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lundi 21 mai 2012

Comment utiliser Twitter comme source d'information


Je discerne depuis quelques jours quelque chose comme un mouvement vers Twitter en tant que média d'information et je réalise que beaucoup de gens ne connaissent pas encore le média, alors aujourd'hui je vais faire, platement, un peu de cyberéducation citoyenne.

Il suffit d'y suivre un soir de manif et de comparer le lendemain avec ce qu'en racontent les médias de masse pour voir à quel point deux perspectives peuvent diverger pour un même événement. Par exemple, ce que pouvait faire circuler TVA/canoe hier au sujet de ce qui se passait relevait pratiquement de la désinformation: ils rapportaient en boucle des gestes isolés de casse en refusant obstinément de rapporter aucun détail de l'opération policière. Même le Twitter du spvm, sans être critique, était à tout le moins plus objectif en ce qui concerne le travail des policiers. Et je ne fais pas d'amplification rhétorique, là.

L'information sur Twitter n'est régie par aucun organe de presse, elle n'est donc pas objective, journalistiquement parlant. Mais il en va comme de tout en ligne: il appartient au lecteur de faire lui-même sa synthèse et de former son propre jugement concernant les faits à partir de ce qu'il peut capter des flux d'information. Les flux demandent aussi à être eux-mêmes remis en perspective: suivre une manif ou tout autre événement de l'intérieur et en direct sur Twitter nous donne parfois une image amplifiée de l'événement en question. Par exemple, hier j'hésitais à sortir, ayant lu que des arrestations de masse avaient lieu au coin de Coloniale et Prince-Arthur (à 30 secondes de chez moi) et j'étais resté avec l'impression que des cordons policiers contrôlaient tout le centre-ville quand, dans les faits, ils contrôlaient et arrêtaient tout le monde dans un périmètre beaucoup plus restreint. Une journaliste a été brièvement détenue, mais s'est fait dire entretemps qu'on se "calissait" du fait qu'elle était journaliste, une policière a aspergé sans motif apparent un manifestant, une voiture de police a vraisemblablement tenté d'écraser un piéton. Voilà des fait. Il appartient au lecteur de demeurer critique quant au contexte et à l'interprétation qu'on peut leur donner.

Alors voici comment suivre un événement.
Il vous faut un compte Twitter, la procédure d'inscription est gratuite et, au contraire de facebook, Twitter n'utilise pas de dossier secret qu'il aurait compilé depuis des années pour informer vos amis que vous venez d'apparaître sur le réseau.
Ensuite, il n'y a qu'à chercher ce qu'on appelle des hashtags, par exemple: #manifencours. C'est un mot précédé d'un dièse que les utilisateurs utilisent pour faire s'agglomérer les messages. C'est ce qui distingue Twitter de Facebook: pas besoin d'avoir des amis pour suivre des conversations.

Le flux de #manifencours est immense lors des événements, on ne peut pas tout lire, ce n'est pas tout qui est pertinent, mais une information y circule qu'on ne retrouve nulle part ailleurs.

Si vous souhaitez suivre les manifestations, vous pouvez aussi vous brancher sur CUTV, la webtélé communautaire qui diffuse en direct lors des événements. La couverture est intermittente, la police du spvm s'enfarge souvent malencontreusement dans la caméra ou dans l'animatrice qui se met à crier ou arrêter et on reste de nombreuses minutes à se demander si c'est grave.

ah!
TVA Le Journal de Montréal
big deal
mais pour vous dire
l'éternité d'un soir de manif
pour raconter
une vie de peuple-concierge
mais pour rentrer chez nous le soir
à l'heure où le soleil s'en vient crever au-dessus des ruelles
mais pour vous dire oui que le soleil se couche oui
chaque jour de nos vies à l'est de vos empires
rien ne vaut un hashtag de #manifencours
notre parlure pas très propre
tachée de cambouis et d'huile

samedi 19 mai 2012

La fois où j'étais d'accord (sur un point) avec Mathieu Bock-Côté

J'ai déjà dit des choses dures à l'égard des positions que prend parfois Mathieu Bock-Côté dans les médias de masse. Mais parce que je critiquais ce qui, à mon sens, m'apparaissait comme une compromission de la figure de l'intellectuel à laquelle il tient, je me dois aussi pour cette raison souligner lorsqu'il prend la parole en tant qu'intellectuel pour défendre les humanités et dénoncer l'état policier qui rend impossible la liberté de les enseigner.
Nous avons sans doute peu de choses à nous dire, peu de points de discussion sur lesquels nous pourrions nous entendre, je ne suis pas non plus complètement d'accord avec plusieurs des positions de Bock-Côté dans ce texte, mais sur ce point, je ne peux que joindre ma voix à la sienne.

Attention, voici un lien que vous ne verrez probablement plus jamais sur ce blog: une chronique de Mathieu Bock-Côté. C'est dire si depuis quelques jours, tout est en train de basculer. On sait plus où y a la tête et où y a les pieds.

vendredi 18 mai 2012

Nous avons testé pour vous: un totalitarisme à la canadienne

Le gouvernement libéral a entamé hier une expérience politique dont personne ne peut encore mesurer les conséquences. Il teste, pour l'avenir du Québec mais aussi pour l'ensemble du Canada, un totalitarisme à la canadienne. Cela est clair: le gouvernement conservateur qui ignore le Québec, regardera ailleurs, se gardera d'intervenir politiquement en invoquant sarcastiquement l'exception culturelle, mais prendra bien note de ce qui est en train de se passer, pour voir quelle est la limite de la population en matière de totalitarisme.

Il ne faudra pas compter sur la scène fédérale, il ne faudra pas compter sur la cour suprême, il ne faudra pas non plus compter sur la scène internationale contre laquelle fera barrage le Canada.

Nous avons été abandonnés de toute part.

Il n'est plus désormais impensable que la liberté d'expression soit complètement abolie. L'escouade politique qui sera mise sur pied pour traquer les organisateurs de manifestations en ligne pourrait avant longtemps élargir son mandat et considérer toute critique à l'endroit du gouvernement comme une incitation à manifester, à troubler la paix sociale et, possiblement, à inciter à craindre un acte terroriste. Ce pas a déjà été franchi lorsque les quatre personnes accusées d'avoir déclenché des fumigènes dans le métro ont également été accusées d'incitation à craindre un attentat terroriste.

Il n'est plus désormais impensable que les élections soient suspendues. Invoquant un climat social instable, le Parti libéral pourrait reconduire indéfiniment sa loi spéciale et ne promettre des élections qu'à la condition que soit revenue la paix sociale selon les conditions qu'il aura lui-même fixées.

Il n'est désormais plus impensable que les partis d'opposition soient neutralisés ou interdits. Si le port du carré rouge devient aux yeux de la loi spéciale une incitation au désordre social, le Parti québécois et Option nationale pourraient se voir interdire l'accès à l'Assemblée nationale, ou encore être tenus responsables de la reconduction ad infinitum de la loi spéciale, et faire en sorte que des élections ne pourront être tenues. Québec solidaire pourrait tout à fait être assimilé à un groupe terroriste, car la rhétorique du Parti libéral ne fait aucune distinction entre désobéissance civile et acte criminel organisé. Il pourrait en outre se voir retirer son statut de parti officiel. La structure de la CLASSE, semblable à celle de Québec solidaire, se voit constamment dénier son statut d'organisation par le discours du gouvernement libéral depuis le début de la crise. Si les choses en arrivaient là, le seul parti d'opposition légitime serait la CAQ, petit parti qui n'aurait aucune chance de prendre le pouvoir, mais demeurerait néanmoins la caution de façade au maintien d'un semblant de démocratie.

J'espère de tout coeur que le peuple québécois saura mettre fin rapidement et avec l'élégance dont il est capable à cette expérience politique terrifiante. J'avais depuis des années perdu confiance en lui, les derniers mois m'ont redonné un peu d'espoir. Je ne voudrais pas d'une autre génération perdue. Il en va de l'avenir du Québec et, paradoxalement, de l'avenir du Canada.

mercredi 9 mai 2012

À Québec en fin de semaine pour le Salon Nouveau Genre

Attention Villequébécois, j'aurai un kiosque ce samedi et dimanche au Salon Nouveau Genre à Québec. J'aurai les cartes d'auteur, des dizaines de macarons littéraires ainsi que des tonnes de t-shirts. Plus besoin d'imprimer et de découper des agrandissement de captures d'écran pour savoir si Louis Ferdinand Céline Dion ou Fuck le tact vous ferait bien, vous pouvez venir l'essayer en personne.
But wait, there's more! J'aurai aussi des primeurs, des nouveaux t-shirts et si vous achetez un paquet de cartes, je vous tirerai aux cartes d'auteur et y lirai votre avenir littéraire. Eh oui, chez doctorak co., on est vraiment prêt à faire n'importe quoi pour pas finir dans le trou avec nos voyages promotionnels.



Événement facebook
À l'église Saint-Jean-Baptiste
470, rue Saint-Jean
entrée gratuite

mardi 1 mai 2012

La 20 vs. la 132

Je viens tout juste de publier un article de fond dans le dernier numéro de Liberté intitulé "Ruralité trash", un essai sur ce qui m'apparaît être un authentique courant littéraire actuel, porté par des poètes comme Alexandre Dostie, Marjolaine Beauchamp et Erika Soucy. Je me suis donné à fond parce que c'est à mon sens un petit événement dans l'histoire littéraire québécoise.
Je mets ici un extrait de cet essai qui, incidemment, ne parle pas de ces oeuvres mais du type de paysage dont elles parlent et où elles s'ancrent.

Le regard et l'oubli

Il est étonnant que le tourisme, pourtant fondé sur l’expérience sensible, sur la nécessité de se rendre physiquement sur place pour avoir la pleine expérience de l’espace et du paysage, travaille pourtant dans le sens d’une éclipse du regard qu’on peut avoir sur le territoire. Le tourisme en effet travaille le regard, organise la visibilité rurale, cachant certains paysages pour en montrer d’autres, façonnant les attentes du vacancier de manière à ce que les détails du trajet qui ne correspondent pas à ce que l’on désire lui montrer ― ces paysages romantiques et les poncifs environnementaux qu’on y associe ―, lui demeurent imperceptibles. On donnera ainsi à voir les productions du terroir plutôt que les grands espaces d’exploitation industrielle, la fermette d’alpagas plutôt que les mégaporcheries, les sentiers aménagés, mais pas les routes dangereuses des compagnies forestières, etc.
La construction de l’autoroute 20 dans les années 1960 est historiquement significative de ce point de vue. Sur cette autoroute, il n’y a à proprement parler rien à voir. Les paysages qui la bordent ne sont pas faits pour qu’on s’y arrête. Construite pour le transport des matières premières, elle sert surtout de nos jours à transporter les matières transformées des grands centres vers la périphérie, et, durant les mois d’été, les touristes à qui on ne présente que les territoires aménagés à leur intention, guère plus. Entre Montréal et la Gaspésie, où elle devrait aboutir dans une avenir rapproché, cette autoroute ne traverse aucune ville sinon le quartier industriel de Drummondville et une frange de banlieues satellites autour de Québec. La route est droite, bordée de boisés dépouillés de tout signe qui en permettrait la singularisation, et ce n’est que tout au loin qu’on devine des villages sans nom, sans identité, et quelques éléments géographiques, comme les Appalaches, l’île d’Orléans, que l’on distingue à peine, comme dans un engourdissement pâteux. La 20 a été conçue, comme toutes les autoroutes, dans un souci fonctionnaliste qui ne cède rien à l’imaginaire.
La route 132, qui longe l’autoroute et fait le tour de la Gaspésie est plus engageante pour le regard du touriste. On y frôle des maisons, on peut apercevoir les entrées, les cours arrière, on traverse les villages, et c’est seulement dans ce bref moment qui sépare le lieu de départ de la destination programmée pour le touriste que la campagne laisse voir un instant le territoire habité.
Ce sont ces espaces que nous donne à voir une suite poétique impressionnante de Marie-Josée Charest parue dans la revue Jet d’encre, au printemps 2011. Quiconque a porté un jour attention à ces paysages jouxtant la 132 y reconnaîtra la justesse du regard de Charest : elle aligne les vers comme défilent les terrains le long de la route, sorte d’écotone dérangeant qui expose aux regards anonymes des automobilistes la vie privée des habitants.

caps de roue
camion de la ville
main sur le volant
poubelle bleue
chaises de patio
téléphone public
sapins arrachés lancés sur le bord de la route
maçonnerie
coupole
et un banc de bois
placé pour regarder la route
et nous
car nous sommes ce qui défile
(« mais la terreur surgit de nulle part », p. 125)

Ces espaces ruraux du Québec, espaces de campagne, de petites villes et de villages, apparaissent comme des non-lieux pour notre société postindustrielle, des terrains en friche, laissés dans un semi-abandon par cette économie mondialisée qui n’en a pas besoin. Sur ce territoire en trop ne règne à perte de vue que la misère ordinaire des régions. On trouve bien des fermes, des scieries, quelques usines de première transformation, mais elles exploitent à des prix dérisoires des ressources trop peu abondantes pour soutenir durablement l’économie locale. En complément à ces maigres apports économiques, des bureaux gouvernementaux, de chômage ou de « gestion de la ressource », des hôpitaux, des hospices et quelques commerces de première nécessité forment l’essentiel du tissu économique régional. Le reste n’est que désœuvrement et tentatives d’y échapper, et, sur ces routes qui ne sont pas destinées aux touristes, entre les maisons abandonnées, les granges désarticulées et les cours à scrap de fortune, des bungalows et des terrains bien entretenus apparaissent, fragments d’une banlieue égarée en pleine campagne, où des individus jouent comme ils le peuvent à la classe moyenne. On y tond une pelouse d’un vert émeraude artificiel, entourée de boisés de conifères vert profond ; on y attend le jour où l’eau de la piscine montera enfin à 80 °F, en retirant sans relâche à l’épuisette les feuilles et les brindilles qui flottent à la surface.


Le reste de l'article se trouve dans Liberté, no 295.

PS. Je retranscrivais ces trucs sur la 20 et ça m'a rappelé cette parodie de pub de RBO.