passez faire un tour à la boutique: doctorak.co

dimanche 25 décembre 2011

Roland Barthes Simpson

Pour tous ceux qui ont travaillé fort sur les réseaux sociaux à trouver des auteurs-valise pour accoter Louis Ferdinand Céline Dion, voici un des plus populaires.


Il ne fait l'objet d'aucun projet de t-shirt pour le moment. Mais ça ferait une belle carte postale!

vendredi 2 décembre 2011

La boutique en ligne Doctorak.co est ouverte


La boutique doctorak.co est enfin ouverte. On y trouvera non seulement des design chic et amusants comme Fuck le tact ou Louis Ferdinand Céline Dion sur des t-shirts blank (faits au québec), mais aussi en lieu et place des ces ennuyeuses descriptions, de courts essais sur les sujets des t-shirts, sur Kant avec Sade, Blanchot et Bataille, Deleuze et Guattari, mais aussi sur des auteurs québécois comme Saint-Denys Garneau et Jules Fournier. Plus de modèles suivront dans les prochains mois, et nous sommes ouverts aux suggestions.

Pourquoi ouvrir une boutique? J'ai commencé à faire des t-shirts de manière très artisanale il y a quelques années uniquement parce que je trouvais amusant l'idée porter des vêtements littéraires et que je n'en trouvais nulle part. J'ai d'abord acheté ces appliqués imprimables qu'on trouve dans les papeteries que je découpais à l'exacto pour donner un effet de sérigraphie et puis un jour, je suis tombé sur plusieurs paquets de mauvaise qualité et plusieurs de mes t-shirts ont été ruinés au lavage. Je me suis alors dit que, puisque j'étais pour en porter régulièrement, ce serait aussi bien de me mettre directement à la sérigraphie. Et puis, tant qu'à faire, je me disais, pourquoi ne pas en faire pour tout le monde, puisque la sérigraphie est un médium de masse. De cette idée à la boutique, il y a eu un an où j'ai passé des heures autant à l'apprentissage de la technique qu'à la mise en place de l'interface en ligne. Mais voilà, c'est fait. La boutique est ouverte.

Lien vers doctorak.co.

mardi 25 octobre 2011

La littérature est inefficace et ennuyeuse aujourd’hui.

Image: Robert The
Contenu! Contenu! Contenu! Les quelques fans qui n'ont pas encore déserté cette barque à la dérive qu'est devenu Doctorak, go! pourront se réjouir: je mets en ligne aujourd'hui un petit article que le revue À babord m'a demandé récemment pour un dossier spécial sur l'état actuel de la littérature. Le numéro est très intéressant, avec des articles d'Alain Farah, Catherine Mavrikakis, Jonathan Lamy (sur Danny Plourde), la bédé québécoise, hermann broch, une critique négative de L'homme blanc de Perrine Leblanc, bref, toutes sortes de choses amusantes.

Ma contribution: un texte qui s'intitule "La littérature est inefficace et ennuyeuse aujourd'hui", c'est une réflexion sur les surfaces d'inscription. La voici.

On doit se rendre à l’évidence : la littérature n’est ni aussi efficace et ni aussi divertissante que le cinéma, la télé, les jeux vidéo ou les technologies de l’information. On doit se rendre à l’évidence également : si à notre époque, les genres littéraires survivent, c’est plus par inertie d’institution qu'en vertu d'une réelle capacité de rendre l’expérience de leur époque aux individus qui ont les deux pieds dedans. Et elle en paie les conséquence: la littérature suscite aujourd'hui plus souvent qu'autrement l’indifférence générale. Il ne reste que des miettes de la grandeur de Voltaire à son époque, des miettes de Victor Hugo. Des miettes, même, de Gaston Miron, c’est dire. Et invoquer des motifs moralisateurs sur la beauté et l’importance de l’histoire littéraire pour l’identité collective, la nation ou la grandeur de l’homme ne contribuerait en rien à démontrer la pertinence du littéraire aujourd'hui au sein de la culture. Dans sa forme dominante, dans l'état où on la trouve, et mis à part quelques productions marginale qui essaient tant bien que mal de la sauver d'elle-même, il n'y a pas de pertinence à la littérature aujourd'hui.
Mais est-elle pour cette raison définitivement terminée? Pour répondre à cette question, il faudrait plutôt revenir à ses fondements, à ce qui fait sa singularité matérielle et formelle. Elle possède en effet une chose qui lui est unique, le résultat de milliers d’années d’évolution : son code, l’écriture, et son matériau, le langage sont plus adaptés, plus durables et plus économique que tout ce que les deux derniers millénaires ont pu produire en matière d’art et de communication. Toutes les technologies de l’image, depuis la peinture jusqu’à l’archivage numérique en passant par la pellicule, sont fondées sur des matériaux friables appliqués sur des surfaces de quelques micromètres à peine. Leur conservation demande un soin constant, des environnements contrôlés et des institutions coûteuses qui, sur une longue durée incluant des guerres, des révolutions et même la disparition de civilisations entières, feront en sorte qu’il ne restera rien de tout cela d’ici peut-être mille ans à peine. Il nous reste cependant des fragments toujours lisibles de l’Épopée de Gilgamesh et même des œuvres entières des Grecs. Et parce que ce code est aussi économique que durable, il fait en sorte que chaque individu, pour autant qu’il sache lire et écrire, se sent une part de responsabilité au moins à la littérature, car elle est à sa portée, il l’invoque même nécessairement dès qu’il s’installe pour écrire. De ce point de vue matériel, on peut comprendre la littérature comme le répertoire des techniques du récit et de l’imaginaire de l’écriture, des personnages possibles, des intrigues potentielles, des figures de style virtuelles, des moyens les plus fondamentaux de communiquer.
Pour cette raison, la littérature a un pouvoir et une responsabilité historique qui excède tout ce dont sont capables à la fois le marché et les technologies de l’information. En matière de culture, l’économie de marché est en effet incapable de conserver aucune mémoire que ce soit. La culture de masse fait circuler de manière virale des éléments culturellement localisés, si connotés qu’au-delà d’un certain espace-temps très restreint ils deviennent aussi indéchiffrables que dépourvus de pertinence. Les technologies de l’information, quant à elles, plus soucieuses de la mémoire de notre époque, se sont engagées dans une poursuite pour archiver et conserver l’intégralité du savoir et de l’expérience humaine. Mais pour y arriver, les travailleurs de l’information ne cessent de faire migrer les données de serveur en serveur, de système en système, de disque en disque parce qu’aucune de ses surfaces ne saurait durer plus que 50 ans. Cette poursuite, malheureusement, est perdue d’avance. Le désintérêt, le manque de fonds et de ressources, la dégradation physique, les erreurs de classement et finalement, l’impossibilité de ramener cette quantité d’information à une échelle humaine vouent ces archives à l’oubli.
C'est uniquement à cette échelle de temps infiniment vaste qu’on redécouvre la raison d’être de la littérature. Par sa capacité de mettre en scène aussi l’activité humaine que son imaginaire, elle ramène le savoir et la pensée d’une époque à un niveau où ils deviennent saisissables au regard d’un individu d’une autre époque; par la malléabilité de son code, elle est infiniment plus résistante aux erreur de classement et à la dégradation physique de ses surfaces d’inscription; et parce qu’elle constitue une des traces les mieux intelligibles de tout le passé de l’histoire humaine, il est pratiquement assuré que l’ensemble des connaissances nécessaires pour en assurer la transmission se transmettra lui aussi. Les périodes d’obscurité, d’éclipse du littéraire sont parfois longues et désespérantes mais jamais définitives.
Efficace et divertissante, la littérature ne l’est assurément pas à l’intérieur de l’industrie culturelle d’aujourd’hui. Mais ramenée à cette échelle de milliers d’années qui lui donne son sens, Œdipe roi de Sophocle, Les dialogues de Platon et même les fragments à peine compréhensibles de L’Épopée de Gilgamesh demeurent suffisamment lisibles pour être plus agréables que tous les édits royaux, les états de compte et les protocoles de prières qui nous sont aussi parvenus des mêmes époques. Ces textes littéraires constituent le seul témoignage accessible de l’expérience totale de ce passé qui ne nous appartient pas mais qui pourtant constitue notre seul horizon, passé et futur.

Je vous invite à lire le reste du dossier dans le numéro d'octobre/novembre 2011 d'À babord, disponible dans les Maisons de la presse et dans la plupart des librairies, les grandes chaînes comme les indépendantes.

jeudi 20 octobre 2011

Lecture / lancement de 100% économique

Doctorak sort un instant de sa torpeur pour vous inviter à un genre de cabaret littéraire / antilancement du livre roman-brut-polar-hyper-trash-fast intitulé 100% ergonomique d'Ariane Bart et Bertrand Laverdure. J'y ferai une lecture.

Attention. Je ne suis pas con. Je sais pertinemment que venir me voir lire est pas sur votre liste de priorités. Ça fait trois ans que j'annonce chacune de mes hosties de lecture et y a jamais un hostie de lecteur de doctorak qui se déplace pour venir. MAIS... Ça vaut la peine de se déplacer cette fois pour venir découvrir Antoine Boute, l'auteur belge expérimento-franco-flamand qui sera de passage à Montréal pour l'occasion. Il est très drôle, charmant, c'est un pince-sans-rire et qui plus est il est excellent en performance. Il crie parfois sur scène, mais faut pas le prendre personnel, c'est contre le logos et le monde des idées platoniciennes qu'il en a.



On pourra aussi entendre Bertrand Laverdure, Marc-Antoine K. Phaneuf et Catherine Cormier-Larose, juste du beau monde pas plate. Non mais c'est-tu pas parfait comme soirée ça?

100% ergonomique
dimanche 23 octobre
de 18h à 21h au ROYAL PHOENIX BAR
5788, St-Laurent

La lecture, c'est à Montréal. Je dis ça par précaution, me demandant si le fait que je n'ai jamais mentionne jamais quand c'est à Montréal pourrait être la raison pour laquelle aucun lecteur de Doctorak, go! n'est jamais venu me voir lire.


Il y a un même un événement facebook, paraît-il. Enfin, je ne sais pas parce que je n'y vais jamais, étant donné que vous êtes là-dessus, tous autant que vous êtes, et pour vous montrer ce que ça fait de ne jamais aller vous voir.

Mise à jour:  On m'apprend à l'instant que Boute/Bart fuck ne sera pas présent. Mais consolez-vous, pour pallier sa présence scénique, un contingent international, une unité d'intervention d'élite de poésie, les troupes de choc du show de mots, a accepté de le remplacer à pied levé. Ainsi, Sébastien Dulude (Qc), Rose Eliceiry (Qc), David Giannoni (It-Be), Roberto Grilli (It), Bertrand Laverdure (Qc), Nadejda Peretti (It-Ru), Simona Petitto (It), Jean-Pierre Pelletier (Qc) et Keyvan Sayar (Fr-Iran) arriveront par hélicoptère, défonceront le plafond du Royal Phénix et descendront en rappel, vous liront leurs poèmes, baillonneront votre sensibilité à fleur de peau, lui donneront des coups de poing dans le ventre avant de repartir avec dans un SUV banalisé en direction d'une prison secrète où elle sera torturée pour le fun.

vendredi 16 septembre 2011

Lecture dimanche et l'édition "On ne peut pas tous être Émile Nelligan" du Off-Fil

Alors qu'on ne sait pas encore très bien ce qu'il adviendra du Festival international de littérature après cette année à cause des coupures de subvention du fédéral, sa version off, elle, ne veut tout simplement pas mourir. Et comme le Off-FIL ne reçoit aucune subvention de personne, ce festival est comme la nuit infernale des zombies, il est intuable (sauf si vous tirez Catherine Cormier-Larose dans la tête), il surgit de nulle part dans la nuit inquiétante (du Café Chaos), il voit apparaître une légion d'auteurs qui râlent et qui sentent un peu la charogne et il veut votre cerveau pour pouvoir fucker dedans.
Comment? En vous invitant entre autres à une lecture, de textes longs pour faire changement, avec des auteurs qu'on voit rarement en personne sur scène, comme Edouard H. Bond, Patrick Brisebois et Daniel Canty, et d'autres qu'on voit tout le temps comme Catherine Cormier-Larose, Vickie Gendreau, Stéphane Larue, Marie-Christine Lamieux-Couture, Steph Rivard et bien sûr MOI. MOIMOIMOIMOIMOIMOI, terrifié de lire des nouvelles affaires.
Show littéraire au Café Chaos- Longue forme
18 septembre 2011 à 21 heures
Au 2031 rue St-Denis
Mais passons, car je suis plus excité par cette nouvelle (3e) édition d'"On ne peut pas tous être Émile Nelligan", défouloir des passions adolescentes, meurtre symbolique de la jeunesse naïve et gossante au profit de la maturité ironique et puissante. Oui, ils liront des textes raboteux tirés de leur adolescence ratée, oui, ils auront ce courage de le faire et, oui, nous aurons cette mansuétude qui nous fera les écouter et admirer ce massacre doucereux de leur amour-propre. Ce sont eux les véritables héros des temps nouveaux et pour célébrer leurs efforts, je mettrai en vente pour cette occasion de splendides foulards de poètes et des patches à coudre sur votre sac d'école qui serviront à payer pour la soirée. Ils sont sérigraphiés et cousus à la main et il y en a trois modèles: Nelligan, Rimbaud et Vanier. Et je ne compte plus les heures passées à les confectionner.
On ne peut pas tous être Émile Nelligan
Lecture de textes d’adolescences

20 septembre 2011 à 20 heures
Au Café Chaos, 2031 rue St-Denis

Show acoustique de Keith Kouna
Dessins d’adolescence d’Iris

Avec
Marie-Charlotte Aubin
Julie Brisebois
Patrick Brisebois
Mayra Bruneau Da Costa
Brigitte Caron
Simon Douville
Léa Gagnon-Smith
Jen Kunlire
Jonathan Lafleur
Martin Ouellet
Eliz Robert

Pour plus d'informations, visitez le blog des Productions Arreuh ou cherchez les événements sur Facebook. Il paraît que j'ai aussi une page de fan, mais je ne suis pas trop au courant, étant donné que je ne suis pas sur Facebook.

dimanche 12 juin 2011

Monstres spectaculaires, un recueil de poésie sur les monster trucks

Il y a un an, nous nous retrouvions au Stade olympique pour assister au Monster Spectacular, cet événement où une dizaine de monster trucks font l'étalage de leur puissance. Comme la plupart des amis à qui j'avais lancé l'invitation étaient des auteurs, j'avais sans trop y croire lancé l'idée que nous pourrions écrire un collectif sur le sujet. Et là, tout le monde s'est donné pour écrire des textes merveilleux. En plus de ça, je découvre une semaine après que Vincent Giard le bédéiste était là aussi et qu'il veut participer! Et en plus d'en plus de ça, en cherchant un éditeur pour notre collectif, on découvre que Pascal Angelo Fioramore, Claudine Vachon (de Rodrigol) et toute leur famille étaient pratiquement dans la même section que nous. Tout se mettait en place.


Comme sujet, les monster trucks cristallisent tous ces thèmes qui font l'essence de la poésie actuelle: la mécanique, les accidents d'auto, les enfants white trash, les homards géants, Annie Dufresne, les juke-box de taverne, les gilets de loup et les grosses mains en mousse, l'odeur du gaz, les autos-sandwiches et faire des backflip en motoneige.

Le recueil est prêt.
Le recueil est bon. Depuis plusieurs années, je voulais tenter cette expérience: inviter tout un tas d'auteurs à un événement dans le but que chacun des auteurs devienne le personnage des autres. L'effet de cohésion est saisissant et crée une dynamique dans laquelle chaque texte enrichit l'autre, le répète, le complète ou le contredit. C'est du formalisme pop.
Le recueil est beau. Fatigués de tous cet espace vide sur la page qui déçoit inévitablement l'acheteur de poésie, on a stuffé le recueil de vieilles pubs de revues de trucks des années 70. Une chance unique de lire les péripéties de Marc-Antoine K. Phaneuf, de Catherine Cormier-Larose et tous les autres en vous magasinant une suspension chromée ou des mags pour votre Chevrolet.
Le recueil vient avec un jouet. Un petit camion en métal avec des grosses roues, personnalisé avec le logo du recueil, le logo de Rodigol ET un bumper sticker arborant le nom d'un des auteurs. Il y en a 10 différents à collectionner et les quantités sont très très LIMITÉES!



Qui plus est, le recueil est tiré à si peu d'exemplaires qu'il n'en restera peut-être plus après le lancement. Donc, vous allez tous interrompre vos projets de samedi prochain, le 18 juin, pour vous présenter dès 18h au chic bar La Remise, 540 rue Boucher. Et dès 21h, c'est en plus les samedis karaoké de la Remise animé par Valérie et Linda, la serveuse nous a dit : "Elle a va vous en vend'e du liv' !"

MAIS CE N'EST PAS TOUT!
Courez la chance d'être publiés à votre tour! En effet, faites un dessin ou écrivez un poème, un texte, un essai portant sur la soirée du  lancement et nous les colligerons dans un fanzine à paraître quelque part au courant de l'automne. Qui sera suivi d'un lancement que d'autres pourront raconter à l'autre tour et qui seront à leur tour colligés sur un blog qui sera lancé à l'hiver et que d'autres encore... J'ai l'air de raconter n'importe quoi, mais c'est quand même en lançant des absurdités dans le genre qu'un tel recueil a été rendu possible au départ.

Monstres spectaculaires, avec des contributions de: Mathieu Arsenault, Médéric Boudreau, Catherine Cormier-Larose, Laurence Côté-Fournier, Pascal Angelo Fioramore, Vincent Giard, Laurence Fredette-Lussier, Émilie Hamel, Marc-Antoine K. Phaneuf, et Claudine Vachon, Rodrigol, 2011.

samedi 4 juin 2011

Nouvelle soirée "On peut pas tous être Émile Nelligan"

C'est le retour de la soirée "On peut pas tous être Émile Nelligan"! Cette fois-ci elle se tiendra au métro Montmorency, à la Maison des arts de Laval (1395, boulevard de la Concorde Ouest (Laval-des-Rapides) dans un décor de sous-sol.
Pour ceux qui n'auraient jamais assisté à cet événement, quelques braves liront des pages particulièrement savoureuses de leur textes du secondaire, poésie, chanson, journal intime, correspondance, etc. Catherine Cormier-Larose des Productions Arreuh nous a trouvé une belle brochettes de talents trop bruts pour les éditions de Secondaire en spectacle de leur époque.

Et je lance en même temps une invitation à tous ceux qui voudraient participer aux prochaines éditions. On en prépare une pour septembre!

SOIRÉE de POÉSIE ADOLESCENTE
Jeudi 9 juin à 19h
dans le cadre de l’exposition
Du haut de mon sous-sol
de l’artiste
Éric Lamontagne
 
 
Poètes invités :
Mathieu Arsenault
Mayra Bruneau Da Costa
Catherine Cormier
Claude Drouin
Nancy R Lange
Frédérique Marleau
Leslie Piché
Marc-Antoine K Phaneuf

samedi 28 mai 2011

La catharsis du siècle : les artistes et le déclin de la classe moyenne

J'ai suivi avec intérêt cette histoire de l’attaque d’Elgrably-Lévy contre le financement des artistes. Avec intérêt et avec la plus grande panique aussi parce que j'ai la très désagréable impression que la stratégie des artistes à répondre de manière frontale, soit au nom de l’humanisme, soit au nom de la rentabilité de la culture, est en train de perdre de son efficacité. Comme si ces arguments s’émoussaient à mesure qu’ils s’institutionnalisaient. Les réactions que me semblent présentement donner les artistes sont des réponses qui ont tout pour faire se déresponsabiliser le public tellement le dialogue qui s'engage me semble engager les artistes (groupes de représentation autant qu'organismes subventionnaires) et les institutions (gouvernement et organismes subventionneurs). Comme il s’est détourné de la question de la souveraineté sans pourtant cesser d’être souverainiste, le public semble en train de se détourner de la même manière de la question de la condition des artistes, sans pourtant cesser de donner, moralement du moins, son soutien à la culture. Face à cet épuisement apparent des arguments et pour ne pas céder à la panique qu’elle engendre chez moi, je me suis mis à réfléchir sur cette question. Voilà le texte.

La catharsis du siècle : les artistes et le déclin de la classe moyenne

Il y a des bonnes chances pour que tout le monde se sacre de ton petit poème. Que tout le monde se sacre de ton expo de photo, de ton vernissage, de ton film, de ton show de théâtre ou de ton petit groupe de rock, qu’il joue devant 40 ou devant 2000 personnes. Il y a des bonnes chances pour que tout le monde s’en sacre. Mais pas parce que ce que tu fais n’a aucune valeur. Ni parce que personne ne t’aime! Attends, c’est pas ça que je veux dire! Ah! Il y a des chances qu’on s’en sacre plutôt parce qu’on voit en toi l’artiste avant d’apprécier l’œuvre. Et que le grand public ressent aujourd'hui l’urgence de cette représentation, il doit constamment se rassurer sur son existence. Il en va de la stabilité de l’ordre social.

Maudite relève, relève maudite 


La quantité de gens oeuvrant de près ou de loin dans le milieu culturel est aujourd'hui effarante. Et là, je ne parle pas uniquement des professionnels. La fréquentation à un moment de la jeunesse d’une forme ou d’une autre d’expression artistique a été à ce point intégrée dans l’imaginaire occidental qu’elle est peut-être en train de devenir un rite de passage. Qui n’a jamais au moins une fois, durant son adolescence ou sa vingtaine, assisté au spectacle amateur d’un de ses amis ou d’un de ses cousins? Ce phénomène est à ce point important qu’on a créé un nom et une catégorie spéciale à ces artistes, la relève, dans laquelle toute une société fonde, pour des raisons que j’essaierai d’expliquer ici, ses plus grands espoirs.
Quand on veut critiquer les artistes, on les accuse d’être des assistés sociaux de luxe. On les accuse de ne survivre que grâce au financement de l’état, alors que le contribuable, lui, travaille et paie des impôts pour autre chose que pour des spectacles ou des expositions qu’il n’ira pas voir, des films qu’il n’ira pas voir et des livres qu’il ne lira pas. Et quand on considère qu’il y a trop d’artistes, on pointe du doigt un vague problème de surfinancement public qui se règlerait immédiatement si on leur faisait subir les lois du marché. Mais c'est prendre le problème à l’envers : il n'y a pas d’artistes parce qu’il y a du financement, mais plutôt du financement parce qu’il y a des artistes. Et si plusieurs organismes effectivement financés en partie par les contribuables arrivent à donner l’illusion qu’une chose comme « le travailleur culturel » existe, ce financement est ridiculement disproportionné en regard de tous ces artistes à temps partiel qui constituent l’immense majorité du milieu culturel québécois. Loin d’être des béesses de luxe, les travailleurs du milieu culturel sont plutôt les professionnels les plus risibles du capitalisme occidental : s’ils travaillent, ils le font pour à peu près rien. Et plus personne ne s’illusionne sur les possibilités à long terme de gagner convenablement sa vie dans ce milieu. Bon, j’ai fini avec les détails que tout le monde répète tout le temps. C’est maintenant que le fun commence.

Étrangement, si on observe un peu de quoi est constitué ce milieu culturel, on y trouve une grande homogénéité. La plupart des gens proviennent de la classe moyenne, très peu des classes défavorisées, très peu des populations migrantes, et très peu aussi, on s’en étonne, des classes supérieures qui devraient pourtant avoir été suffisamment et mieux exposées aux splendeurs monumentales des arts et de la culture. L’évidence est que les artistes proviennent, pour la plupart, de la classe moyenne, pour des raisons démographique certainement, mais il y a peut-être plus. Serait-ce parce que la classe moyenne a su cultiver mieux qu’ailleurs l’intensité de la vocation d’artiste, cette soi-disant lumière intérieure qui vous pousse à tous les sacrifices au nom de l’Art parce que VOUS, vous seul êtes en mesure de réaliser les ambitions qui bouillonnent en vous? Pourquoi, sincèrement toute une population aspirerait aujourd'hui à la culture? 
La sociologie de l’art, Bourdieu en tête (cf. Les règles de l'art, Seuil, 1992, et, surtout, La distinction, Minuit, 1979) propose une explication simple : la figure de l'artiste correspond à une stratégie d'ascension sociale, et ce, depuis l’émergence au dix-neuvième siècle d’une société où le système des classes est plus perméable. On peut ainsi naître pauvre et aspirer par le travail acharné à une situation sociale supérieure. C'est le grand récit de l’époque moderne, de Napoléon au rêve américain. L’artiste n’est évidemment pas la seule figure d’ascension sociale. L’étudiant ou le jeune entrepreneur peuvent eux aussi prétendre à ce titre, mais l’artiste incarne une stratégie sensiblement différente qui explique son immense succès présentement, malgré l’absence de perspectives d’avenir dans le milieu culturel. Dans la figure de l’artiste, en effet,  le capital symbolique se distingue du capital économique. Lui seul peut aspirer à la distinction sociale sans avoir au départ de moyens et sans même en avoir à la fin. Commencer pauvre, le rester, mais entre les deux devenir quelqu’un, sentir que toute cette énergie déployée au quotidien a malgré tout un sens pour quelques-uns, que ce ne sera pas perdu. C’est une aspiration modeste mais légitime.
Si la communauté artistique provient majoritairement ici de la classe moyenne, c’est peut-être justement parce que la classe moyenne a pris conscience de son irrémédiable déclin économique. On anticipe même son effritement et sa disparition à plus ou moins long terme. Un article sur Cyberpresse le remarquait encore récemment. Il n'y a pas de pire situation que celle d’un groupe qui prend conscience de son déclin. Et faire partie de la classe moyenne se résume plus ou moins à ça présentement. Le mouvement semble amorcé et on constate bien tout autour qu’en plus de voir les salaires plafonner, on constate aussi que les conditions de travail se dégradent. Travailler plus pour gagner moins n’est pas qu’une boutade issue de la politique française, c'est la réalité frustrante de la plus grande partie de la population.
Et comme pour en rajouter, on constate non seulement que les conditions se dégradent, mais qu’il est de plus en plus difficile de progresser socialement. Car la classe moyenne est en train de perdre aussi le pouvoir démocratique et social qui assurait la perméabilité des classes entre elles. Il est en train de devenir impossible d’être admis dans une grande université, d’être invité à siéger sur les conseils d’administration des grandes entreprises ou de pénétrer dans les clubs et les regroupements d’hommes d’affaires où se créent les liens entre le pouvoir économique et le pouvoir politique. Cette nouvelle classe sociale est anticapitaliste dans sa manière d’accumuler impunément l’argent sans la réinvestir dans la création de richesse ou de produits, elle est aussi antidémocratique dans sa tentative de prendre le contrôle de l’appareil d’état, et antisociale car elle bloque systématiquement les échanges avec le reste de la population. Par leur faute, la société est entrée dans une phase de stratification impitoyable. Cette population est sans doute démographiquement minoritaire, une base aussi cynique que crédule dans l’illusion qu’elle y gagnera au change quand la dernière miette de l’état-providence aura été erradiquée lui assure présentement le contrôle politique et économique.
Si cette base de militants de droite provient elle aussi en grande partie d’une classe moyenne en plein déclin, elle n’en constitue pas le tout. Elle partage néanmoins le même ethos : une grande crise de conscience collective où l’on fait tout pour ne pas s’avouer que travailler ne veut plus rien dire. D’un côté, la classe moyenne sait que plus elle travaillera, moins elle gagnera, et de l’autre elle comprend aussi que l’avancement social est désormais devenu impossible.
Nous sommes entrés dans une période de déflation du travail où il serait peut-être préférable de ne pas travailler étant donné qu’on gagnera moins l’année prochaine pour le travail équivalent. Quiconque travaille a plus ou moins conscience de cette poussée déflationniste du travail, et pour y pallier, on se reporte sur des justifications morales de toute sorte justifiant la poursuite d'une activité désormais dépourvue économiquement de logique. On continue de travailler pour sa famille, on le fait pour se payer des petites vacances au moins une fois par année, on le fait pour ne pas rester toute sa vie à loyer, on le fait parce que « personne ne le fera si on n’est pas là pour le faire », etc. On le fait, finalement, pour toutes sortes de raisons qui excluent désormais cette idée que le travail améliore les conditions de vie et, par là, nous donne un statut.
Cette crise est amplifiée par cette autre réalisation plus ou moins confuse que la classe supérieure s'enrichit impunément, et qu’elle est en train de prendre le contrôle du pouvoir politique et social. Cette réalisation est confuse parce qu’on cache habilement les manifestations de la richesse. Il n’y a pas d’image pour un circuit d’abri fiscal, pas d’image pour une négociation à huis-clos, pas d’image pour une réunion d’actionnaires et pas d’image non plus des réseaux sociaux de ceux qui siègent annuellement sur trente ou quarante conseils d’administration d’entreprise. La classe moyenne ne voit jamais ce quotidien de la classe dominante, comme elle ne voit pas non plus comment elle pourrait faire pour renverser la prise de contrôle définitive à moyen terme de cette classe sur tout l’appareil de pouvoir.
La seule image positive qui reste, la seule image qui fait encore sens au milieu de ce qui apparaît comme un inévitable déclin, c'est l’image de l’artiste. L’artiste peut bien croire que son activité consiste à créer des œuvres, des propositions esthétique ou des produits culturels, sa plus grande réalisation, et peut-être la seule qui justifie son statut aux yeux du grand public, c’est la possibilité qu’il repésente pour quiconque d'échapper au déclin inévitable du milieu d'où il provient.
Ainsi, l’artiste travaille bien, comme il l’a toujours fait, dans l’imaginaire et la représentation. Mais il ne le fait plus directement par l’expérience que procurent ses œuvres ou par le sens qu’on peut leur donner. Elles font plutôt figure, pour le grand public, d’une caution à cette représentation autrement plus importante et signifiante de l’artiste lui-même, de ce corps où se disjoingnent pour un instant capital symbolique et capital économique. Chaque artiste, dans le bref moment où il est reconnu comme tel par le public, constitue ainsi une petite utopie collective, un écran où la classe moyenne se libère un instant du poids de son irrémédiable destin. C’est peut-être le sens qu’on peut donner à cette relève si foisonnante et si peu productive finalement d’œuvre : elle apparaît comme une surface de projection autrement plus satisfaisante que l’art lui-même qui n’arrive qu’à divertir ces foules de « boulimiques culturels » de leur propre condition.

Saccage d’imaginaire



Je sais pertinemment que les arts et la culture ne sont pas que cela. On peut trouver au milieu du fatras une expérience du sublime interdite à tous les autres domaines de la réalité humaine qui me font croire que l’existence ne devient sensible qu’à partir de ce réseau tissé de vingt siècles de documents et d’œuvres. Mais ce genre d’argument est risible pour la noblesse inculte de la Nouvelle Noirceur.
Que pouvons-nous ainsi répondre à ces populistes de droite qui tentent de discréditer toute forme de financement des arts? Quels arguments de marde nous faudra-t-il sortir pour arriver à les faire taire? C'est la mode depuis quelques années d’invoquer à l’intention des idéologues de l’économie des arguments financiers pour justifier le maintien du soutien gouvernemental à la culture. Il serait triste d’y ajouter des arguments de contrôle et de sécurité, mais parce que ces populistes antidémocratiques ne veulent rien entendre aux choses de la communauté, de la filiation, de l’imaginaire et du fantasme nous sommes réduits à affirmer que, oui, les artistes contribuent probablement, et à peu de frais, et d’une manière positive au maintien de l’ordre social, en empêchant la plus grande partie de la population de céder à ses propres pulsions de mort. Elle n’ose pas encore s’avouer qu’elle mourra dans le désoeuvrement et la pauvreté mais, à travers la figure de l’artiste, accepte qu’on peut tout perdre et conserver un statut. Commencer pauvre, le rester, mais entre les deux avoir été quelqu’un, laisser une trace. C’est une aspiration modeste mais légitime. Et l’artiste est, de ce point de vue j’imagine, un mal nécessaire.
En réduisant le financement de la culture, on ne le fera certainement pas disparaître, mais on fera disparaître son imaginaire. En faisant disparaître l’espace de la critique, les œuvres perdent leur sens et deviennent des produits de divertissement conçus par des artisans qui n’ont plus ce pouvoir de
projection que possède l’artiste. En faisant disparaître les lieux de la performance, on fait disparaître le spectacle de la présence de l’artiste, son corps où se fracture pendant un instant le lien indissociable entre le capital économique et le capital symbolique. Il y aura bien encore des artistes, mais ils retourneront dans l’espace privé des amateurs et des spécialistes qui, eux, n’ont rien à faire de cet écran où la classe moyenne se déleste de ses émotions de ce qui restera peut-être la plus grande catharsis collective du vingt et unième siècle.
Saccager non pas les conditions matérielles et économiques des artistes (ils sont trop résilients là-dessus pour ça) mais l’imaginaire de l’artiste ne peut contribuer, de ce point de vue j’imagine, qu’à l’accroissement du désordre social pour cette population en déclin à qui l’on retirera le dernier rampart contre l’aliénation définitive d’une société qui lui retire peu à peu ses privilèges.
Pour finir, j’aimerais raconter quelque chose. Le père de mon père gagnait sa vie difficilement en colportant en Gaspésie des babioles de porte en porte, laissant à eux-mêmes ses quatorze enfants avec un salaire de misère. Mon père m’a d’ailleurs raconté souvent qu’il arrivait parfois à lui et ses frères et lui de voler pour manger. Comme dans Charles Dickens! Le père de ma mère quant à lui bûchait l'hiver et cultivait l'été, comme dans les romans tu terroir. Et il en serait sûrement demeuré ainsi si le financement public n’avait permis l’établissement de la gratuité scolaire et que l’ouverture des gouvernements aux revendications des travailleurs n’avait permis de leur fournir des conditions incomparablement plus favorables que celles de leurs parents. Toute sa vie, mes parents ont pu conserver le même emploi dans des conditions qui leur ont permis de s’acheter une maison et d’élever leurs enfants.
Ce que je raconte là est d’un ennui, vous me direz. Il n’y a là rien d’original, c’est l’histoire de la Révolution tranquille, vécue presque à l’identique dans des dizaines de milliers de familles. Mais comme des dizaines de milliers de personnes, je ne peux aspirer à mon tour à une telle stabilité, et ce même après avoir terminé des études universitaires. Plus important encore : nous sommes des dizaines de milliers à avoir la même conviction du déclin de notre nom, de notre lignée. On dit aussi de moi que je suis un artiste. Comme des milliers d’autres. Il n'y a là rien d’original. Qu’on s’imagine maintenant ce qui se produirait si on réduisait progressivement les conditions économiques qui rendent possible le maintien de cet espace où nous retirons une quelconque forme de distinction non seulement pour nous mais pour tout un peuple en crise. Je suis certain d’une chose : je n’accepterai pas de devenir colporteur comme l’était mon grand-père. Et encore moins bûcheron... Qui peut savoir de quel désordre, de quelles violences est capable toute une population désespérée sans statut ni moyens?

Je déteste qu’on dise de moi que je suis un artiste. J’aurais préféré faire autre chose, quelque chose comme de la littérature. Mais il y a de bonnes chances pour qu’on se sacre de mon petit poème.

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Les images proviennent des archives de la police australienne et sont tirées du site Historic House Trust, via La boîte verte.

Remerciements: cette note a été rendue possible grâce à une subvention du Fonds québécois de la recherche en sciences humains (FQRSC). Et je déconne pas, la figure de l’artiste comme fantasme social, c’était le sujet de mon postdoc en recherche-création! L’auteur tient à en remercier l’organisme.

mercredi 27 avril 2011

Où sont les mèmes québécois?

La diagonale, un des meilleurs nouveaux blogs se spécialisant dans la critique, se pose depuis un semaine une question pertinente: quels sont les mèmes québécois? La réponse surprend: alors qu'on s'imaginerait qu'il y en a plein, à bien y penser, on n'arrive pas à en trouver. "La Fille" de la Diagonale en propose quelques-uns qui ne sont pas très convainquants. La figure de Rick Genest d'abord, ou Zombie Boy, ce gutter punk montréalais au visage tatoué d'une "face-de-squelette-de-tête-de-monstre" (ce nom est une gracieuseté de Lorazepam). Mais cette figure (c'est le cas de le dire) est plutôt à placer dans la catégorie des "célébrités en ligne", comme Tad Zonday ou Jessi Slaughter le furent à d'autres moments. Les vidéos du Bouboulshow et d'Unyk entrent dans une catégorie semblable de ces vidéos qui font la promotion de personnalités de classes populaires, tour à tour risibles et touchantes dans leurs maladresses de langage et leur imaginaire fruste.
La Fille mentionne finalement Paul, le PFK kid, de Pea Soup de Pierre Falardeau, vidéo culte dont la popularité excède de loin la temporalité des réseaux sociaux et des sites de vidéos en ligne qui lui ont donné une seconde vie. Mais Paul n'est pas à proprement parler une "célébrité en ligne", il serait plutôt de l'ordre de la vidéo virale. On pourrait en trouver quelques-unes qui ont le même statut indéniable, comme Anita rencontre Fidel Lachance ou la palourde royale.
Mais, il faut le reconnaître, il manque quelque chose à la fois aux célébrités en ligne et aux vidéos virales pour qu'on puisse leur attribuer hors de tout doute le statut de mèmes. Il leur manque en effet le caractère de réplication qu'on retrouve partout ailleurs, c'est-à-dire la capacité de constituer un matériau pour d'autres vidéos. Or c'est ce qui fait toute la profonde singularité des mèmes. Ils ne fonctionnent réellement que lorsque le matériau atteint ce stade où il se trouve amalgamé à d'autres références culturelles dans une sorte de dynamique où la forme et le contenu changent constamment de position. Tantôt le matériau A devient la structure qui mettra en forme le matériau B, mais l'inverse peut se produire aussi. Par exemple, Chad After Dentist reprenait la structure narrative de David After Dentist pour lui substituer un élément de la Guerre des étoiles, Darth Vader. Mais ailleurs, par exemple dans toutes les variations de "It's a Trap" (une réplique tirée du Retour du Jedi), la situation s'inverse: le matériau de la Guerre des étoiles devient la structure à toutes les variations possibles.
Pouah, c'est super formaliste comme élément d'analyse et c'est pas du tout mon style et je me fends le cul pour expliquer ça, et ça devrait pas être à moi à faire ça, c'est pas ma job. Faut vraiment tout faire soi-même... Mais pourquoi je fais ça? Pourquoi? Parce que ce dernier trait, la réplication, n'existe pratiquement pas au Québec, et c'est vraiment dommage. Parce qu'il s'agit probablement d'une des plus intéressantes productions culturelles de notre époque. Peut-être que ce qui restera en matière de culture populaire, ce n'est pas la musique qui en arrache un coup ces temps-ci prouver sa pertinence et arriver à s'élever plus haut que la nostalgie pour une ou l'autre des sous-genres passés auxquels elle puise; ce n'est pas le cinéma non plus qui est à toute fin pratique mort et enterré sous les décombres d'un modèle économique moribond; ni la littérature de masse qui n'attend que d'être remarquée par la catastrophe susnommée, ni même le sport ou les vêtements, et que sais-je encore.
En matière de culture populaire, les mèmes représentent une révolution insoupçonnée. Ils ont indéniablement un côté punk dans la mesure où ils appartiennent à une culture DIY souvent trash et percutante et opèrent, comme le faisait la culture punk, un pas de côté ironique et critique de la culture dominante. Le mème, c'est un "God Save the Queen" pour une époque où les kids désabusés auraient troqué leurs instruments cheap de pawn shop pour une version piratée de Photoshop et Final Cut.
Voici de quoi aurait l'air un mème québécois selon les experts
Ceci dit, y a-t-il une raison pour laquelle cette culture de la réplication et de la parodie tarde à s'implanter ici? J'hésite à proposer des interprétations. Est-ce parce que la langue est présentement privilégiée à l'image pour ce genre de pratique de détournement? Est-ce parce que la morale qui prévaut ici fait en sorte qu'on ne s'autorise à la parodie que sous certaines conditions? Est-ce parce que la tradition du détournement québécois qui passe par Croc, RBO et Sans limite est en train d'être oubliée? Est-ce parce que nous sommes réfractaires à accepter ces référents culturels mondiaux (Mario, La guerre des étoiles, les morts-vivants, etc)? Ou encore est-ce parce que nous demeurons réfractaires à tourner en dérision les référents culturels immédiats? Ou que ces référents ne sont juste pas intéressants?

Pff men, vous allez pas me dire qu'avec la pelletée d'artistes au mètre carré dont on arrête pas de nous vanter l'incroyable créativité, il n'y a personne pour être un peu spirituel dans un petit détournement de vidéo? Un gif animé? Juste un petit GIF? Ok, une image avec sous-titre? Un petit sous-titre?

mercredi 2 mars 2011

2e Gala de l’Académie de la vie littéraire au tournant du 21e siècle

2e Gala de l’Académie de la vie littéraire au tournant du 21e siècle
Le dimanche 6 mars 2011, 20h
Au CFC (Centre Fusion Culturelle, anciennement Zoobizarre)
6388, rue St-Hubert, Métro Beaubien
Prix d’entrée : 4$


mardi 1 mars 2011

Les prix 2010 de l'Académie de la vie littéraire au tournant du 21e siècle

Oh yes! Le temps est revenu de nous imaginer que nous avons une grande littérature, qu'elle est foisonnante et riche! Mais cette année, sérieusement, c'était pas trop mauvais, pour autant qu'on oublie tous ces romans rien plus que bien faits et divertissants qui sont finalistes partout pour des prix ailleurs que chez nous et qui font écran à toute cette vie littéraire bizarre et fascinante autrement plus riche que les platitudes qu'on célèbre aux autres postes. De notre côté, on a cherché des belles affaires et on en a trouvé, on les a photographiés et là on va leur donner des prix. Alors sans plus attendre voici la liste des gagnants 2010:

Le prix Self-qu'on-trolle est attribué à Maggie Roussel pour Les Occidentales, Le Quartanier.

Le prix Hello-Kitty-écrasé est attribué à William S. Messier pour Épique, Le Marchand de Feuilles

Le prix Tank-girl est attribué à Virginie beauregard D. pour Les heures se trompent de but, L'écrou

Le prix Pénis-mental est attribué à Jean-François Guerrette pour Panique chez les participants, Poètes de brousse

Le prix rétrospectif Geneviève-Desrosiers est attribué à Geneviève Desrosiers

Le prix Mama-Vagina est attribué à Carl Vézina pour Belooga Joe. Comment faire l'amour avec un maigre sans se fatiguer, fanzine.

Le prix Holy-Mountain-Royal est attribué à Alessandra Naccarato pour Beekeepers, Hurricanes and Men who catch Pigeons, fanzine

Le prix Kenny-Rodgers-live-au-Théâtre-de-Baie-Comeau est attribué à Erika Soucy pour Cochonner le plancher quand la terre est rouge, Trois-Pistoles

Le prix Roulette-du-U est attribué à Chloé Germain-Thérien pour Dans mon temps... Souvenirs de la dernière génération analogue, fanzine, Éditions de la dernière minutes.

Le prix Pas-Michel-Rabagliati (quand même, il y a pas juste lui en bédé) est attribué à Zviane pour Apnée, Pow pow.

Le prix La-tête-de-Miley-Cyrus-à-350°C-au-four-durant-quatre-heures est attribué à Carole David pour Manuel de poétique à l'intention des jeunes filles, Les Herbes rouges.

Le prix Betty Hirst est attribué à Alexandre L'archevêque pour Les mouches la viande, Le Noroît.

Le prix Bouillon de poulet pour fuck all est attribué à Simon Paquet pour Une vie inutile, Héliotrope.

Le prix Huguette-Goaler est attribué à Pascal Angelo Fioramore pour Têtagoise, Rodrigol.

Le prix Death-by-Popcorn est attribué à Jon Paul Fiorentino pour Indexical Elegies, Coach House Books.

Oh les beaux noms farfelus! C'est comme une traduction maladroite de notre enthousiasme pour tous ces bos livres qui sont sortis dans l'année et que personne a encore lu parce qu'ils étaient sur Internet en train de regarder des photos de chats qui disent des niaiseries. Vous pouvez d'ailleurs cliquer sur chacune des photos pour retrouver la critique qui explique pourquoi chacune de ces oeuvres se mérite un prix.











Malheureusement, encore une fois cette année, Mathieu Arsenault qui, boudé par les institutions remetteuses de prix, a quand même créé cette Académie pour avoir au moins une chance d'en avoir un une fois de temps en temps, ne recevra rien. Il était tellement pris par la confection de ses belles cartes d'auteur (qui seront d'ailleurs lancées le soir du gala), qu'il a complètement oublié la date limite pour soumettre une oeuvre au comité d'évaluation. Il leur a écrit pour demander une exemption, mais le comité est resté froid à ses requêtes. Il leur a récrit ensuite pour leur dire que c'était "toute une gang de mangeux de ***", qui se "prennent vraiment trop au sérieux astheure", que "c'était mieux avant", qu'il "pensai[t] qu['ils étaient] des amis" et qu'il était "profondément vexé par toute cette histoire. Bien à vous," etc. Meilleure chance la prochaine fois, mon gars.

lundi 14 février 2011

Chloé Germain-Thérien - Dans mon temps... Souvenirs de la dernière génération analogue

D’un part, les francophones ne savent pas faire des zines littéraires intéressants. La plupart du temps on dirait un journal mal photocopié d’étudiants de cegep en création littéraire, alors qu’un zine devrait être un projet cohérent que seul un petit livret autoédité est en mesure de contenir. Le projet de Chloé Germain-Thérien est non seulement cohérent, il a aussi la simplicité des grandes idées : raconter aux générations à venir l’incroyable changement de paradigme que nous avons subi en quelques années avec le passage à la société de l’information. Même pour nous qui les avons connus, le souvenir des téléphones à cadran rotatif, des télés noir et blanc et des fiches d’indexation cartonnées à la bibliothèque est de plus en plus en vaporeux, bizarre.

 Chloé Germain-Thérien, Dans mon temps... Souvenirs de la dernière génération analogue, fanzine, Éditions de la dernière minute, 2010.

samedi 12 février 2011

Geneviève Desrosiers - Nombreux seront nos ennemis

On me permettra j'espère de déroger de cette contrainte de ne présenter que des publications parues en 2010, mais c'est pour une raison valable: 2010 a été l'année où Geneviève Desrosiers a véritablement pris sa place dans la poésie québécoise. Je n'ai peut-être entendu son nom pour la première fois que cette année, mais ce fut par cinq personnes différentes, aussi fascinées par son destin tragique que par sa poésie singulière justifiant le statut de plus en plus culte qu'on lui attribue. La poésie de Geneviève Desrosiers, bien sûr, n'est pas que cela. On reste frappé par l'originalité et l'actualité de son humour ironique qui la fait sacrer, faire des fautes d'orthographe et parler de bains sales, de Passe-Partout et d'enfants fourrés comme des gâteaux à la crème. Mais elle installe aussi ces images en équilibre précaire sur un arrière-fond insaisissable et inquiétant qui lui donne toute sa gravité. Les circonstances ont placé son oeuvre sur la même étagère que celles de Louis Geoffroy, Huguette Gaulin et Josée Yvon, figures discrètement mythiques de la poésie québécoise dont la fascination qu'elles suscitent travaillent en secret la poésie peut-être plus efficacement que ces poètes consacrés par l'histoire littéraire que la surexposition épuise souvent plus qu'elle ne les maintient dans l'actualité de la mémoire.

Geneviève Desrosiers, Nombreux seront nos ennemis, L'oie de Cravan, 2006, 110 pages.

jeudi 10 février 2011

Maggie Roussel - Les occidentales


Combattre la pensée positive est d’une difficulté insoupçonnée. Car il faut faire plus que rejeter en bloc les encouragements niais d’optimisme du genre « tout s’arrange quand on voit les choses du bon côté », il faut aussi se démotiver soi-même pour arracher à la racine le conformisme moralisateur d’où elle est issue. Se démotiver jusqu’à se troller soi-même, couper toute communication du sujet à lui-même et trouver par là l’accès insoupçonné vers un monde infiniment plus vaste et étrange. Les occidentales de Maggie Roussel excède les questions de genres et de courants littéraires, ce projet est une véritable expérience subjective aux limites de l’effondrement qui a gardé la trace du danger dans lequel il a fallu se placer pour arriver à l’écrire.

Maggie Roussel, Les occidentales, Le Quartanier, 2010, 75 pages.

mardi 8 février 2011

François Guerrette - Panique chez les parlants

Nous étions dans un bar un soir après le Salon du livre et sans aucune raison, Guerrette se lève et se met à parodier Mathieu A. : « je suis une fille chiante, pénis mental, baleine bleue! » Tout le monde se roule à terre en se demandant d’où pouvait bien venir ce « pénis mental », assurément absent de la version originale. Il est peut-être à mettre avec les corbeaux réalistes, couleuvres unilatérales, grenouilles insurgées, larves solaire et goélands tatoués dans l’étrange et foisonnant bestiaire qui peuple Panique chez les parlants.

François Guerrette, Panique chez les parlants, Poètes de Brousse, 2010, 72 pages.

dimanche 6 février 2011

Pascal Angelo Fioramore - Têtagoise

Nous sommes tous un peu restés surpris devant Têtagoise. Mais Pascal Angelo Fioramore répétait depuis longtemps qu’il ne ferait pas des « pitreries » toute sa vie. Bien qu’amusant en surface, Têtagoise est un recueil sombre et d’une violence effarante issu de cette tradition poétique qui relie les invectives de Gauvreau aux délires pulsionnels de Guyotat. La poésie n’est que trop rarement violente et pourtant nous aurions terriblement besoin de sa colère et sa haine pour donner une forme à notre violence et retirer son monopole aux populistes de droite.

 Pascal Angelo Fioramore, Têtagoise, Rodrigol, 2010.

vendredi 4 février 2011

Alessandra Naccarato - Beekeepers, Hurricanes and Men Who Catch Pigeons

Il est vraiment dommage de constater que même si les tensions entre anglos et francos n'ont peut-être jamais été aussi apaisées depuis 50 ans, le rapprochement ne se produit toujours pas. Et nous demeurons pauvres d'une expérience inouïe de cette ville que nous ne connaissons littéralement qu’à moitié. C'est la raison pour laquelle nous avons besoin de la poésie d'Alessandra Naccarato, qui nous la rend sensible, palpable. Partant de l'espace le plus local et familier, – une fin de soirée ratée devant une poutine chez Claudette, un vélo qui rouille sur la rue Napoléon – elle ouvre petit à petit l'espace par une chemin que nous n'aurions jamais pu imaginer: un bol de borscht à Rockland, la grande roue de Coney Island, une robe étoilée à l'aéroport avant un départ pour l'Égypte, une existence trash aux abords des taudis brésiliens.

Alessandra Naccarato, Beekeepers, Hurricanes and Men Who Catch Pigeons, 2010, fanzine.

mercredi 2 février 2011

Alexandre L'Archevêque - Les mouches la viande

Deleuze et Guattari disaient que du point de vue de cette temporalité de la Terre qui excède tellement temporalité du genre humain en échelle que nous ne pouvons même pas la concevoir, les montagnes sont aussi liquides que des vagues. Dans ce temps les minéraux ont peut-être leur vie propre et peut-être aussi que cette existence, cette chair, ce corps, auxquels nous tenons autant ne sont-ils qu’une coquille d’œuf pour le squelette qui grandit en nous et dont la vie commence quand s’amorce notre décompostion. À quoi sert cette image sans cesse reprise dans Les mouches la viande, cette image de chair et de sang se mêlant à la boue? Elle nous donne l’intuition de cette vie minérale que nous sommes incapables de nous figurer autrement.

Alexandre Larchevêque, Les mouches la viande, Le Noroît, 2010.

lundi 31 janvier 2011

Virginie Beauregard D. - Les heures se trompent de but

Je n'ai rien à dire sur Les heures se trompent de but. Et pourtant c'est un des recueils que je lis le plus souvent, pour rien, juste parce que les images et le rythme ont l'élégance accessible de la musique pop sans pourtant céder un centimètre de poésie à la chanson ou au récit. Il n'y a rien à dire, alors je fais quoi? Je dis que "c'est bon"? J'écris une critique vaguement métaphorique et sentie, compte rendu d'une expérience de lecture singulière pour moi mais interchangeable pour celui qui le lira? Je pourrais aussi me dévoiler un peu en échange, avouer que je trouve difficile d'accepter en tant que critique qu'un recueil soit aussi émouvant pour des raisons qui m'échappent, comme m'échappent aussi les raisons du bonheur d'écouter Avec pas d'casque. Comme si Virginie Beauregard D. prenait mes mains inquiètes de tant de choses littéraires et m'écrivait: prends congé ce soir, il n'y a pas de problème, il n'y a pas de question.

Virginie Beauregard D. Les heures se trompent de but, L'écrou, 2010, 171 pages.

samedi 29 janvier 2011

Zviane - Apnée

Parce qu’elle est essentiellement un art du langage, la littérature a toujours été fascinée par le paradoxe du silence qu’elle ne peut dire qu’à la condition de le briser par la parole. Même l’écriture n’arrive au silence que par diffraction, en créant une scène interdite à la lecture muette. Les arts de l’image (dessin, peinture) en revanche, sont par avance muets mais néanmoins obsédés par le blanc, par la représentation d’une absence où il n'y aurait rien à voir. Comme roman graphique situé à cheval entre le roman et l’image, Apnée trouve admirablement bien cet espace où il devient possible à la fois de raconter le silence intérieur et de représenter le vide que celui-ci crée, à partir de ce point hors de soi dans lequel nous pousse ces apocalypses intimes catastrophiques et invisibles aux autres.


Zviane, Apnée, Pow Pow, 2010, 82 pages.

jeudi 27 janvier 2011

Carl Vézina - Belooga Joe

Il y a beaucoup du carnavalesque rabelaisien dans Belooga Joe : emprunts à la culture populaire, langue vernaculaire halucinée, renversement du haut et du bas, scatologie, mise de l’avant des pulsions sexuelles et de tous ces petits secrets du corps ce que les mœurs de la bonne société cachent d’ordinaire. Le monde des zines, supposément si libertaire et décomplexé par rapport au monde de l’édition traditionnelle, produit trop peu de ce genre de projet esthétique, ce qui rend Belooga Joe d’autant plus fascinant.


Belooga Joe

mardi 25 janvier 2011

Carole David - Manuel de poétique à l'intention des jeunes filles

Sous le couvert d’écrire « à l’intention des jeunes filles », Carole David prend acte de la sensibilité de notre époque et développe une esthétique qui lui convient parfaitement : laisser tomber la profondeur souvent plus absconse que profonde des images poétiques pour ne garder que le détail qui en permet l’indexation rapide : Anne Hébert et ses os, Mary Shelley et son monstre, Jeanne d’Arc et le bûcher, etc. Mais ces référents ne sont simplifiés que pour permettre l'exploration d'un espace plus vaste de l’expérience féminine actuelle que développe chaque partie du recueil : détailler les couches stratifiées de son histoire (« Les pieuses domestiques » et « Icônes »), la richesse de sa sensibilité (« Études), de même que les contradictions idéologiques et les tensions que notre époque n’arrive pas à dépasser mais qui font sa richesse (« Kitchen song »).

Carole David, Manuel de poétique à l'intention des jeunes filles, Les Herbes rouges, 2010, 84 pages.

dimanche 23 janvier 2011

Simon Paquet - Une vie inutile

Comme pour toutes les grandes œuvres de l'humour, le rire d’Une vie inutile court en surface d’une époque désastreuse, la nôtre. Elle n’est plus l’époque des tensions sociales exacerbées d’Yvon Deschamps, ni celle de la vie absurde et sans fondement métaphysique des Voisins de Claude Meunier. Cette époque est plutôt celle de la peur et du mépris désintéressé des autres, de la misanthropie nonchalante. Incapable de s’intéresser aux hommes comme de vouloir leur perte, le narrateur d’Une vie inutile se maintient hors de leur compagnie en sautant d’une réflexion saugrenue à l’autre, laissant sa pensée apathique s’embourber dans les détails farfelus de l’existence, parlant comme pour combler le vide d’actions terribles et potentiellement destructrices, et goûtant ce malaise de notre époque sans doute moins dommageable que la tempête qu’il présage et qui ne viendra, on l’espère, jamais.

Simon Paquet, Une vie inutile, Héliotrope, 2010.

vendredi 21 janvier 2011

Erika Soucy - Cochonner le plancher quand la terre est rouge

Une Côte-Nord sale et rough faites de petits criminels, d'ornières de boue, de parcs de maisons mobiles et d'alcooliques. Cet univers de la campagne brute est rarement décrit d'une manière juste parce que d'ordinaire ses habitants, trop occupés à lui survivre, n'en voient pas la singularité et que ceux qui la découvrent restent fascinés par des impressions de surface et ratent inévitablement ce qui, de l'intérieur, constitue l'essentiel de sa trame. Pour arriver à la dire, il faut tout à la fois en avoir été imprégné, avoir gardé intacte cette sensibilité qu'elle détruit dès l'enfance et n'avoir conservé à son égard aucune rancune et aucun mépris, seulement la froide objectivité qui n'exagère ni le beau, ni le laid. C'est dans la finesse du détail qu'Érika Soucy y parvient, se souvenant moins des clichés pittoresques de la rigueur nord-côtière que de la banalité de sa violence : gaspiller « l’argent des clames », les bijoux achetés chez Rossy, la télé laissée dans le noir à TQS.

Erika Soucy, Cochonner le plancher quand la terre est rouge, Trois-Pistoles, 2010, 65p.

mercredi 19 janvier 2011

William S. Messier - Épique

Les Conseils des Arts accordent aujourd'hui une importance démesurée au genre du conte oral, régionaliste et vaguement folklorisant. Démesurée car l’actualité du conte est à trouver aujourd'hui dans ce roman de la campagne hallucinée du genre d’Épique qui loin d’être tourné vers le fantasme d’un terroir d’antan s’ancre dans une esthétique où l’imaginaire geek (le Power Glove de Nintendo, Chuck Norris, Manuel Hurtubise, etc.) côtoie celui d’une campagne désoeuvrée où les cultivateurs ont cédé la place aux camionneurs et aux employés de la voirie. Dans cette campagne vidée de son sens, il n'y a plus rien à faire qu’entretenir les routes qui mènent d’un grand centre à un autre. Et parler, créer des légendes jusqu’à y croire soi-même.

William S. Messier, Épique, Marchand de Feuilles, 2010, 273 pages.

mardi 18 janvier 2011

15 publications intéressantes 2010 selon l'Académie de la vie littéraire au tournant du 21e siècle

Oh que non, Doctorak, Go! n'est pas encore mort! C'est que c'est long à s'occuper de, cette montagne de piasses que j'ai faite en vendant des t-shirts de Louis Ferdinand Céline Dion dans le temps des fêtes. Mais rassurez-vous, je ne suis pas au bout du rouleau (de cennes).

Car on passe aux choses sérieuses maintenant, avec une nouvelle programmation: à partir de demain, et ce, pendant un mois, nous vous présenterons ici 15 des publications québécoises les plus intéressantes de 2010 telles que choisies par l'Académie de la vie littéraire au tournant du 21e siècle. Et critiques à l'appui qui plus est. Parce que faire des listes et garrocher des noms, tout le monde peut faire ça sans expliquer les raisons pour lesquelles on devrait aller lire ces oeuvres. Et ça, c'est à la portée du premier comité de prix littéraires officiel venu, Gouverneur général, Prix des collégiens, Grand Prix du livre de Montréal, n'importe quoi. C'est facile. Tellement facile que je pourrais même m'insérer à l'instant dans cette liste de 15 publications si ce n'était de cette maudite obligation que je me suis donnée de dire quelque chose d'intéressant sur chacune d'entre elles. Mais là, je cherche, je cherche et je ne trouve rien à dire sur ne serait-ce qu'une des deux ou trois affaires pas trop connes que j'ai réussi de peine et de misère à pondre cette année. Mais qui sait? Peut-être que je vais trouver quelque chose de brillant à dire sur mon oeuvre d'ici un mois?! Hein? Non mais, j'ai quand même fondé cette Académie dans le but d'avoir une chance au moins de temps en temps de faire parler un peu de mon petit talent! Alors souhaitez-moi bonne chance et d'ici au dévoilement (espéré) de mon nom, je trépigne full d'excitation. Je me peux juste pu.

Alors ça commence demain.