois mais c'est mon activité préférée parce que comparativement à diviser en deux ou en quatre où t'as seulement qu'à surveiller tes angles droits, séparer en trois implique toujours de l'instinct et de la pratique et de faire un petit bricolage, Par exemple, pour calculer le quart, t'as seulement qu'à attendre d'avoir 25 ans et c'est tout, et puis la date est déjà toute prête. Mais pour arriver au tiers du 33, j'ai dû diviser 365 par trois puis ajouter 122 jours après ma date d'anniversaire. Ça tombe le 28 novembre.

Incidemment, ça fait aussi un peu plus d'un an que Doctorak, GO! est ouvert. Bonne fête Doctorak!

Je fais un party pour l'occasion, mais pas d'invitation publique parce que j'ai peur que les fans des Super Sentai débarquent faire la justice chez nous et tout péter.

dimanche 22 novembre 2009

The Beatles - Everyday Chemistry

On Sept. 9, 2009 I experienced something that I still am having trouble believing happened to me. I came into the possession of a cassette tape containing a Beatles album that was never released. In fact, not only was it never released but it was recorded many years after they broke up.
Ainsi commence le récit qu'on peut lire sur le site The Beatles never broke up. L'auteur désire demeurer anonyme, de peur que la "communauté des touristes dimensionnels" n'apprenne qu'il a brisé le tabou: rapporter un objet d'une autre dimension dans une dimension parallèle dans laquelle il n'existe pas. Cet objet, c'est la copie sur cassette d'un album des Beatles.

L'album s'appelle Everyday Chemistry. Et il est proprement génial. On peut en downloader une copie ici. Je mets aussi la pièce d'ouverture "Four Guys" en écoute.



Les véritables fans des Beatles auront déjà compris de quoi il s'agit. Pour les autres, je poursuis encore un peu en posant la question: si les Beatles étaient effectivement demeurés ensemble, à quoi auraient pu ressembler les albums suivant Let it Be? D'une part, le dernierz véritable effort de composition collectif sur Abbey Road, le "medley" qui va de "You Never Give Me Your Money" à "The End" est un collage assez innovateur de fragments de chansons composées individuellement par chacun des Beatles. Or, ces compositons individuelles post-Beatles existent bel et bien, séparément, sur les albums de George Harrison, John Lennon et McCartney/Wings. On peut ainsi raisonnablement imaginer que si les Beatles avaient continué d'exister, beaucoup des chansons qu'on peut trouver sur ces albums solo seraient devenus des chansons des Beatles, retravaillées en groupe.

C'est ce qu'est en fait "Everyday Chemistry", un collage par mashup des efforts solo de chacun des Beatles, constitué à partir d'extraits moins connus de chansons de Lennon, McCartney, Harrison et Ringo. Le montage est convaincant, comme le son, résolument ancré dans les années 70, mais avec cet effet puissant de nouveauté et d'expérimentation en studio qu'ont peu à peu perdus les albums individuels des quatre musiciens en solo. Et, quand on se prend au récit de cet univers parallèle où les Beatles existent encore, l'effet de boucle propre à tout mashup donne à cet album une saveur bizarrement prophétique, comme si ces Beatles imaginaires avaient anticipé l'influence du sampling sur le rock à venir.

Ce collage représente un aboutissement dans l'histoire du mashup. Ce genre qui s'est d'abord appelé "plunderphonics", a d'abord été politique, critiquant la musique et l'industrie musicale à partir d'un remodelage de cette même musique. Il s'agissait en quelque sorte d'extirper la musique populaire hors du circuit commercial et corporatif dans lequel elle était prisonnière pour la redonner au public, à qui elle appartenait vraiment puisqu'elle constituait, selon les "plunderers" (John Oswald, les membres de Negativland, d'Evolution Control Comity), la trame sonore de son existence, de ses souvenirs, etc. Le mashup est ensuite devenu une discipline plus formelle, une sorte de jonglerie raffinée pour archivistes musicaux orientée principalement sur la recherche de l'exploit et sur le culte du paradoxe. Ainsi, Stroke of Genie-Us mélangeait la haute et la basse culture musicale pop (The Strokes avec Christina Aguilerra), tandis que The Gray Album de Danger Mouse remixait The White Album des Beatles avec The Black Album de Jay-Z sur la simple base d'une opposition de tons spirituelle.

Il me semble que "Everyday Chemistry" représente une nouvelle étape de cette histoire du mashup dans la mesure où on quitte ici la recherche de l'exploit purement technique pour quelque chose de radicalement nouveau, le récit. Car il s'agit bien ici d'un mashup d'anticipation qui cherche à penser une histoire de la musique qui n'existe que virtuellement. Ce collage a véritablement la valeur d'un récit puisqu'il déploie un univers parallèle pour nos oreilles, un univers qui nous permet de réfléchir à cette histoire de la musique populaire qui est la nôtre. Il nous permet par exemple de réfléchir à ce type d'identité particulière que représente le "groupe". Ensemble ou séparés, Lennon et McCartney ont continué d'écrire de la même manière, et sur Ringo, l'album de 1973, tous les Beatles ont participé séparément sans qu'il puisse pour autant constituer un album des Beatles à proprement parler.

De la même manière, le récit de science-fiction qui accompagne la présentation d'Everyday Chemistry n'est pas dénué d'intérêt non plus. L'anonymat de l'auteur est nécessaire, moins pour fuir la communauté des voyageurs dimensionnels que pour fuir celle des avocats du droit d'auteur qui sont, dans le cas des Beatles, intraitables. Du point de vue légal, cet album provient absolument d'une autre dimension parallèle et sa présence dans notre univers est tout aussi strictement interdite.

Etc., etc.

Lien vers le téléchargement d'Everyday Chemistry des Beatles.

mercredi 18 novembre 2009

Questions de science-fiction

Moi, les histoire de voyager dans le temps et d'univers parallèles, j'aime ça. Il m'arrive de partir dans ma tête des dix minutes de temps en me posant toutes sortes de questions pratiques là-dessus. Les problèmes qu'on pose d'ordinaire au voyage dans le temps sont toujours de l'ordre du paradoxe ou des grands bouleversements historiques. Et d'une manière bizarre, ça finit toujours par tuer quelque chose qu'il faut tuer, des petits mammifères, Hitler ou son grand-père. Mais les miens sont différents. Voici mes préférés:

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Problème 1 - Partir dans le passé, implique avoir besoin d'argent. Une valise pleine ça pourrait faire l'affaire. Mais vous ne pourriez évidemment pas apporter une monnaie battue après la date où vous arriveriez. Donc, étant donné a) l'inflation historique et b) la valeur marchande des billets anciens sur le marché des numismates, votre pouvoir d'achat serait-il égal, supérieur ou inférieur à celui que vous avez présentement?

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Problème 2 - Supposons que vous vous retrouviez catapulté, disons, à plus de 150 ans en arrière sans espoir de jamais revenir dans le présent. Vous atterissez à l'endroit où vous avez vécu tout en sachant bien que la plupart vos points de référence culturels, sociaux, urbains, etc., ne se seront pas mis mettront pas en place avant votre mort. Aimeriez-vous a) vous y installer tout de même tellement la nostalgie des choses à venir vous étreint en guettant l'apparition prochaine de ce monde que vous avez connu; b) aller vivre dans une ville déjà ancienne comme Paris où Rome où les monuments qui vous ont préexisté constitueraient pour vous une forme de continuité; c) carrément partir vivre dans une autre culture que vous ne connaissez pas, turque ou amérindienne ou maya, puisque de toute manière ce monde que vous avez quitté n'existera jamais de votre vivant.

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Problème 3 - L'humanité entière se réveille demain matin nue sur le sol dans un monde parallèle. Il s'agit de la Terre, mais sans aucune marque de civilisation humaine. Tout est donc à refaire, il n'y a pas encore même d'agriculture. C'est le printemps dans l'hémisphère nord (donnons-nous une chance), et ce matin-là, il y a 7 milliards d'êtres humains distribués partout sur le globe en pleine forêt ou en pleine clairière, tout dépend. Et puis là, évidemment, plein de gens meurent de faim et de maladie et c'est affreux, mais après quelques mois de chaos, la vie s'organise. Tout le monde, évidemment, se souvient exactement de tous les détails de la civilisation à venir, simplement il manque les moyens techniques d'y parvenir.

Question a) Quelle fonction aurait le plus de chance d'être la vôtre dans cette société retournée sur elle-même? Décrivez une journée typique, développez aussi autour de votre plus grand regret mais aussi de votre plus grande motivation;
Question b) Combien de temps, à votre avis, cela prendrait-il à cette humanité pour reparcourir toutes les étapes de son évolution technique pour, disons, faire jouer une chanson des Beatles sur CD; sous-question: étant donné le traumatisme vécu par l'humanité et étant donné que d'arriver au CD risque de prendre plusieurs dizaines de générations, "Yesterday" aurait-elle une chance d'être la chanson des Beatles la plus susceptible de se retrouver sur ce CD? Selon vous, les paroles resteraient-elles intactes ou se seraient-elles modifiées? Comment?

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Pourquoi les Beatles? Parce que je viens de trouver un album inédit enregistré dans les années 70. Et il y en aurait plusieurs, car il existe un univers parallèle au nôtre dans lequel les Beatles ne se sont jamais séparés. Et quelqu'un sur un site affirme être revenu de cet univers par un portail dimensionnel avec une copie cassette de cet album.

samedi 14 novembre 2009

Qu'est-ce qui joue de bon à Radio Spirale?

Le site de Radio Spirale est encore petit mais ses ambitions sont immenses: finir par remplacer ce qui s'appelait avant la Chaîne culturelle de Radio-Canada. Il y a toutes sortes de choses déjà là-dessus et comme j'en ai écouté tout un paquet, je vous propose aujourd'hui à vous, mon public aussi exigeant que blasé, une sélection d'enregistrements qui valent la peine d'être écoutés.

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"Faire violence" rencontre avec Marie-Sissi Labrèche animée par Sandrina Joseph. C'est probablement la meilleur entrevue publique à vie de Marie-Sissi Labrèche parce qu'elle s'entretient avec une de ses bonnes amies. Alors l'atmosphère est détendue et pour une fois, la nervosité infinie de M.-S. Labrèche est plus amusée que paniquée. Et même si Sandrina et Marie-Sissi sont des amies, ce n'est pas une raison pour qu'elles n'aillent pas au fond de quelques thématiques de son oeuvre.

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Rêvez pour moi - Savannah-lou. Le projet d'émission de Catherine Mavrikakis est vraiment extraordinaire: interpréter les rêves de ses invités. C'est véritablement une plongée dans la singularité de toute une existence à travers une conversation légère en apparence mais ce n'est que pour mieux dériver vers la profondeur et la complexité d'une relation psychanalytique. Quand j'y suis allé, j'ai parlé de mon rêve récurent de chien mort: je dois garder le chien et puis soudain je me rappelle que j'ai oublié de le sortir et de lui donner à manger. C'est alors que je me rends compte que ce chien est mort depuis des années et que j'ai finalement pas besoin de m'en occuper, mais il est là, il est là, il me regarde, il se promène...
Mais laissons cela, parce que l'émission la plus intéressante, Catherine l'a fait avec sa fille, qui avait 7 ans au moment de l'entrevue. Le monde intérieur d'une petite fille peut être tellement complexe, et ses angoisses, aussi grandes que les nôtres.

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Les malentendus France-Québec. Entretien avec Jean-Pierre Bacot, un spécialiste français du Québec qui vient nous faire une drôle d'histoire des milieux intellectuels catholiques canadiens français du début du vingtième siècle, en lien avec les pires réactionnaires de la droite française monarchiste et avec des histoires de conspiration et de sociétés secrètes. Après avoir écouté ça, tu penses aux Chevaliers de Colomb, tu fermes les fenêtres et tu barres les portes en attendant que Dan Brown écrive un livre là-dessus.

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Un projet, plusieurs voix (les éditions Rodrigol). Pascal Angelo Fioramore et André Racette font le tour de la question des éditions Rodrigol en un peu moins d'une heure. Pourquoi faire une maison d'édition aujourd'hui? Comment ils choisissent et travaillent leurs textes? Qu'est-ce qu'une communauté littéraire? Stéphane Surprenant fait-il pleurer les enfants?

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La « vie quotidienne » en mouvement. Le quotidien de Patrick Straram. Patrick Straram est une des figures les plus intéressantes à redécouvrir. Parmi les fondateurs de l'Internationale situationniste, il arrive au Québec au milieu des années 50, devient bûcheron, puis à Montréal habite pratiquement dans la rue pendant quelques années avant de devenir une figure centrale du monde intellectuel québécois. Il est à l'ONF et à Radio-Canada avant de partir en Californie à la fin des années 60.

Dans cette émission de Sylvano Santini et Guillaume Lafleur, on parle d'une longue lettre de Patrick Straram à Guy Debord qui date de 1960. L'internationale situationniste était plutôt locale, pas trop internationale dans ces années-là. Elle a failli exister et le Québec était l'avant-poste tout désigné pour faire le point vers l'Amérique. Mais les années 50 au Québec c'était plutôt nul, et l'Amérique devra attendre. Mais pendant ce temps, Arthur Lamothe apportait un café à Straram. Il aurait préféré un scotch, mais pour ça il aimait mieux attendre après la Révolution.

Lien vers Radio Spirale.

mardi 10 novembre 2009

Un jeu vidéo pour Maurice Blanchot

Je suis tombé dernièrement sur un très beau petit jeu gratuit en ligne, Small Worlds de David Shute. Le principe est très simple, il s'agit de déplacer un personnage dans un environnement à plate-formes. Jusque là, rien d'original, mais c'est dans le traitement que tout se joue.

Le but du jeu est d'explorer l'environnement physique, que le personnage dévoile à mesure qu'il découvre. Chaque tableau, commence par un gros plan pratiquement abstrait, car le jeu exploite une esthétique pixélisée aux couleurs sombres qui ne prennent leur sens qu'à mesure que le plan rapetisse. Ainsi, ce personnage qui ne fait que trois pixels de haut par un de large est au départ à la limite entre le figuratif et le non figuratif, simple évocation à laquelle répondent les différents tableaux, eux-mêmes à peine plus que des esquisses énigmatiques et fragmentaires. Une base militaire sous-terraine dans un montagne couverte de neige, un amas de pierres, un bourg médiéval arrosé par une station de pompage, une sorte de carcasse géante: dans leur évocation, ces environnements n'ont pas d'histoire, ils constituent plutôt chacun l'image d'un monde triste et désolé dont le sens échappe à mesure qu'il se dévoile. Le personnage aussi demeure à la fin sans récit, sans visage, sans personnalité. Dans la mesure où il est celui qui dévoile le monde, il occupe une position subjective, mais on ne saura rien de lui. Il n'aura été que l'agent de dévoilement de ce monde, devenu minuscule à mesure que le plan d'ensemble s'est élargi, au point de disparaître dans l'image, comme ces voix beckettiennes qui parlent en tâtonnant le monde qui les environne, pour se rendre compte à la fin qu'elles ne sont rien par elles-mêmes.

Ce jeu est singulier parce qu'il se situe beaucoup plus du côté de la tradition poétique que de la tradition du récit, à l'enseigne de laquelle logent la quasi-totalité des jeux vidéo. Ce jeu est poétique, pas parce qu'on pourrait dire que c'est un "beau" jeu, mais parce que son traitement de la subjectivité (qui dévoile le monde qui l'entoure) et de l'image (l'espace sans récit) ne peut être compris qu'à partir de la tradition poétique. C'est donc une sorte de poème en prose ludique. Et puis l'introduction et la conclusion sont elles aussi énigmatiques. "There is too much noise" peut-on lire en ouverture, et "silence" une fois que tout l'espace a été dévoilé. Dans cette aventure qui n'est que visuelle (hormis la musique prenante qui accompagne chacun des tableaux), voir s'oppose à entendre, mais le silence est à la fin absolu, car il est la marque de ce qui finit.

Je veux dire, c'est, bizarrement... un jeu blanchotien .

Lien vers Small Worlds de David Shute. Ça prend genre dix minutes à finir et c'est gratuit.

vendredi 6 novembre 2009

Je vais lire Renée Gagnon en public!

Mercredi prochain je fais une lecture publique! Au port de tête! D'un texte de Renée Gagnon! Je l'aime Renée Gagnon! Quand je la lis je dois tout le temps m'arrêter parce que je lui donne plein de prix dans ma tête. Alors je devrai me concentrer très fort pour lire comme il faut l'excellent texte "Du junk dans la nuit" tiré du collectif Le livre de chevet qui sera lancé le même soir. J'ai deux choses à dire.

1- Ce texte parle de faire de l'insomnie, d'avoir la tête qui tourne en se répétant impuissant "ça s'est pas passé", "pas passé ça pas ça". Or, comme c'est exactement ce qui m'arrive présentement (je dors mal et je fais une légère labyrinthite) et que je passe un sale moment ("non, c'est pas vrai, ça s'est pas passé"), ce texte me tient beaucoup à coeur. Il se peut même que ma lecture soit très très émotive et que je me serve de cette émotion pour faire une sacrée performance. Et Renée va faire la lecture d'un de mes textes aussi, quel fucking bonheur (sans ironie);

2- Le livre de chevet, projet dirigé par Daniel Canty, est probablement le dernier projet démesuré qu'entreprennent les Éditions du Quartanier. Et par là, je veux dire que c'est un livre d'une beauté dispendieuse, d'un design grandiose (par FEED) et je conseille à tout le monde de considérer son achat en souvenir de cette époque qui s'achève.

Le livre de chevet
Avec des textes de Christophe Bernard, Salvador Alanis, Éric Giraud, Nathalie Bachand, J. R. Carpenter, Angela Carr, François Turcot, Annie Lafleur, Dauphin Vincent, Oana Avasilichioaei, Simon St-Onge, Charles Simic, Desavage, Erín Moure, Mathieu Arsenault, Jacob Wren, Stephanie Bolster, Franz Schürch, Renée Gagnon, Marc-Antoine K. Phaneuf, Patrick Poulin, Louis-Philippe Hébert, N. S. et Mélisandre Schofield

Lancement le mercredi 11 novembre de 17 h à 24 h
au Port de tête, 262 Est Mont-Royal