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dimanche 22 novembre 2009

The Beatles - Everyday Chemistry

On Sept. 9, 2009 I experienced something that I still am having trouble believing happened to me. I came into the possession of a cassette tape containing a Beatles album that was never released. In fact, not only was it never released but it was recorded many years after they broke up.
Ainsi commence le récit qu'on peut lire sur le site The Beatles never broke up. L'auteur désire demeurer anonyme, de peur que la "communauté des touristes dimensionnels" n'apprenne qu'il a brisé le tabou: rapporter un objet d'une autre dimension dans une dimension parallèle dans laquelle il n'existe pas. Cet objet, c'est la copie sur cassette d'un album des Beatles.

L'album s'appelle Everyday Chemistry. Et il est proprement génial. On peut en downloader une copie ici. Je mets aussi la pièce d'ouverture "Four Guys" en écoute.



Les véritables fans des Beatles auront déjà compris de quoi il s'agit. Pour les autres, je poursuis encore un peu en posant la question: si les Beatles étaient effectivement demeurés ensemble, à quoi auraient pu ressembler les albums suivant Let it Be? D'une part, le dernierz véritable effort de composition collectif sur Abbey Road, le "medley" qui va de "You Never Give Me Your Money" à "The End" est un collage assez innovateur de fragments de chansons composées individuellement par chacun des Beatles. Or, ces compositons individuelles post-Beatles existent bel et bien, séparément, sur les albums de George Harrison, John Lennon et McCartney/Wings. On peut ainsi raisonnablement imaginer que si les Beatles avaient continué d'exister, beaucoup des chansons qu'on peut trouver sur ces albums solo seraient devenus des chansons des Beatles, retravaillées en groupe.

C'est ce qu'est en fait "Everyday Chemistry", un collage par mashup des efforts solo de chacun des Beatles, constitué à partir d'extraits moins connus de chansons de Lennon, McCartney, Harrison et Ringo. Le montage est convaincant, comme le son, résolument ancré dans les années 70, mais avec cet effet puissant de nouveauté et d'expérimentation en studio qu'ont peu à peu perdus les albums individuels des quatre musiciens en solo. Et, quand on se prend au récit de cet univers parallèle où les Beatles existent encore, l'effet de boucle propre à tout mashup donne à cet album une saveur bizarrement prophétique, comme si ces Beatles imaginaires avaient anticipé l'influence du sampling sur le rock à venir.

Ce collage représente un aboutissement dans l'histoire du mashup. Ce genre qui s'est d'abord appelé "plunderphonics", a d'abord été politique, critiquant la musique et l'industrie musicale à partir d'un remodelage de cette même musique. Il s'agissait en quelque sorte d'extirper la musique populaire hors du circuit commercial et corporatif dans lequel elle était prisonnière pour la redonner au public, à qui elle appartenait vraiment puisqu'elle constituait, selon les "plunderers" (John Oswald, les membres de Negativland, d'Evolution Control Comity), la trame sonore de son existence, de ses souvenirs, etc. Le mashup est ensuite devenu une discipline plus formelle, une sorte de jonglerie raffinée pour archivistes musicaux orientée principalement sur la recherche de l'exploit et sur le culte du paradoxe. Ainsi, Stroke of Genie-Us mélangeait la haute et la basse culture musicale pop (The Strokes avec Christina Aguilerra), tandis que The Gray Album de Danger Mouse remixait The White Album des Beatles avec The Black Album de Jay-Z sur la simple base d'une opposition de tons spirituelle.

Il me semble que "Everyday Chemistry" représente une nouvelle étape de cette histoire du mashup dans la mesure où on quitte ici la recherche de l'exploit purement technique pour quelque chose de radicalement nouveau, le récit. Car il s'agit bien ici d'un mashup d'anticipation qui cherche à penser une histoire de la musique qui n'existe que virtuellement. Ce collage a véritablement la valeur d'un récit puisqu'il déploie un univers parallèle pour nos oreilles, un univers qui nous permet de réfléchir à cette histoire de la musique populaire qui est la nôtre. Il nous permet par exemple de réfléchir à ce type d'identité particulière que représente le "groupe". Ensemble ou séparés, Lennon et McCartney ont continué d'écrire de la même manière, et sur Ringo, l'album de 1973, tous les Beatles ont participé séparément sans qu'il puisse pour autant constituer un album des Beatles à proprement parler.

De la même manière, le récit de science-fiction qui accompagne la présentation d'Everyday Chemistry n'est pas dénué d'intérêt non plus. L'anonymat de l'auteur est nécessaire, moins pour fuir la communauté des voyageurs dimensionnels que pour fuir celle des avocats du droit d'auteur qui sont, dans le cas des Beatles, intraitables. Du point de vue légal, cet album provient absolument d'une autre dimension parallèle et sa présence dans notre univers est tout aussi strictement interdite.

Etc., etc.

Lien vers le téléchargement d'Everyday Chemistry des Beatles.

3 commentaires:

William a dit…

Wow! Merci pour ce texte et cette découverte! C'est super intéressant et ça m'a fait dériver vers une série de mash-up sur YouTube (j'avoue que "Stroke of Genie-us" est assez fort).

Le défi du producteur de "Everyday Chemistry" étant quand même énorme, c'est clair que le résultat torche. Mais ce type de composition m'impose toujours une écoute particulière, comme si j'étais à la recherche des failles. Ça rend l'appréciation assez difficile.

Difficile de ne pas chercher les ficèles, tsé? De ne pas voir ces oeuvres comme du para-Beatles, même si le gars voudrait peut-être que ça devienne plutôt du méta-Beatles...

En tout cas, c'est pas mal intéressant. Je reviendrai certainement ici!

Doctorak, go! a dit…

Wo merci!
J'ai justement tout un tas un liens passer sur les "para-Beatles", la "beatlesploitation". Les Beatles c'est la Guerre des étoiles de la génération précédente. Il y a eu des trucs amusants de faits en matière de détournements.
Stay tuned, tenez-vous syntonisés.

Ed. a dit…

Merci Mathieu ! Une crisse de belle découverte. Je l'ai bloguée, twittée pis Facebookée (en te mentionnant, t'inquiètes).