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mercredi 15 avril 2009

Un simulacre de fantôme: un cas de pareidolie au cube

Titre ronflant de communication de colloque savant + sujet un peu farfelu mais discuté intelligemment = Wouhou!

Attention amateurs de l'occulte et du surnaturel, il circule présentement sur le Net un extrait troublant du combat de 1974 entre George Foreman et Mohammed Ali dans lequel on peut clairement voir dans la foule passer un instant le visage d'un spectre. C'est à 5m45 exactement:


Ce visage, c'est celui de Michael Jackson, mais du Michael Jackson des années 90. Si vous l'avez manqué, le site Forgetomori qui a déniché l'histoire, a compilé une séquence au ralenti qui permet de le voir plus distinctement.

Il s'agit manifestement ici d'un cas de pareidolie du visage, c'est-à-dire d'une hallucination visuelle provoquée un emballement de la zone du cerveau consacrée à l'interprétation des expressions faciales. Lorsqu'elle dérape, cette capacité d'interprétation voit des visages là où il n'y en a pas.

La pareidolie est un générateur puissant d'inquiétante étrangeté et constitue une des dernières explications rationnelles de beaucoup de photos de fantômes une fois qu'ont été écartées toutes possibilités de canular et de manipulations d'image. Comme cette petite fille qui est apparue sur la photo d'un incendie en 1995 et que personne n'avait vu sur les lieux le soir même:
Le corps se confond avec les barreaux de la rampe et la tête elle-même est trop alignée par rapport à elle. Mais hou, ça fait peur quand même.

La pareidolie possède cependant aussi son potentiel trivial, car elle permet de projeter sur le monde un voile d'anthropomorphie, qui rend les objets sympathiques ou antipathiques, comme on peut le voir ici pour se barbecue très frustré de l'hiver:
Ce qui est amusant dans l'extrait du combat Foreman/Ali où le visage de Michael Jackson apparaît, c'est qu'il nous place dans un espace à la fois comique et inquiétant. La forme de cette apparition est bien conforme à celle des histoires de fantôme: un visage spectral, désincarné et disproportionné apparaît après-coup dans un espace où personne ne l'avait remarqué, fixant le spectateur d'une manière énigmatique. Mais toute l'inquiétante étrangeté se retourne complètement sur elle-même en parodie d'histoire de fantôme: le visage n'est pas celui d'un mort mais d'un vivant, ne vient pas du passé mais de l'avenir des images tournées en 1974. Encore plus drôle, au lieu de l'associer à un récit troublant et localisé, comme une histoire de massacre, de meurtre ou de suicide qui aurait eu lieu sur les lieux même où ont été pris les images, le visage est rabattu sur une figure décrédibilisée et délocalisée par les journaux à potin qui font circuler le visage de Michael Jackson.

Les récits de fantômes pour les enfants mettent souvent en scène des parodies de fantôme, c'est classique, où finalement, comme dans Scooby-Doo, le spectre trouve son explication rationnelle. Mais ici nous sommes en présence d'autre chose de très rare, d'un simulacre de fantôme, pour lequel l'explication rationnelle ne suffit pas dissiper le caractère fantômatique de l'illusion sans pourtant ajouter rien à l'irrationnalité de l'événement, à la suspension du jugement qui ferait basculer dans la superstition. On pourrait même affirmer que cette image crée pour les histoires de fantôme l'équivalent de la pareidolie pour la surcapacité cognitive à percevoir les visages: notre sensibilité littéraire est tellement formée à reconnaître la forme d'une histoire de fantôme qu'elle en trouve là où il n'y en a pas. Et du coup, ce n'est plus nous qui jouons à nous faire peur, c'est la culture elle-même à travers nous. Et peut-être nous sentons-nous alors à son égard comme ces enfants dont l'étourderie a fait peur un instant à leur parents sans qu'ils comprennent exactement la nature de cette peur... Mais disant cela, ne serais-je pas moi-même en train de donner un visage humain à la culture, établissant un troisième degré de pareidolie par-dessus le deuxième degré du simulacre de spectre... BEU!

Comme je l'ai dit, l'histoire vient du site Forgetomori qui présente, comme toujours, une analyse d'une grande qualité. Le lien est ici.

Mise à jour: Aimée V. (la cinquième Ghostbuster!) a semé le doute dans mon esprit au sujet de la probabilité que la photo du fantôme de la petite fille soit à classer dans les cas de pareidolie. J'ai retrouvé l'article que j'avais lu là-dessus et je me suis fourré: malheureusement des doutes ont été émis puisque le grain du visage de la petite fille serait différent de celui du reste de l'image. Alors j'ai cherché un meilleur exemple, et celui que j'ai déniché est encore mieux avec des jeunes qui explorent une maison abandonné et deux images fugitives d'enfants qu'ils n'ont découvert qu'après-coup. L'histoire est trop parfaite, regardez pas ça avant de vous coucher (là je m'adresse plus spécialement à ma soeur: clique pas là-dessus Marie-Anne, tu vas le regretter). Si vous avez cependant eu le malheur de le faire, lisez l'analyse qui conclut: on s'attend tellement à voir des fantômes que notre cerveau s'emballe et finit par éliminer toutes les autres possibilités.

5 commentaires:

AiméeV a dit…

Bon, je veux juste être sûre que j'ai bien compris: il y aurait des éléments physiques, par exemple sur la photo de l'incendie, des décombres, qui nous donneraient l'impression au premier coup d'oeil qu'une petite fille s'y trouve. Et on a conclu à une pareidolie car on a écarté l'éventualité d'un montage photographique, etc.

Doctorak, go! a dit…

Mm. Techniquement c'était ça, mais merde, mon exemple est pas bon: je viens de retrouver le post qui en parlait et une analyse au moins tend à montrer que le grain du visage de la petite fille est différent du reste de la photo. [http://forgetomori.com/2009/paranormal/ghosts/the-second-best-pareidolia-a-hoax/#more-788].

Tchecke mon update, je viens de mettre un exemple plus pertinent. Et plus effrayant aussi.

Patrick a dit…

Ça me semble aussi faire partie de "l'inconscient optique" dont parle Benjamin dans sa "Petite histoire de la photographie".

Le cas le plus ridicule est bien sûr celui des visages de Christ dans les grilled-cheese, etc.

La Loove a dit…

Docteur, Docteur,
qu'est-ce que ça veut dire si je vis régulièrement de la pareidolie depuis l'enfance? Je dérape ferme là?! Et depuis toujours?! Ben zut...
Pas sûre que ça soir le visage de Michael Jackson... Quelle est cette faculté du cerveau et de la culture d'associer des images/faits/mots etc. mystérieux a du connu? L'insécurité? Ce qui expliquerait peut-être aussi la tendance à moderniser si on peut dire de l'histoire en attribuant des comportements contemporains tout à fait anachroniques à des époques et leurs personnages, alors qu'on sait pertinemment à quel point les codes socio-culturels influencent une attitude (je le dis sûrement mal, mais tu as déjà écris là-dessus ailleurs non?)
Parce que dans ton article comme dans les analyses vers lesquelles tu nous diriges, ce que je trouve amusant ce sont les efforts considérables déployés par les sceptiques pour expliquer les phénomènes...
L'insupportable mystère... Pas que je crois aux fantômes, mais je préfère le doute, on a évolué depuis que la Terre était plate, mais quand même, de là à avoir autant de certitudes?
Est-ce que moléculairement parlant, ce serait si impossible qu'un émotion très forte ne dégage pas des particules qui s'incrusteraient dans l'environnement que certaines molécules en nous sauraient reconnaître? Parfois je marche en des lieux et je vois le sang jaillir de la terre de guerres anciennes, oubliées et pourtant bien mortelles...
Mais je dérape ferme là.

Ps: Et dans ce ridicule, je vais même jusqu'à dire que je n'ai rien contre l'association de dieu et des grilled-cheese.

Sib a dit…

Bonjour,

Les pareidolies c'est mon truc :

http://www.facebook.com/pages/Random-Natural-Art-Pareidolias/135481809819663?ref=ts