Je sors de mon silence pour une bonne cause. Un genre de
bonne cause, oui. Je passe un été triste. Vickie Gendreau, ma meilleure amie, dont
l’énergie me déborde dessus, avec qui j’ai fait tant de conneries amusantes,
mais dont j’ai aussi été le mentor littéraire impitoyable depuis deux ans, Vickie
qui travaille si fort pour réaliser son rêve de devenir une écrivaine, une vraie, a été
diagnostiquée d’une tumeur au cerveau. Inopérable. De celles dont on ne guérit pas. Les traitements ont eu l’air
de fonctionner jusqu’ici, lui donnant un répit qu’on n’imaginait pas au départ,
et elle a pu terminer un premier manuscrit, Testament,
un livre dur et sans compromis que je ne pourrai probablement jamais
relire
dans son entièreté tant me bouleverse cette jeune narratrice qui contemple
la mort
droit dans les yeux. J’ai passé beaucoup de temps avec Vickie depuis
juin. Nous
avons partagé des émotions que personne ne voudrait partager et nous avons
désespérément cherché
l’énergie pour continuer de nous amuser et de faire en sorte que le
quotidien
reste un terrain de jeu verbal, une fête champêtre avec du champagne et
des brillants dans le fond des coupes. Nous y sommes arrivés.
Mais pendant ce temps, Sophy, que
j’aime tant, notre amie, n’a
pas eu cette force. Abattue par cette nouvelle, elle qui est si joyeuse
et « gnéseuse » d’habitude s’est petit à petit refermée sur elle-même et
s'est retrouvée prise dans une suite de crises de panique qui ont fait
en sorte qu’au bout d'un moment, elle n’a plus été capable de sortir de chez
elle. C’est
à ce moment que sa chatte de 17 ans, la petite Po, sa seule vraie bouée
qu’elle
a à ses côté depuis son enfance, est tombée malade. Elle s’en
sortira, mais
Sophy n’a pas les moyens de payer les 1000$ que lui auront coûté son
hospitalisation et ses traitements, auxquels s’ajoutera ensuite une facture mensuelle
qui ajoute
à l’extrême pauvreté dans laquelle Sophy se trouve plongée présentement.
Même
si elle pourrait en venir à ne plus se payer de luxe d'aucune sorte, ni téléphone,
ni
Internet, même si elle pourrait arrêter de manger pour que Po continue
sa vie
de chat en santé, Sophy ne demandera pas la charité. Elle a plutôt
décidé de
célébrer la « chatte gériatrique la plus belle du monde » en faisant
des t-shirts, des macarons et des cartes postales qui lui permettront
peut-être
d’éponger ses dettes, de recommencer à respirer financièrement et de
remonter enfin la pente. Elle ne vous le
dira jamais comme ça, bien sûr, car elle veut que la vie reste une chose
légère et farfelue.
Elle veut faire de Po plus qu’une rock star, une sorte d’icône
presque religieuse
qu’elle distribuera à tout le monde. C'est une image qui rappelle le Che, c'est pourquoi nous,
on l’appelle le Cha. Le Cha Guevara. Le projet de Sophy est de faire de Po
le
patron des vieux animaux de compagnie, ceux qu’on n’abandonne pas tant
qu’ils gardent
une qualité de vie décente, ces animaux grisonnants fragiles et dignes,
dont on
connaît les moindre caprices et traits de caractère, et dans les yeux
desquels
nous pouvons voir nos propres angoisses de vieillir sans être abandonnés, à défaut des leurs, car ces yeux demeurent irrémédiablement
silencieux.
Mes amies et moi, nous trébuchons parfois mais nous sommes forts. Nous
sommes épuisés mais nous n’abandonnerons pas. Nous ne céderons pas à la
tristesse qui est venue de tous les côtés cet été.
Sophy prend les commandes sur sa boutique Etsy, et vous
pouvez suivre ses aventures sur son blogue, Lorazepam. Et pour Vickie... surveillez bien ce
qui va se passer cet automne. Ça va être "plus malade qu'elle", comme elle dit.
3 commentaires:
Cher Mathieu.
Quelle triste nouvelle que d'apprendre la maladie de Vickie Gendreau, cette jeune poète éblouissante que j'ai entendue au Cabaret de la Pègre l'hiver dernier. Je lui ai envoyé un courriel, mais dis-lui toute mon affection et mon admiration. On peut maintenant guérir du cancer, malgré ce qu'en dit la médecine. Ça prend beaucoup de courage ce qui lui arrive. Je lui en souhaite beaucoup et à toi aussi qui la soutient.
Y a toujours un câlin pour toi ici (et pour V., et pour S.) ici. xx
Je ne la connais pas. Ça me touche, de façon profonde. Ma soeur a eu le même cancer, enfant. Je vais prier pour elle. (Réellement.)
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