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jeudi 24 décembre 2009

Touhou et les MAD

J'ai parlé il y a un an exactement (ici et ici) d'un genre de jeux vidéo complètement épuisant, les Danmaku, des shoot'em up tellement intenses qu'il émerge des projectiles qui te foncent dessus une beauté pure et fatale. Et j'ai parlé plus spécifiquement d'une série, Touhou. Comme c'est le temps des fêtes et que je suis juste incapable de fonctionner dans un environnement avec des guirlandes, des flocons en papier, de WalMart (hé, c'est ça Noël!), des films niaiseux d'un moralisme à dégueuler de la bile, des repas full gras et du bonheur partout, je suis retombé solide dans Touhou, qui est un environnement tout aussi cinglé que le temps des fêtes, mais plus conforme à cet esprit hyperactif et mésadapté à la réalité qui est le mien.

Depuis l'année dernière, il m'est arrivé quelques fois de tomber sur des trucs bizarres en ligne concernant l'univers de Touhou. Et quand je dis bizarre, je veux dire bizarre, et je pense expressément à des vidéos de ce genre-là qui reprend une des pièces de musique qu'on trouve dans un des jeux :


Ce genre de vidéos porte un nom, MAD. Les premiers auraient été créés en 1978 par des étudiants en musique de l'Université d'Osaka et ce serait peu à peu répandu dans la culture doujin, Cette culture est au Japon l'équivalent de notre underground, sauf qu'elle existe depuis plus de 100 ans. C'est une culture faite par des non-professionnels dans laquelle on trouve pêle-mêle des mangaka, des auteurs de fan-fictions, des musiciens, des vidéastes et des créateurs de jeux vidéo. C'est dans ce milieu contre-culturel qu'est apparue la série de jeux Touhou, devenu peu à peu une production-phare de la scène doujin, et c'est ce qui explique le repiquage infini et créatif de sa mythologie. Voici encore un autre exemple:

Ce qui est intéressant, ce n'est pas tant le détournement des contenus d'un jeu vidéo que l'utilisation qui en est faite, sans référence au jeu ni à la mythologie elle-même, mais bien comme un pur matériau visuel a priori sans signification. Dans ce type de vidéo, on est plus proche de la vidéo d'art que du cinéma classique au sens où la forme prend définitivement le dessus sur toute tentation de créer un récit. Ces productions s'éloignent donc radicalement de toute notion de récit pour se concentrer sur la production de textures, sonores ou visuelles comme sur l'agencements de couleurs et de formes.

Ces vidéos, pourtant, ne s'inscrivent nulle part dans le réseau des arts visuels où circulent les vidéos d'art. Et c'est ce qui me fascine: on assiste avec les MAD à l'émergence d'une vidéo d'art populaire, c'est-à-dire à une forme de vidéo faite par des inconnus et empreintes d'une sensibilité pour un formalisme exigeant aussi grande que dans les plus grands moment de l'avant-garde artistique au vingtième siècle. Malgré le côté bouffon du matériau et le ton résolument comique du montage, ce formalisme est loin d'être vain. Il est d'une part ancré non seulement dans une exploration du médium de la vidéo mais aussi de la culture d'où il provient, recentrant l'attention du regardeur sur les signes eux-mêmes de la culture plus que sur ce qu'ils veulent dire (les personnages de Touhou par exemple, sont répétés et démultipliés sans qu'on n'évoque jamais leur histoire); d'autre part, comme on peut le voir dans la vidéo avec Ronald McDonald, l'esthétique hyperactive devient parfois carrément contre-culturelle. L'image de Ronald dans des situations absurdes le détache complètement de l'univers et du produit auquel il appartient, de même qu'on peut aisément rapprocher la répé
tition exagérée des séquences par le montage avec la répétition à l'infini des restaurants identiques partout dans le monde. Et quand on pense à tous ces McDonald's, on a la même impression d'absurdité hyperactive, de vertige faussement joyeux. Cette impression, on la retrouve aussi quand on joue à Touhou, une impression d'étouffement de la singularité du sujet par un espace surstimulant (c'est ce que je disais l'année dernière pour ceux qui ont suivi).

Quel retournement! Quel détournement! Quelle critique de ce monde absurde! Quelle beauté dangereuse! Quel formalisme pop!

Quel formalisme pop! Je me sens moins seul! Je suis heureux et je retourne encore une fois essayer de passer le niveau Extra d'Imperishable Night.

dimanche 20 décembre 2009

Le Noël de Michel

Encore du Noël!

Question de bien se mettre dedans en prévision de déboucher des cadeaux, de trouver quoi dire à des cousins que tu vois juste une fois par année et avec qui t'as rien en commun, et de se préparer mentalement à expliquer encore une fois c'est quoi un postdoc pis à quoi ça sert à tes mononcles qui travaillent sur la construction, pourquoi tu prendrais pas une petite pause pour écouter un bon mashup de l'album de Noël de Michel Louvain qui vient du plus profond de mon cru?



Je trouvais que le disque (dont je parlais la dernière fois) était tout en désordre, alors j'ai regroupé les "Noël" avec les "Noël", les sapins avec les sapins, la neige avec la neige, etc. Comme a dit Elvis G., c'est ça qui manque, l'orde!

mercredi 16 décembre 2009

La chronologie des chansons de Noël préférées de Mathieu A.

Je dois l'avouer, je suis infidèle avec les chansons de Noël. Je suis un vrai salaud, je les passe, j'en abuse et je finis par les laisser sur le trottoir à pleurer sans m'en vouloir de ne plus jamais les rappeler. Alors voici la liste chronologique des victimes.

1983 - 25 décembre, Mathieu A. joue sur le plancher du salon avec son nouveau AT-AT et ses bonhommes de la Guerre des étoiles en écoutant le Passe-Partout-du-25-décembre et il manque résolument de vocabulaire pour dire "non mais, 'stie qu'on est ben". "Entre le boeuf et l'âne gris" chantée par Cannelle lui permet de combler cette lacune.

1986 - Après un mois passé en Martinique avec ses parents, Mathieu s'ouvre aux autres cultures, c'est-à-dire qu'il découvre la Compagnie créole. Et à la faveur d'une coïncidence mélodique qui fait qu'elle ressemble franchement à Noël, Noël chantée par Rigodon, Bons baisers de Fort-de-France trouve la plus haute place dans le coeur de ce petit garçon de 10 ans à la veille de développer une grosse montagne de G.I. Joe hots de la mort.

1987 - La place était libre cette année-là. Aucun succès de Noël à l'horizon, mais Radio-Canada organise en même temps un espèce de build up pas possible autour de la deuxième saison de Lance et Compte qui doit commencer après les Fêtes et qui culmine par une émission spéciale qui s'appelle "Le Noël de Lance et Compte". Avec des éléments d'intrigue, des bloopers, des invités spéciaux et, surtout, avec Nounou qui dit aux enfants que Noël c'est pas juste les cadeaux, c'est aussi le temps de penser aux gens qu'on aime. Mathieu avait déjà entendu des centaines de fois cette histoire d'oublier les cadeaux et d'aimer les gens, mais c'est définitivement avec Nounou que ç'a fini par rentrer. En même temps que la version française de la chanson thème qui devint, par la force des choses, sa chanson de Noël de l'année. Et "Le Noël de Lance et Compte", Mathieu et sa soeur l'écoutaient encore régulièrement rendu en avril. Ce serait assurément encore SON classique de Noël si sa mère avait pas enregistré les Les machos par dessus en 1996. Est-ce que quelqu'un aurait encore la cassette?

1988 - Bündock. À cause du vidéo parce qu'ils sont en pyjama et que c'est drôle, mais surtout parce qu'il y a Guy A. Lepage dedans et que c'est dit nulle part. Il faut le spotter, et Mathieu s'est senti tout fier d'avoir fait le lien par lui-même. Ça c'est de la TV qui vous donne pas tout cuit dans le bec; ça c'est de la TV qui vous respecte. Falalalala.

1989 - Un recul à tous les niveaux du point de vue esthétique lorsque Mathieu délaisse l'électro-rock joyeux de "Falalalala" pour la puissante et écrasante splendeur de "Minuit Chrétien". Est-ce parce qu'il a vu Fardoche la chanter dans le spécial de Noël du Temps d'une paix que sa prof d'arts plastique leur avait passés au dernier cours avant les vacances? Pourquoi leur avait-elle passé ça? C'était quoi le rapport avec les arts plastiques? "L'homme-Dieu"? "Effacer la tache originelle"? "Peuple à genoux"? Come on. Tu méritais pas tes cadeaux cette année-là, mon gars.

1994 - La maman de Mathieu le surprend dans sa chambre le 23 décembre à pleurer en écoutant War is over (if you want it). Tant de souffrance dans ce monde, comment est-il seulement possible de se donner le droit d'être heureux en famille? C'était quand même l'année du génocide rwandais, mais Mathieu n'en apprendra l'existence qu'à l'université. Qu'est-ce vous voulez, il était con comme ça, assez con en tout cas pour pleurer en écoutant du John Lennon.

1995 - Crash Test Dummies - The First Noel. Ouf. Avec du retard en plus. Ça commence à être le temps que l'adolescence se termine parce que musicalement ça commence à sucker un peu. Cette chanson est devenue le thème de l'année un parce qu'il y a encore du monde en pyjama dans le vidéo mais pas mal aussi à cause de la voix de hypergrave du chanteur. Mathieu montait les basses du système de son dans sa chambre quand elle passait, tellement que ses modèles à coller d'avions se jetaient en bas de sa bibliothèque par la seule puissance de la vibration. Eh oui, il avait 18 ans et il faisait encore des modèles à coller. C'était vraiment le temps qu'il déménage à Montréal.

1997 - L'esthétique du second degré cause une révolution dans la sensibilité de Mathieu A. Il s'achète une table tournante et passe des heures au Colisée du disque à chercher des albums d'orgue et des pochettes funnées. Le mariachi en pleine tempête de neige de "Tijuana Christmas" remporte la palme et devient cette année-là la trame sonore de toute une époque et de toute une génération. Une époque de 2 semaines, une génération de 1 personne.

2000 - L'esthétique du second degré phase II, le déclin. La collecte de vinyles poches est de moins en moins satisfaisante, mais Mathieu s'accroche. Noël avec vous de Michel Louvain trône malgré tout au sommet des palmarès, "les palmarès" étant le nom bizarre qu'il a donné à sa crate de lait où il range ses vinyles. "Desiderata" récitée par Georges Whelan nous dit quoi faire pour être heureux et c'est pas mal glorieux, mais sérieusement, c'est un peu une souffrance à écouter, cet album-là. En 2003, il mettra une dernière fois Noël avec vous sur la platine pour se mettre dans l'esprit du temps des fêtes, car il s'est rendu compte son écoute est devenue plus un devoir conjugal qu'un plaisir. Bye, Michel, porte-toi bien.

2005 - The Sounds of Christmas de People Like Us devient LA trame sonore de tous les Noëls à venir. C'est une performance enregistrée à la Tate Modern Gallery dans laquelle Vicki Bennett détruit Noël à coup de samplings de mauvais albums s'échelonnant sur plus de 40 ans. Elle venge tous ceux qui comme Mathieu ont tant souffert de ces matantes aux goûts douteux qui imposent à tout le monde au réveillon le même CD de marde de Noël qui joue en boucle à la pharmacie et à l'épicerie depuis le début de décembre. Vive People Like Us! Tiki! Les Schtroumpfs! Les Chipmunks! Des quétaineries de chanteurs d'opéra! Feliz Navidad! Et oh! oh! attendez! Même Tijuana Christmas fait une apparition! People Like Us traverse les époques du vinyle, mélange, empile, hache et triture le tout dans une pièce pour toubles du déficit d'attention qui me convient parfaitement. Vicki Bennett, je sais que t'habites en Angleterre et tout, mais es-tu occupée le 24 au soir?

samedi 12 décembre 2009

Le nouveau projet de Robert Morin - Journal d'un coopérant

Vous voulez voir le prochain film de Robert Morin? Il est présenté chronologiquement par segments sur Journal d'un coopérant, le blog vidéo de Jean-Marc Phaneuf, son personnage, un technicien en électronique à la retraite qui se trouve présentement à Ujama en Afrique subsaharienne.

Attention, il ne s'agit pas ici d'un blog promotionnel destiné à créer un hype pour le film. Non, C'EST le projet de Morin, une expérience interactive qu'on suit quotidiennement. S'il arrivait que vous ne croyiez plus comme moi à l'industrie du cinéma, vous pourriez considérer la sortie du film en salles comme une publication posthume du blog destinée aux archives. Car ce dispositif narratif que Morin a développé depuis ses premières vidéos, qui fait s'entrecroiser fiction et réalité, s'adapte parfaitement à la forme du blog. Le site met beaucoup l'accent sur le système des commentaires et vous êtes cordialement invités à embarquer dans la fiction de Morin, à inventer un personnage qui existe sur le même plan de réalité que Jean-Marc Phaneuf. Ainsi sa soeur, ses amis et tout un univers de personnages imaginés par les commentateurs meublent peu à peu l'espace du blog. Et il arrive un moment où le dispositif de Morin se met à fonctionner parfaitement et on ne sait plus si les lecteurs savent ou non si le blog est fictionnel ou autobiographique, comme pour ce commentaire d'un gars en Allemagne (allez à Steven Gingras) qui propose à Phaneuf de lui vendre des pièces électroniques bon marché pour son projet de coopération.

Mais ce dispositif n'a pas été mis en place pour rien non plus. Le projet de Morin avec Journal d'un coopérant est très sérieux, il articule une critique du pouvoir qui s'exerce au sein même de la coopération internationale. Le journal compte à quelques reprises des scènes où on explique comment circule l'argent de la coopération (avec des boules de manioc qu'on donne à des enfants, c'est beau, c'est efficace, mais c'est pas encore passé, alors stay tuned, restez syntonisés) et comment fonctionnent les relations avec les bailleurs de fonds internationaux. Et c'est franchement déprimant parce que l'argent retourne en grande partie en Occident pour l'achat de matériel et les frais d'opération quand il ne passe carrément pas au-dessus de la tête des habitants en passant d'un gouvernement à l'autre. Fait surprenant que révèle un des personnages du film: selon lui, les seules organisations véritablement efficaces sont les organismes religieux. On assiste d'ailleurs à un moment, dans un hôpital tenu par des religieuse, à une scène terrible, terriblement banale, dans laquelle une dame se fait arracher une dent à froid. Elle saigne dans un récipient et à cet instant, nous ne sommes plus dans la fiction.

Être coopérant implique aussi, même malgré soi, même avec les meilleures intentions du monde, d'incarner un pouvoir, un pouvoir de changer les choses pour le mieux comme un pouvoir colonial, les deux d'une manière inextricable. Tu débarques dans un endroit où tout le monde a besoin de tout d'une manière urgente, et tout le monde te remercie exagérément parce que tous les locaux que tu fréquentes, évidemment, sont plus gentils et plus généreux que tout le monde que t'as jamais rencontrés. Les pouvoirs qu'on te confère sont immenses, ça doit finir par te fucker la tête, je peux pas croire.
Jean-Marc Phaneuf, men, t'as encore aucune idée du bordel où t'es allé te fourrer!
Le plus merveilleux, c'est que le film de Robert Morin n'est pas terminé. Pendant que Phaneuf fait ses trucs à Ujama, Morin reste à la maison, lit tous les commentaires sur le blog et attend patiemment que ses participants prennent le contrôle de son film, qu'ils le poussent dans une autre direction. Et à la toute fin, si vous êtes fins pis pertinents, il intégrera vos commentaires vidéo dans son film. Et c'est pas compliqué de participer, il y a déjà toute une infrastructure en place qui permet d'enregistrer à même sa webcam directement sur le blog.

Qui veut faire partie du cinéma québécois?

Lien vers le blog Journal d'un coopérant.

mardi 8 décembre 2009

1987 FM

Ma fête de 33,3333333 ans s'est terminée vers 4 heures du matin dans un délire pas possible de succès québécois des années 80 et 90 et jusqu'à ce moment j'avais complètement oublié (mais COMPLÈTEMENT) la puissance de cette musique pour mettre le party dans la place. On criait dans l'appart! Merci, Annie Q., merci, Émilie H.! Et puis je me suis rappelé que j'avais patiemment ramassé tous ces vinyles, ces cassettes et ces CD pour un projet musical qui s'appelait 1987 FM, un plunderphone québécois directement dans la lignée du mythique et absolument introuvable On est 7 millions, faut s’sampler! d'Aimé Dontigny. 1987 FM, c'est un collage irrévérencieux de 20 minutes overstuffé de microsamplings du meilleur de la musique québécoise. Avec dans l'ordre:
Marc Drouin et Dolbie Stéréo, Julie Masse, Francis Martin, Léandre, Marc Gabriel, Mario Pelchat, Paul Sarrasin, Fernand Gignac, Lucien Francoeur, Dédé Traké, Le Boyfriend, Phénomen, Laymen Twaist, Belgazou, Guillaume Lemay-Thivierge, Papparazzi, Bill, Daniel Lavoie, Kathleen, Nathalie et René Simard, Joane Labelle, Céline Dion, le collectif "les yeux de la faim", Mitsou, Guy Lemaire, Nelson Mainville, Jo Bocan, Plastic Bertrand (oui, je sais, il est Belge), les B.B. et Nuance.
J'ai mis l'album complet dans ce player, il y a juste à payzer play:



C'était en 2004, je voulais faire un projet pour le distroboto en imprimant des CD 3 pouces, et je me souviens plus pourquoi ça s'est écrasé, j'étais probablement juste trop mal organisé. Finalement, je me suis seulement rendu à placer 7 exemplaires chez Atom Heart, qui finit par en vendre 3 après deux ans et j'empochai alors 6 dollars dûment mérités. Ce fut donc un échec commercial. Mais une de mes pièces a passé à Brave New Waves et je pense que j'ai absolument rien fait pendant trois jours après tellement c'était pour moi l'accomplissement de toute mon existence. Je pouvais calicement mourir.

Et maintenant que je suis un crack de la distribution gratuite en ligne, je peux enfin révéler mon oeuvre au monde. Ce serait cool d'en faire un show, mais j'ai aucune idée de la manière dont je pourrais transposer ça sur scène. Mais je pense sérieusement organiser un petit lancement juste pour le fun quelque part en janvier.

Pour télécharger télécharger l'album, c'est ici.

vendredi 4 décembre 2009

La typo du déclin de l'empire hollywoodien

Aussi étrange que ça puisse paraître, je ne suis pas allé voir un film commercial américain au cinéma depuis 2005. J'étais allé voir la Guerre des étoiles, il me semble. Et je ne me rappelle vraiment pas de la fois précédente mais, sérieusement, je pense que c'était dans les années 90, Never been kissed avec Drew Barrymore, si je me souviens bien parce que pendant une semaine je m'étais fait un petit festival personnel de films de collège en vidéo et aller en voir un au cinéma constituait l'apothéose de mon festival. Qu'est-ce que vous voulez, on s'amusait comme on pouvait dans le temps qu'il n'y avait pas souvent de soirées de poésie.

Tout ça pour dire que mon seul contact avec le cinéma américain, c'est à peu près les boîtes de DVD de la bibliothèque nationale. J'aime bien ça les passer une par une en espérant tomber sur quelque chose de bien, mais la plupart du temps, c'est la grosse misère. En dedans de la boîte comme dessus parce que, franchement, leur design affreux a tout pour conforter les gens dans leur mépris du cinéma américain. Il s'est opéré depuis quelques années une standardisation de la présentation jusque dans les choix typographiques et c'est la raison pour laquelle j'étais vraiment content de trouver cette vidéo qui fait ce constat frappant: LA typo qui domine absolument le visuel des blockbusters, c'est Trajan.


Trajan! Trajan! Trajan! C'est majeur comme constat, si l'on considère tout ce que ça implique esthétiquement. Car le sens à donner à cette typo est franchement étrange. D'abord, elle s'inspire directement des inscriptions qu'on trouve sur la colonne Trajane, un monument romain racontant les victoires militaires de l'empereur Trajan. Cette colonne est un des monuments les plus importants de l'histoire de la typographie puisque c'est en reproduisant ses caractères que les premiers typographes ont initié la famille des polices romaines (WTF "je mange du boeuf haché"?!), dans laquelle on retrouve entre autres Bembo, Baskerville, Caslon, Bodoni, Times New Roman et Garamond. Cette famille constitue le type de police le plus répandu et le plus neutre qui soit, on ne la remarque pas et c'est la raison pour laquelle la quasi totalité des longs textes publiés l'utilise. Mais la police Trajan s'inscrit plutôt tardivement dans cette histoire, elle est conçue en 1989 et constitue une sorte de retour à la monumentalité des inscriptions romaines. C'est en fait une police pompeuse et résolument conservatrice, pour ne pas dire réactionnaire. Son néoclassicisme tonitruant n'est pas sans évoquer l'esthétique nazie dans son désir infantile et débile de reproduire la splendeur de l'Empire romain d'une manière complètement décontextualisée. En poussant l'interprétation, on pourrait même affirmer que Trajan remet en question toute la riche histoire des polices romaines, à la source de la démocratisation de l'écrit par la force de sa neutralité qui permet la lecture des textes longs, pour revenir à l'inscription courte et autoritaire, construite pour imposer la loi de l'occupant et pour immortaliser ses victoires militaires sur des monuments. D'une certaine manière, Trajan est la typo de la bêtise et du cynisme, une typo faite pour les dictateurs et les autocrates sans éducation qui cherchent à montrer au monde un raffinement esthétique qu'il ne posséderont jamais. C'est la typo de Sarkozy, c'est la typo de Poutine, de Berlusconi... et c'est la fucking typo de Stephen Harper et je niaise vraiment pas: le logo de l'Alliance canadienne était en Trajan!


Mais depuis sa mise en circulation, Trajan s'est surtout retrouvée associée à la facture visuelle du cinéma commercial américain, au point qu'elle en est aujourd'hui à peu près indissociable. Alors, quel sens doit-on donner à sa surutilisation?

a) Peut-être une interprétation néomarxiste: le cinéma commercial américain serait arrivé à un niveau de vanité monumentale, si monumentale que pour lui la section DVD des Walmart du monde entier est devenu l'égale d'une colonne Trajane glorieuse et solennelle, où est inscrit le récit des campagnes victorieuses pour la domination culturelle américaine;

b) Peut-être une interprétation nietzschéenne: le cinéma commercial américain tournerait à vide et il le saurait. Des séquelles à n'en plus finir faute de scénarios originaux, des séquences d'effet spéciaux pour masquer un appauvrissement général du langage narratif et des recettes au box office qui ne suffisent plus à couvrir les coûts de production. Le cinéma serait même tellement paniqué de sentir qu'il ne livre plus la marchandise qu'il se vautrerait dans une sorte de néoclassicisme pompeux à la manière de ces dictatures qui emploient leurs dernières énergies à leur propre édification en construisant des bâtisses massives et truffées de colonnades ou en reproduisant à l'identique mais en plus gros des basiliques romaines en plein milieu de nulle part.

Assurément, le cinéma hollywoodien ne doit pas être aveugle à l'imposture que révèle la surutilisation de Trajan dans son iconographie. Car ce n'est pas son premier retour décadent à la "splendeur" romaine. On a l'impression d'une répétition des années 60, de la grande époque des péplums de 3 heures avec Charlton Heston, mais où la science-fiction aurait remplacé l'Antiquité, apparemment tournée vers l'avenir si ce n'était de cette police Trajan qui colle partout, trahit l'ensemble et révèle la secrète angoisse de l'appareil hollywoodien qui regarde en arrière faute de savoir quoi faire ensuite.

Mais ce qui m'embête, ce n'est pas que le cinéma américain soit d'une bêtise monumentale comme dans les années 60, mais plutôt que, au contraire des années 60, il ne semble pas y avoir d'alternative bouillonnante et brouillon pour proposer autre chose. Où sont la nouvelle nouvelle vague, le nouveau cinéma direct, le nouveau cinéma indépendant américain?

???

Ce soir, je vais à la première de Panique au village au cinéma du Parc!

lundi 30 novembre 2009

L'histoire secrète du piano mécanique

Il neige, Gilles Carle est mort, Dubaï est en faillite, les Suisses sont majoritairement intolérants, si le monde a besoin de quelque chose en ce lundi, c'est bien de l'histoire secrète du piano mécanique.

La prolétarisation du pianiste

Le piano mécanique est, dans l'imaginaire populaire, un artéfact d'antiquaire. Comme dirait le vieux Ben Kenobi, c'est l'instrument noble d'une époque révolue, associé aux saloons, au ragtime et à Claude Léveillé. Mais les pianos mécaniques n'avaient rien d'élégant à leur époque, c'était plutôt un novelty assez grossier pour ces tripots qui n'avaient pas les moyens ou la patience de faire jouer des musiciens dans leur établissement. Il y a pour cela, derrière cette "belle aventure des pianos mécaniques", une version moins connue de leur histoire intimement liée à l'industrialisation de l'Occident. Car le piano mécanique est une des premières extensions musicales de la révolution industrielle du dix-neuvième siècle, premier moment de ce que Bernard Stiegler appelle la "prolétarisation" de l'artiste puisque l'interprète se voit peu à peu marginalisé du processus de diffusion de la musique pour entrer dans cette catégorie des simples employés écartés par la mécanisation. Le piano mécanique est encore plus directement lié à l'histoire de la révolution industrielle puisqu'il utilise le même procédé de carte perforée du métier à tisser de Jacquard, qui fait souvent figure de marque historique inaugurale de la révolution industrielle.

Piano mécanique et avant-garde

Mais le piano mécanique serait sans doute demeuré dans les coulisses de l'histoire comme ce poncif de saloon de western cheap si tout un tas de musiciens d'avant-garde n'avaient pas développé une fascination particulière pour l'instrument et n'avaient pas entamé tout un processus de détournement de sa fonction de divertissement de masse. C'est en effet moins pour son caractère industriel ou même pour ses qualités sonores que le piano mécanique a été redécouvert, mais bien pour les possibilités techniques qu'il offrait au compositeur. Comme objet de divertissement de masse, le piano mécanique s'écrase complètement dans les années 30, puisque le phonographe et la radio représentent des alternatives plus efficaces. Mais exactement comme Aphex Twin, les pionniers du techno de Detroit et toute une génération de musiciens électroniques écumaient les antiquaires, les ventes de garage et les pawn shops à la recherche des premiers instruments électroniques, tout un tas de compositeurs classiques ont fait à une autre époque la même chose avec le piano mécanique. Et pas les plus inconnus: Rachmaninoff, Stravinsky et Ligeti (attention, c'est complètement malade ce que Ligeti a fait avec ça), ont tous exploré le potentiel du papier perforé.
Mais le plus grand des plus grands de ce mouvement est un Américain du nom de Conlon Nancarrow qui a poussé le plus loin le potentiel formel du piano mécanique. Il paraît que c'est par pur mépris pour les interprètes de son époque qu'il s'est rabattu sur le piano mécanique, incapable qu'il était de trouver des pianistes à la hauteur des exigences techniques de son style. Mais rapidement, la musique de Nacarrow quitte complètement le domaine de l'interprétabilité: elle s'accélère et la polyphonie ne se limite plus au registre limité de notes que peuvent produire un ou deux pianistes sur un même piano. Et puis Nancarrow tire vraiment profit de l'absence d'accentuation du piano mécanique: toutes les notes sont frappées avec la même intensité, renforçant la facture formelle anti-pathos de sa musique. C'est d'ailleurs vraiment fâchant que le seul album d'études pour piano mécanique de Nancarrow que possède la bibliothèque nationale soit une transcription pour deux pianistes qui font vraiment une sale job en réinvestissant sa musique de toute une palette affective qui rend le tout franchement ridicule.

Le codage et l'atomisation du jeu

Mais on ne pouvait quand même pas redécouvrir le piano mécanique a tous les dix ans, d'autant plus qu'ils devenaient de plus en plus difficiles à trouver dans les marchés aux puces. Était-il destiné à l'oubli et aux musées de la musique? C'est ce que je croyais jusqu'à ce que je tombe il y a quelques temps sur une vidéo qui m'a complètement jeté sur le cul:


Du point de vue technique, la réalisation frappe l'imaginaire: l'utilisation du piano comme clavier de fréquences pour digitaliser la voix, voilà assurément cette chose inattendue dont le monde a besoin en ce lundi matin (^o^). Il ne s'agit pas en fait à proprement parler d'un piano mécanique vintage mais plutôt d'un piano mécanisé par tout un système de marteaux qui frappent à même les touches d'un piano classique, car la vitesse de déroulement de la partition perforée ne pourrait suivre le rythme impossible nécessaire pour produire la synthèse vocale. Le tout est relié, comme on peut le voir dans la vidéo, à un système informatique. Mais il n'y a pas que la prouesse technique, car ce détournement du principe du piano mécanique constitue une sorte d'aboutissement de toute son histoire. Du point de vue musical, on se trouve ici dans une filiation peu évidente mais néanmoins directe avec les partitions de Nancarrow et Ligeti: le jeu s'accélère au-delà des limites de l'interprétation humaine, la longueur des notes est littéralement vaporisée, atomisée dans un nuage de millièmes de secondes qui renvoie par là directement aux "clusters" des compositions mathématiques de Iannis Xenakis. Ainsi, dans un geste paradoxal mais qui me semble tout à fait représentatif de notre époque esthétique, l'accélération du langage formel et non figuratif de l'avant-garde du vingtième siècle aboutit aujourd'hui à un processus de re-figuration, à un retour à la représentation par le biais de l'accélération des moyens technologiques.
D'autre part, cette utilisation du piano mécanique constitue aussi un retour à ses racines industrielles. Car si l'instrument a d'abord fasciné ces chercheurs, c'est parce qu'il possède un lien charmant avec l'histoire de l'informatique, avec le codage des machine qui passe aussi par les cartes perforées de la machine de Jacquard. Car le piano mécanique a aussi été considéré comme support d'information. Il a joué un rôle majeur dans la préservation des premières pièces de stride et de ragtime, pour lesquelles il n'existait pas d'autre transcription en partition.

Lorsqu'on la considère sous cet angle de l'hyper-accélération et de la déshumanisation de l'interprétation, l'histoire du piano a l'air terminée. Les qualités affective de son jeu simple et émotif, qu'incarnent Chopin, Schumann et Debussy, est définitivement derrière nous, ne pouvant plus aujourd'hui qu'être évoquées, connotées; et ce piano formel et complexe est devenu impossible à interpréter, de sorte qu'on ne pourra plus jamais en jouer. Le piano a perdu face au séquenceur et n'est plus aujourd'hui que le souvenir mélancolique et complètement creux d'une musique lyrique qui n'a jamais tout à fait existé. Le piano, donc, c'est terminé. Out. C'est amusant à affirmer, mais ça veut simplement dire que toute la place est libre pour qu'on lui retrouve une nouvelle fonction. Et à force de taponner dedans comme John Cage, quelqu'un va bien finir par trouver quoi faire d'actuel avec le piano.

jeudi 26 novembre 2009

33,3333333333333333333333 ans

Aujourd'hui j'ai 33 ans et un tiers. Je suis, dans le meilleur des cas, au tiers de ma vie. C'est quand même dommage qu'on fête toujours les demis, les quarts ou les dizaines mais jamais les tiers. En termes de vie, c'est un peu paniquant cependant, parce qu'à ma fête de deux tiers de vie, quand j'aurai 66,6666666 ans, on risque plus de parler de nos maladies et de notre fonds de pension que de la première de Panique au village au Cinéma du Parc la semaine prochaine.

(Eh oui ils ont fait un film de Panique au village!!!!!!! Iiiiiiiii!! Gnnnnnnn! Wouhouuuuuu!)

Et diviser en tiers, c'est comme couper une tarte ou une pizza, c'est chiant diviser par trois mais c'est mon activité préférée parce que comparativement à diviser en deux ou en quatre où t'as seulement qu'à surveiller tes angles droits, séparer en trois implique toujours de l'instinct et de la pratique et de faire un petit bricolage, Par exemple, pour calculer le quart, t'as seulement qu'à attendre d'avoir 25 ans et c'est tout, et puis la date est déjà toute prête. Mais pour arriver au tiers du 33, j'ai dû diviser 365 par trois puis ajouter 122 jours après ma date d'anniversaire. Ça tombe le 28 novembre.

Incidemment, ça fait aussi un peu plus d'un an que Doctorak, GO! est ouvert. Bonne fête Doctorak!

Je fais un party pour l'occasion, mais pas d'invitation publique parce que j'ai peur que les fans des Super Sentai débarquent faire la justice chez nous et tout péter.

dimanche 22 novembre 2009

The Beatles - Everyday Chemistry

On Sept. 9, 2009 I experienced something that I still am having trouble believing happened to me. I came into the possession of a cassette tape containing a Beatles album that was never released. In fact, not only was it never released but it was recorded many years after they broke up.
Ainsi commence le récit qu'on peut lire sur le site The Beatles never broke up. L'auteur désire demeurer anonyme, de peur que la "communauté des touristes dimensionnels" n'apprenne qu'il a brisé le tabou: rapporter un objet d'une autre dimension dans une dimension parallèle dans laquelle il n'existe pas. Cet objet, c'est la copie sur cassette d'un album des Beatles.

L'album s'appelle Everyday Chemistry. Et il est proprement génial. On peut en downloader une copie ici. Je mets aussi la pièce d'ouverture "Four Guys" en écoute.



Les véritables fans des Beatles auront déjà compris de quoi il s'agit. Pour les autres, je poursuis encore un peu en posant la question: si les Beatles étaient effectivement demeurés ensemble, à quoi auraient pu ressembler les albums suivant Let it Be? D'une part, le dernierz véritable effort de composition collectif sur Abbey Road, le "medley" qui va de "You Never Give Me Your Money" à "The End" est un collage assez innovateur de fragments de chansons composées individuellement par chacun des Beatles. Or, ces compositons individuelles post-Beatles existent bel et bien, séparément, sur les albums de George Harrison, John Lennon et McCartney/Wings. On peut ainsi raisonnablement imaginer que si les Beatles avaient continué d'exister, beaucoup des chansons qu'on peut trouver sur ces albums solo seraient devenus des chansons des Beatles, retravaillées en groupe.

C'est ce qu'est en fait "Everyday Chemistry", un collage par mashup des efforts solo de chacun des Beatles, constitué à partir d'extraits moins connus de chansons de Lennon, McCartney, Harrison et Ringo. Le montage est convaincant, comme le son, résolument ancré dans les années 70, mais avec cet effet puissant de nouveauté et d'expérimentation en studio qu'ont peu à peu perdus les albums individuels des quatre musiciens en solo. Et, quand on se prend au récit de cet univers parallèle où les Beatles existent encore, l'effet de boucle propre à tout mashup donne à cet album une saveur bizarrement prophétique, comme si ces Beatles imaginaires avaient anticipé l'influence du sampling sur le rock à venir.

Ce collage représente un aboutissement dans l'histoire du mashup. Ce genre qui s'est d'abord appelé "plunderphonics", a d'abord été politique, critiquant la musique et l'industrie musicale à partir d'un remodelage de cette même musique. Il s'agissait en quelque sorte d'extirper la musique populaire hors du circuit commercial et corporatif dans lequel elle était prisonnière pour la redonner au public, à qui elle appartenait vraiment puisqu'elle constituait, selon les "plunderers" (John Oswald, les membres de Negativland, d'Evolution Control Comity), la trame sonore de son existence, de ses souvenirs, etc. Le mashup est ensuite devenu une discipline plus formelle, une sorte de jonglerie raffinée pour archivistes musicaux orientée principalement sur la recherche de l'exploit et sur le culte du paradoxe. Ainsi, Stroke of Genie-Us mélangeait la haute et la basse culture musicale pop (The Strokes avec Christina Aguilerra), tandis que The Gray Album de Danger Mouse remixait The White Album des Beatles avec The Black Album de Jay-Z sur la simple base d'une opposition de tons spirituelle.

Il me semble que "Everyday Chemistry" représente une nouvelle étape de cette histoire du mashup dans la mesure où on quitte ici la recherche de l'exploit purement technique pour quelque chose de radicalement nouveau, le récit. Car il s'agit bien ici d'un mashup d'anticipation qui cherche à penser une histoire de la musique qui n'existe que virtuellement. Ce collage a véritablement la valeur d'un récit puisqu'il déploie un univers parallèle pour nos oreilles, un univers qui nous permet de réfléchir à cette histoire de la musique populaire qui est la nôtre. Il nous permet par exemple de réfléchir à ce type d'identité particulière que représente le "groupe". Ensemble ou séparés, Lennon et McCartney ont continué d'écrire de la même manière, et sur Ringo, l'album de 1973, tous les Beatles ont participé séparément sans qu'il puisse pour autant constituer un album des Beatles à proprement parler.

De la même manière, le récit de science-fiction qui accompagne la présentation d'Everyday Chemistry n'est pas dénué d'intérêt non plus. L'anonymat de l'auteur est nécessaire, moins pour fuir la communauté des voyageurs dimensionnels que pour fuir celle des avocats du droit d'auteur qui sont, dans le cas des Beatles, intraitables. Du point de vue légal, cet album provient absolument d'une autre dimension parallèle et sa présence dans notre univers est tout aussi strictement interdite.

Etc., etc.

Lien vers le téléchargement d'Everyday Chemistry des Beatles.

mercredi 18 novembre 2009

Questions de science-fiction

Moi, les histoire de voyager dans le temps et d'univers parallèles, j'aime ça. Il m'arrive de partir dans ma tête des dix minutes de temps en me posant toutes sortes de questions pratiques là-dessus. Les problèmes qu'on pose d'ordinaire au voyage dans le temps sont toujours de l'ordre du paradoxe ou des grands bouleversements historiques. Et d'une manière bizarre, ça finit toujours par tuer quelque chose qu'il faut tuer, des petits mammifères, Hitler ou son grand-père. Mais les miens sont différents. Voici mes préférés:

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Problème 1 - Partir dans le passé, implique avoir besoin d'argent. Une valise pleine ça pourrait faire l'affaire. Mais vous ne pourriez évidemment pas apporter une monnaie battue après la date où vous arriveriez. Donc, étant donné a) l'inflation historique et b) la valeur marchande des billets anciens sur le marché des numismates, votre pouvoir d'achat serait-il égal, supérieur ou inférieur à celui que vous avez présentement?

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Problème 2 - Supposons que vous vous retrouviez catapulté, disons, à plus de 150 ans en arrière sans espoir de jamais revenir dans le présent. Vous atterissez à l'endroit où vous avez vécu tout en sachant bien que la plupart vos points de référence culturels, sociaux, urbains, etc., ne se seront pas mis mettront pas en place avant votre mort. Aimeriez-vous a) vous y installer tout de même tellement la nostalgie des choses à venir vous étreint en guettant l'apparition prochaine de ce monde que vous avez connu; b) aller vivre dans une ville déjà ancienne comme Paris où Rome où les monuments qui vous ont préexisté constitueraient pour vous une forme de continuité; c) carrément partir vivre dans une autre culture que vous ne connaissez pas, turque ou amérindienne ou maya, puisque de toute manière ce monde que vous avez quitté n'existera jamais de votre vivant.

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Problème 3 - L'humanité entière se réveille demain matin nue sur le sol dans un monde parallèle. Il s'agit de la Terre, mais sans aucune marque de civilisation humaine. Tout est donc à refaire, il n'y a pas encore même d'agriculture. C'est le printemps dans l'hémisphère nord (donnons-nous une chance), et ce matin-là, il y a 7 milliards d'êtres humains distribués partout sur le globe en pleine forêt ou en pleine clairière, tout dépend. Et puis là, évidemment, plein de gens meurent de faim et de maladie et c'est affreux, mais après quelques mois de chaos, la vie s'organise. Tout le monde, évidemment, se souvient exactement de tous les détails de la civilisation à venir, simplement il manque les moyens techniques d'y parvenir.

Question a) Quelle fonction aurait le plus de chance d'être la vôtre dans cette société retournée sur elle-même? Décrivez une journée typique, développez aussi autour de votre plus grand regret mais aussi de votre plus grande motivation;
Question b) Combien de temps, à votre avis, cela prendrait-il à cette humanité pour reparcourir toutes les étapes de son évolution technique pour, disons, faire jouer une chanson des Beatles sur CD; sous-question: étant donné le traumatisme vécu par l'humanité et étant donné que d'arriver au CD risque de prendre plusieurs dizaines de générations, "Yesterday" aurait-elle une chance d'être la chanson des Beatles la plus susceptible de se retrouver sur ce CD? Selon vous, les paroles resteraient-elles intactes ou se seraient-elles modifiées? Comment?

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Pourquoi les Beatles? Parce que je viens de trouver un album inédit enregistré dans les années 70. Et il y en aurait plusieurs, car il existe un univers parallèle au nôtre dans lequel les Beatles ne se sont jamais séparés. Et quelqu'un sur un site affirme être revenu de cet univers par un portail dimensionnel avec une copie cassette de cet album.

samedi 14 novembre 2009

Qu'est-ce qui joue de bon à Radio Spirale?

Le site de Radio Spirale est encore petit mais ses ambitions sont immenses: finir par remplacer ce qui s'appelait avant la Chaîne culturelle de Radio-Canada. Il y a toutes sortes de choses déjà là-dessus et comme j'en ai écouté tout un paquet, je vous propose aujourd'hui à vous, mon public aussi exigeant que blasé, une sélection d'enregistrements qui valent la peine d'être écoutés.

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"Faire violence" rencontre avec Marie-Sissi Labrèche animée par Sandrina Joseph. C'est probablement la meilleur entrevue publique à vie de Marie-Sissi Labrèche parce qu'elle s'entretient avec une de ses bonnes amies. Alors l'atmosphère est détendue et pour une fois, la nervosité infinie de M.-S. Labrèche est plus amusée que paniquée. Et même si Sandrina et Marie-Sissi sont des amies, ce n'est pas une raison pour qu'elles n'aillent pas au fond de quelques thématiques de son oeuvre.

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Rêvez pour moi - Savannah-lou. Le projet d'émission de Catherine Mavrikakis est vraiment extraordinaire: interpréter les rêves de ses invités. C'est véritablement une plongée dans la singularité de toute une existence à travers une conversation légère en apparence mais ce n'est que pour mieux dériver vers la profondeur et la complexité d'une relation psychanalytique. Quand j'y suis allé, j'ai parlé de mon rêve récurent de chien mort: je dois garder le chien et puis soudain je me rappelle que j'ai oublié de le sortir et de lui donner à manger. C'est alors que je me rends compte que ce chien est mort depuis des années et que j'ai finalement pas besoin de m'en occuper, mais il est là, il est là, il me regarde, il se promène...
Mais laissons cela, parce que l'émission la plus intéressante, Catherine l'a fait avec sa fille, qui avait 7 ans au moment de l'entrevue. Le monde intérieur d'une petite fille peut être tellement complexe, et ses angoisses, aussi grandes que les nôtres.

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Les malentendus France-Québec. Entretien avec Jean-Pierre Bacot, un spécialiste français du Québec qui vient nous faire une drôle d'histoire des milieux intellectuels catholiques canadiens français du début du vingtième siècle, en lien avec les pires réactionnaires de la droite française monarchiste et avec des histoires de conspiration et de sociétés secrètes. Après avoir écouté ça, tu penses aux Chevaliers de Colomb, tu fermes les fenêtres et tu barres les portes en attendant que Dan Brown écrive un livre là-dessus.

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Un projet, plusieurs voix (les éditions Rodrigol). Pascal Angelo Fioramore et André Racette font le tour de la question des éditions Rodrigol en un peu moins d'une heure. Pourquoi faire une maison d'édition aujourd'hui? Comment ils choisissent et travaillent leurs textes? Qu'est-ce qu'une communauté littéraire? Stéphane Surprenant fait-il pleurer les enfants?

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La « vie quotidienne » en mouvement. Le quotidien de Patrick Straram. Patrick Straram est une des figures les plus intéressantes à redécouvrir. Parmi les fondateurs de l'Internationale situationniste, il arrive au Québec au milieu des années 50, devient bûcheron, puis à Montréal habite pratiquement dans la rue pendant quelques années avant de devenir une figure centrale du monde intellectuel québécois. Il est à l'ONF et à Radio-Canada avant de partir en Californie à la fin des années 60.

Dans cette émission de Sylvano Santini et Guillaume Lafleur, on parle d'une longue lettre de Patrick Straram à Guy Debord qui date de 1960. L'internationale situationniste était plutôt locale, pas trop internationale dans ces années-là. Elle a failli exister et le Québec était l'avant-poste tout désigné pour faire le point vers l'Amérique. Mais les années 50 au Québec c'était plutôt nul, et l'Amérique devra attendre. Mais pendant ce temps, Arthur Lamothe apportait un café à Straram. Il aurait préféré un scotch, mais pour ça il aimait mieux attendre après la Révolution.

Lien vers Radio Spirale.

mardi 10 novembre 2009

Un jeu vidéo pour Maurice Blanchot

Je suis tombé dernièrement sur un très beau petit jeu gratuit en ligne, Small Worlds de David Shute. Le principe est très simple, il s'agit de déplacer un personnage dans un environnement à plate-formes. Jusque là, rien d'original, mais c'est dans le traitement que tout se joue.

Le but du jeu est d'explorer l'environnement physique, que le personnage dévoile à mesure qu'il découvre. Chaque tableau, commence par un gros plan pratiquement abstrait, car le jeu exploite une esthétique pixélisée aux couleurs sombres qui ne prennent leur sens qu'à mesure que le plan rapetisse. Ainsi, ce personnage qui ne fait que trois pixels de haut par un de large est au départ à la limite entre le figuratif et le non figuratif, simple évocation à laquelle répondent les différents tableaux, eux-mêmes à peine plus que des esquisses énigmatiques et fragmentaires. Une base militaire sous-terraine dans un montagne couverte de neige, un amas de pierres, un bourg médiéval arrosé par une station de pompage, une sorte de carcasse géante: dans leur évocation, ces environnements n'ont pas d'histoire, ils constituent plutôt chacun l'image d'un monde triste et désolé dont le sens échappe à mesure qu'il se dévoile. Le personnage aussi demeure à la fin sans récit, sans visage, sans personnalité. Dans la mesure où il est celui qui dévoile le monde, il occupe une position subjective, mais on ne saura rien de lui. Il n'aura été que l'agent de dévoilement de ce monde, devenu minuscule à mesure que le plan d'ensemble s'est élargi, au point de disparaître dans l'image, comme ces voix beckettiennes qui parlent en tâtonnant le monde qui les environne, pour se rendre compte à la fin qu'elles ne sont rien par elles-mêmes.

Ce jeu est singulier parce qu'il se situe beaucoup plus du côté de la tradition poétique que de la tradition du récit, à l'enseigne de laquelle logent la quasi-totalité des jeux vidéo. Ce jeu est poétique, pas parce qu'on pourrait dire que c'est un "beau" jeu, mais parce que son traitement de la subjectivité (qui dévoile le monde qui l'entoure) et de l'image (l'espace sans récit) ne peut être compris qu'à partir de la tradition poétique. C'est donc une sorte de poème en prose ludique. Et puis l'introduction et la conclusion sont elles aussi énigmatiques. "There is too much noise" peut-on lire en ouverture, et "silence" une fois que tout l'espace a été dévoilé. Dans cette aventure qui n'est que visuelle (hormis la musique prenante qui accompagne chacun des tableaux), voir s'oppose à entendre, mais le silence est à la fin absolu, car il est la marque de ce qui finit.

Je veux dire, c'est, bizarrement... un jeu blanchotien .

Lien vers Small Worlds de David Shute. Ça prend genre dix minutes à finir et c'est gratuit.

vendredi 6 novembre 2009

Je vais lire Renée Gagnon en public!

Mercredi prochain je fais une lecture publique! Au port de tête! D'un texte de Renée Gagnon! Je l'aime Renée Gagnon! Quand je la lis je dois tout le temps m'arrêter parce que je lui donne plein de prix dans ma tête. Alors je devrai me concentrer très fort pour lire comme il faut l'excellent texte "Du junk dans la nuit" tiré du collectif Le livre de chevet qui sera lancé le même soir. J'ai deux choses à dire.

1- Ce texte parle de faire de l'insomnie, d'avoir la tête qui tourne en se répétant impuissant "ça s'est pas passé", "pas passé ça pas ça". Or, comme c'est exactement ce qui m'arrive présentement (je dors mal et je fais une légère labyrinthite) et que je passe un sale moment ("non, c'est pas vrai, ça s'est pas passé"), ce texte me tient beaucoup à coeur. Il se peut même que ma lecture soit très très émotive et que je me serve de cette émotion pour faire une sacrée performance. Et Renée va faire la lecture d'un de mes textes aussi, quel fucking bonheur (sans ironie);

2- Le livre de chevet, projet dirigé par Daniel Canty, est probablement le dernier projet démesuré qu'entreprennent les Éditions du Quartanier. Et par là, je veux dire que c'est un livre d'une beauté dispendieuse, d'un design grandiose (par FEED) et je conseille à tout le monde de considérer son achat en souvenir de cette époque qui s'achève.

Le livre de chevet
Avec des textes de Christophe Bernard, Salvador Alanis, Éric Giraud, Nathalie Bachand, J. R. Carpenter, Angela Carr, François Turcot, Annie Lafleur, Dauphin Vincent, Oana Avasilichioaei, Simon St-Onge, Charles Simic, Desavage, Erín Moure, Mathieu Arsenault, Jacob Wren, Stephanie Bolster, Franz Schürch, Renée Gagnon, Marc-Antoine K. Phaneuf, Patrick Poulin, Louis-Philippe Hébert, N. S. et Mélisandre Schofield

Lancement le mercredi 11 novembre de 17 h à 24 h
au Port de tête, 262 Est Mont-Royal

samedi 31 octobre 2009

Musique underground québécoise - conclusion

Voici la conclusion du panorama de la musique underground québécoise rédigée par S.ébastien de Patrimoine PQ.

Je ne suis pas particulièrement friand des listes, des Top 10. Depuis 1999, avouez que nous avons été inondés d'essais similaires dans la plupart des magazines musicaux, chacun tentant de définir voire réécrire l'évolution des courants artistiques du dernier siècle. Qu'on ne critique pas alors les récentes et effervescentes récupérations des genres par de jeunes talents, on nous a gavé à la nostalgie depuis une décennie! On les craint comme on les dévore ces listes; on apréhende ses conclusions en se préparant à les discréditer. Qui est au numéro 1? Ils ont osé omettre tel disque, impardonnable! Ils ont inclu un titre méconnu en espérant m'impressionner, navrant! On a tous eu ces moments. Comme si un mode d'expression aussi sensible devait se quantifier entre nos deux oreilles... Après tout, avec ces listes à la manière de ce premier panorama de l'underground, on sait d'avance qu'elles ne seront jamais définitives... enfin, tant qu'on n'y aura préalablement mis son propre grain de sel. ; )

Quelques mesures d'une performance d'Halloween 1969 (Manifeste de l'Infonie ).

En guise de conclusion notre exercice, j'ai longuement considéré d'analyser le premier disque de L'infonie, Volume 3 (aka André Perry présente... ; Polydor 542.507; 1969). Qui ne serait pas d'accord avec cet ajout? Bon, je vous l'accorde, le groupe a eu dès le départ sa franche part médiatique. Dès leurs premières performances à Terre des Homme en 1967, ils avaient déjà tout l'attirail pour vous faire freaker et vous enchanter. Pour un groupe d'une trentetroizaine d'artistes multidisciplinaires, leur démarche orchestrale était résolument contemporaine, leurs costumes saillants, leurs cheveux longs et leur ivresse poétique des plus contagieuses.



Raôul Duguay (chant, trompette) résuma efficacement leurs aspirations:
créer un monde parallèle à celui de la culture commerciale (...) plonger dans l'universalité des formes d'expression, les fusionner et les revitaliser dans un happening de folie créatrice. Et comme toutt est dans toutt, on sent que c'est sous leur impulsion que l'underground put émerger, rejoindre et être absorbé par la culture populaire. Freak-out cacophonique, exotica débridée, poésie phonétique, groove électronique (J'ai perdu 15 cents dans le nez froid d'un ange bronzé ), touchants et cabotins passages orchestraux (sublime reprise de She's Leaving Home des Beatles), bossa nova «corrigée» (Desafinado ) ainsi qu'un improbable et incroyable tube (Viens danser le Ok Là, aussi un simple chez Polydor ): pour le fun, pour emmerder les straights et pour aller au bouttt de touttt.



Malgré ces preuves éloquentes de leur talent sur disque, c'est sur scène que l'expérience totale proposée par le groupe trouve sa manifestation la plus complète. Lorsque j'ai eu la chance d'assister à la performance de Walter Boudreault, Raôul Duguay, Guy Thouin (aussi un ex-Quatuor de Jazz Libre) et compagnie en février dernier, j'ai vite compris ce qui catalysait les performances de l'Infonie: la synergie qui habitait autant les performeurs que leur public, le plus souvent impliqué activement dans la performance comme telle, était au boutt du boutt. Sans vouloir mystifier l'affaire, je n'avais jamais ressentie une telle vibration. C'était crissement palpable! Devant le charisme des Infonistes, on a inévitablement envie de participer à la folie collective qu'ils plebiscitent, tout souriant. La prose phonétique et jovialiste de Duguay aide à transcender la poésie, même chez les esprits les plus rangés. On a envie de se faire aller le gorgotton comme lui. Entre rigueur et improvisations, une forte impression de bonheur découle de ce happening sonore imprévisible. Pourtant sceptique, votre auteur avait même perçu une dimension thérapeutique suite à leur performance de Volume 33. Hypocondriaques face à la nuée pandémique, prenez-note! Confortablement niché, L'Infonie rallie et secoue encore aujourd'hui les puristes des genres, de l'amateur de musique concrète au rockeur moribond.





Afin de parfaire vos connaissances Infôniqaques, je vous invite à lire l'excellente bio que propose le site Québec Info Musique ou à retracer le manifeste du groupe, aujourd'hui retitré Le boutt de toutt (toujours disponible). Notez aussi que le label Mucho Gusto a pris grands soin de rééditer Volume 3 & Volume 333 avec quelques titres inédits. Indispensables.

Un album essentiel... mais on ne pouvait s'arrêter à ce seul titre pour conclure notre exercice. Ainsi, au gré de nos écoutes répétées, plusieurs artistes furent inévitablement écartés de ce premier panorama. Cerner 10 albums sur une quarantaine d'années de productions underground, vous en conviendrez, n'était déjà pas chose facile; nous avons du prioriser certains titres. Il n'est pas exclu qu'ils soient ultérieurement analysés sur ce blog. Parmi les albums les plus pertinents, retenons:


Ouba, Reels Psychadéliques I & II (1968): Ces jams de la série Freak-Out Total initiée par Tony Roman méritaient d'être considérés. Audiblement le résultat de séances tardives et enfumées, ces rares productions étaient inévitablement vouées à être sans lendemain. Roman n'allouerait que très peu de promotion pour ces séances avant-gardistes, mais force est d'admettre qu'elles sont intrinsèques à la personnalité du jeune réalisateur, tiraillé entre la pop commerciale et la quête d'un son moderne pour un Québec en ébulition. Toutefois, après une écoute difficile et parfois lassante, l'auditeur averti concluera comme nous que leur impact demeure négligeable. Un collectionneur complétiste pourrait devenir un mélomane légèrement déçu... Mais, même si j'en saisi toute l'ironie, qu'est-ce que je les recherche ceux-là! Ajoutez à cela les plus fignolés Maledictus Sound / Expérience 9 et vous gagnez le gros lot! C'est d'même avec Tony...

Boule de Son - Just'en passant (1975): Production minimale, diffusion quasi inexistante pour ce charmant groupe de folk rural aux légers accents rock. Le genre de trésor qui ne quitterait pas le rang où il fut enregistré, produit et emballé dans une pochette générique. Seul leur batteur referait surface dans le non-moins méconnu groupe progressif Opus 5. Une belle rareté (l'album vous coutera 300$ et plus) définitivement dans les cordes de votre auteur, mais rien de vraiment fracassant. Faites-vous une idée de l'album ici.

Aut'Chose - Prends une chance avec moé; Une nuit comme une autre; Le cauchemard américain (1974-1976): Un flot déferlant de riff hardrock et la personnalité scénique hyperbolée de Lucien Francoeur imagent déjà à eux seuls l'essence du rock Québécois. Offenbach avait déjà sa niche que Aut'Chose arrivait avec plus de couilles, plus de poils, un claviériste débridé et une prose morrisonesque électrifiée. Leur retentissement fut immédiat, mais leur aura s'est progressivement obscurci après 1977, obnubilé par les extravagences discutables de Francoeur et par et une réédition de leur catalogue complet qui se fait toujours, et toujours attendre... Pas underground, mais trop peu souvent cités!



Les Sinners - Vox Populi (1968): Je considérais cet album comme underground dans la courte et florissante carrière d'un groupe prêt à se métamorphoser partiellement en Révolution Française. L'arrivée d'Arthur Cossette coincidait avec le groupe qui affichait une approche parmi les plus cutting-edge à l'époque, proche des Who sur Sell Out. Étrangement, l'album semble être perçu comme trop moderne, déglingué et touffu pour la jeunesse; elle court toujours les happenings du groupe, mais les ventes de Vox Populi déçoivent. Une version anglophone fut développée pour en améliorer la diffusion au sud du pays, mais suite au départ de François Guy, elle accumulerait la poussière jusqu'en... 1992. Malgré la participation en chansons et celle de deux membres au film de l'ONF Kid Sentiment en 1967, aucun simple ne réussit à se démarquer. Une véritable perte, cette production moderne de Pierre Nolès avait tant à offrir. Je vous l'accorde, le groupe était archi-connu, mais cet album-là est passé dans le beurre il y a 41 ans...




Les Champignons - Première Capsule (1972): Un groupe prog-psychédélique qui ne vendrait son album autoproduit qu'à ses rares specacles... voilà bien un projet hippie qui s'annonçait underground dès le départ. On a bien droit à quelques moments lysergiques, mais dans le genre, je leur ai toujours préféré le groupe Sloche et comme on trempe déjà dans les moeurs progressives du Québec des années 70, ce n'est pas tout à fait underground. Rare, certainement, mais loin d'être essentiel.

Moonstone - Moonstone (1972): Un projet anglophone sur étiquette Kot'ai (Infonie), incluant Tony Roman à la console sur quelques titres. Leur acid-folk nordique se démarque de celui de la scène alors florissante au Québec, plus près de celui de ses compères US (Alzo, Jan & Lorraine) ou UK (Comus, Trader Horne). Ils jouaient loussement -peut-être trop pour certains- et semblaient posséder ce je-ne-sais-quoi dans leurs chants qui aurait dû leur permettre de percer, du moins sur la scène montréalaise. Serait-ce le simple écart linguistique ou la pauvre diffusion qui nous aurait fait jusqu'à ce jour négliger cet album?




Trop Féross - Résürrection (1986): Le groupe Satan Jokers (France) crachait déjà son métal hurlant en français depuis le début des années 80, mais ces Québécois se démarquaient par la présence vampirique de sa fascinante et blonde chanteuse. Pour l'analyse complète, je cèderai la place aux fins connaisseurs de métal qui voudront bien se prêter au jeu. J'ignore s'il existe une réédition, mais entre temps, faites-vous une idée de l'album en le téléchargeant sur le blog Cosmic Hearse. Heavy, très... et bon!

Brégent - Poussière des regrets (1972): Je suis persuadé qu'il devait y figurer, mais comme je ne l'ai jamais entendu, j'ai dû passer... Quelqu'un en a un exemplaire à me vendre ou à partager (mp3)? Écrivez-nous.



Franck Dervieux - Dimension M (1972): Tout comme pour The Medium (1968), cet album mérite d'être cité pour avoir initié les mouvances progressives du rock Québécois. N'étant pas un spécialiste du genre, j'ai parfois du mal à bien cerner les influences que Dervieux absorbe pour réaliser son chant du cygne. Toutefois, je ne peux que m'incliner devant ces ténébreux titres instrumentaux menés d'une main de maître par Dervieux (claviers) et le groupe Contraction. Avant-gardistes et hautement influents, ils montraient alors à tant de groupes naissants la voie à suivre. La mort précipitée de Dervieux quelques semaines après le lancement de l'album en scellerait justement le destin, mais la vague qu'il avait généré était déjà déferlante. Underground, oui et non.

Péloquin Sauvageau: - Laissez-nous vous embrasser là où vous avez mal (1972): Je vous l'ai écrit, je n'aime pas les Top 10, trop souvent réducteurs et prévisibles. Pour m'en démarquer, je vous avouerai avoir intentionnellement écarté quelques titres trop évidents. Péloquin-Sauvageau étaient du lot. Je suis vendu à cet album, Monsieur l'Indien me secoue toujours autant et demeure un classique hors-norme. Que voulez-vous, nous avions votre bonheur à coeur et cherchions à vous proposer quelques surprises...

Normand Gélinas -
Le chat de l'Arc-en-ciel (1971): Une révélation lysergique inspire à Gélinas un conte psychédélique à la structure des plus slaques. Un projet marginal comme on les aime. Denis Pantis prit sa jeune star en pitié et lui occtroya un pressage limité de 500 copies le temps qu'il le sorte de sa tête. Rapidement enregistré puis oublié, ce conte trouva néanmoins écho chez son auteur qui, encore aujourd'hui, rédige des histoires pour les tout-petits.


Comment? Pas de précurseurs du new wave, du funk, du punk, du métal ou du hip-hop?!! Dites-vous que c'est ici que vous intervenez: proposez-nous un album que vous jugez underground et qui mérite d'être publié en annexe à ce panorama. Je sais que vous en avez déjà un en tête alors n'hésitez pas à justifier votre choix en quelques phrases. Vous l'aurez probalement remarqué, nous n'avons pu survoler une période de la scène Québécoise parmi ses plus fastes, 1972-1981. Vous saurez où creuser...

lundi 26 octobre 2009

Le 14 avril

Je veux rien faire de compliqué aujourd'hui. Juste mettre ici une petite vidéo, la reprise d'une pièce Aphex Twin, "14 avril".



En hommage à une fille vraiment extraordinaire qui compte beaucoup pour moi, mais avec qui les relations sont devenues difficiles. On s'est rencontrés dans une période incroyablement mauvaise pour l'un comme pour l'autre. Tout nous sépare et pourtant tout nous unit, mais il y a tellement, mais tellement de tuiles qui nous sont tombées sur la tête que c'est finalement devenu impossible.

Pour toujours cette pièce de musique sera associée pour moi à cette fille merveilleuse. Parce que son anniversaire est le 14 avril et parce que c'est la trame sonore de cette mélancolie que nous éprouvons de n'avoir jamais connu cette relation simple et belle que nous avons tant désirée mais qui n'a pas arrêté de nous fuir depuis le début.

Essaie d'être heureuse de ton côté, parce que je pense pas que ce sera possible du mien avant un bout.

Bise.

vendredi 23 octobre 2009

Le plus vieux du plus vieux - suite

Quand on se met à rechercher le plus vieux du plus vieux, la question de l'écriture et de l'inscription apparaît rapidement parce qu'il n'existe pas vraiment de "premier". La question de savoir de quoi avaient l'air les premiers dessins ou la première note de musique jouée est absurde parce qu'il y a toutes les chances pour qu'ils n'aient jamais existé, arrivant progressivement à l'existence sur des milliers d'années sans qu'on puisse jamais déterminer un moment précis. D'autre part, et c'est ce qui fascine, les plus vieux artéfacts artistiques retrouvés sont loin d'être grossiers ou vulgaires. Les grottes de Lascaux laissent croire à toute une préhistoire du trait et de la maîtrise de la couleur de la même manière que le premier récit conservé garde en lui le souvenir de toute sa préhistoire orale.

La plus vieille peinture

Les premières paintures, c'est pas difficile, on doit les trouver parmi les peintures rupestre européennes qui datent d'il y a plus de 32 000 ans. Celle-ci provient de la grotte Chauvet qui serait une des plus vieilles du monde. On ne comprend à peu près rien des circonstances qui ont mené à l'apparition de la pleinture dans ces cavernes qui ont été occupées dans le cas de Lascaux pendant des centaines, voire des milliers d'années. On peut imaginer qu'elles avaient une signification religieuse, mais sans jamais s'admettre à soi-même ce que "religieux" peut représenter pour nous ou pour eux. Néanmoins, la justesse des représentations d'animaux (des aurochs, des cerfs et des ours) fait montre d'un sens incroyable de l'observation du mouvement, qui contraste fortement avec les bonshommes alumettes et les figures humaines difformes qui les opposent. Et puis toutes sortes de marques les accompagnent, des sceptres, des points, des lignes, des carreaux colorés, qui échappent totalement à toute interprétation définitive. Il faut absolument écouter le documentaire "Lascaux, préhistoire de l'art" d'Alain Jaubert dans la série "Palettes" pour une analyse et une interprétation solides de l'art rupestre. Juste pour vous donner une idée, voici un extrait de 8 minutes sur la question des pigments utilisés.


La plus vieille chanson
C'est la musique grecque antique qui gagne! Je dois avouer que je n'ai aucune espèce d'idée de la manière dont on a pu reconstituer le système de gammes qu'utilisaient les Grecs. Est-ce par le recoupement des instruments conservés avec les textes sur la musique? Fouillez-moi, ou plutôt allez fouillez dans les bibliothèques de musique, ça doit pas être trop difficile à trouver. Mais toujours est-il que la maîtrise et la compréhension des mathématiques par les Grecs a pu faire en sorte qu'ils ont été les premiers à élaborer un système de notation qui nous soit accessible encore aujourd'hui. Si de nombreux fragments de pièces musicales sont disponibles, la première véritable chanson, on l'a trouvé sur une épitaphe, dite "épitaphe de Sikilos". La chanson est sympathique, et nous invite à vivre joyeusement, la plaçant au plus loin des vanités médiévales.

Je suis une image en pierre.
Seikilos m'a placé ici,
où je me trouve pour toujours,
symbole d'un souvenir éternel.

Tant que tu es vivant, montre-toi joyeux.
Ne t'afflige jamais de rien.
La vie est peu de chose.
Le temps exige son terme.



Moi je trouve que la chanson rocke pas mal pour une vieille affaire qui a 2150 ans.

Autre fait peu connu: les tragédies grecques étaient accompagnées de musique dont il nous reste quelques fragments dont un morceau d'Oreste d'Euripide.

Le plus vieil enregistrement
La question de l'oeuf ou la poule en matière d'enregistrement sonore est réglée: l'appareil permettant d'enregistrer des sons, le phonautographe d'Édouard-Léon Scott de Martinville, est apparu 21 ans avant qu'un autre appareil ne permette de les lire, le phonographe d'Edison. En fait, le but du phonotaugraphe n'était pas d'enregistrer le sons mais plutôt d'en donner une représentation graphique. Pourquoi? À cette époque, l'idée était un peu expérimentale, mais en 2008 des chercheurs américains ont réussi à reconstituer un des plus vieux sons, photographié en 1860 Martinville sur son phonotaugraphe. Il s'agit d'"Au clair de la lune" chantée par Martinville.

Je trouve particulièrement émouvantes toutes les interférences qui rendent presque complètement inaudible le chant. Ces interférences rendent vraiment l'impression de quelque chose qui vient de plus loin, d'une distance qui n'est plus historique, mais immémoriale, comme le plus vieux souvenir que chacun possède. Ce souvenir est tellement vague, tellement flou qu'il est pratiquement irréel. Il vient d'un monde tellement éloigné qu'il n'a peut-être jamais existé. Exactement comme nous-mêmes sommes progressivement arrivés à la conscience nous à partir d'un néant flou au bout duquel il n'y avait rien.

Étonnamment, le premier enregistrement du phonographe par Edison lui-même était lui aussi une chanson pour enfants, "Mary had a little lamb".

Le plus vieux fichier informatique

Je n'ai pas cherché hyperlongtemps, vous pourrez me dire le contraire, mais je ne pense pas qu'aucun travail a encore été fait pour identifier le plus vieux fichier informatique. Encore ici, la notion même de fichier est floue. Cela pourrait consister dans les commentaires qu'Ada Lovelace (la fille de Byron) a rédigés au sujet de l'appareil différentiel de Charles Babbage. Mais le premier fichier informatisé consiste peut-être en une boîte de carte perforées. Par qui? Pour quel ordinateur? Pour faire quoi? J'ai aucune idée.
Mais en cherchant "oldest computer file", j'ai trouvé ce petit document tiré des archives personnelles d'un gars qui avait transféré depuis l'enfance ses fichiers informatiques.

84-09-13 ADULTS Darren
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Adults are very different from children.One reason is that the average adult doesn't have
as big an imagination as that of most children. Another reason is that most adults are wiser
than children,though children gain wisdom through adversity.
Citation
Some of the things that I like about adults are:that they're usually there when you need
them,they are very helpful and gullible.Some of the things I dislike about adults are:they
sometimes don't understand you,they are sometimes agravating and sometimes they can get a
little too wild.

Some adults wish they were kids again,some don't.Some adults act like kids,some don't.Some
adults are weird,some aren't.So all and all,what I'm trying to say is that all adults are
different, as are children.
Transféré de système en système, de support en support, ce fichier de 1984 était encore lisibl. Et je ne peux m'empêcher de penser que ce petit texte dit quelque chose des problèmes de l'inscription et de la mémoire. Il rejoue en petit, à l'échelle intime et sur un mode léger, ce drame de l'oubli, de l'effacement et de la préservation des archives de l'humanité. Aurevoir, à bientôt (j'ai vraiment un fun noir à me prendre pour Jean Topart!)