Attention, il ne s'agit pas ici d'un blog promotionnel destiné à créer un hype pour le film. Non, C'EST le projet de Morin, une expérience interactive qu'on suit quotidiennement. S'il arrivait que vous ne croyiez plus comme moi à l'industrie du cinéma, vous pourriez considérer la sortie du film en salles comme une publication posthume du blog destinée aux archives. Car ce dispositif narratif que Morin a développé depuis ses premières vidéos, qui fait s'entrecroiser fiction et réalité, s'adapte parfaitement à la forme du blog. Le site met beaucoup l'accent sur le système des commentaires et vous êtes cordialement invités à embarquer dans la fiction de Morin, à inventer un personnage qui existe sur le même plan de réalité que Jean-Marc Phaneuf. Ainsi sa soeur, ses amis et tout un univers de personnages imaginés par les commentateurs meublent peu à peu l'espace du blog. Et il arrive un moment où le dispositif de Morin se met à fonctionner parfaitement et on ne sait plus si les lecteurs savent ou non si le blog est fictionnel ou autobiographique, comme pour ce commentaire d'un gars en Allemagne (allez à Steven Gingras) qui propose à Phaneuf de lui vendre des pièces électroniques bon marché pour son projet de coopération.
Mais ce dispositif n'a pas été mis en place pour rien non plus. Le projet de Morin avec Journal d'un coopérant est très sérieux, il articule une critique du pouvoir qui s'exerce au sein même de la coopération internationale. Le journal compte à quelques reprises des scènes où on explique comment circule l'argent de la coopération (avec des boules de manioc qu'on donne à des enfants, c'est beau, c'est efficace, mais c'est pas encore passé, alors stay tuned, restez syntonisés) et comment fonctionnent les relations avec les bailleurs de fonds internationaux. Et c'est franchement déprimant parce que l'argent retourne en grande partie en Occident pour l'achat de matériel et les frais d'opération quand il ne passe carrément pas au-dessus de la tête des habitants en passant d'un gouvernement à l'autre. Fait surprenant que révèle un des personnages du film: selon lui, les seules organisations véritablement efficaces sont les organismes religieux. On assiste d'ailleurs à un moment, dans un hôpital tenu par des religieuse, à une scène terrible, terriblement banale, dans laquelle une dame se fait arracher une dent à froid. Elle saigne dans un récipient et à cet instant, nous ne sommes plus dans la fiction.
Être coopérant implique aussi, même malgré soi, même avec les meilleures intentions du monde, d'incarner un pouvoir, un pouvoir de changer les choses pour le mieux comme un pouvoir colonial, les deux d'une manière inextricable. Tu débarques dans un endroit où tout le monde a besoin de tout d'une manière urgente, et tout le monde te remercie exagérément parce que tous les locaux que tu fréquentes, évidemment, sont plus gentils et plus généreux que tout le monde que t'as jamais rencontrés. Les pouvoirs qu'on te confère sont immenses, ça doit finir par te fucker la tête, je peux pas croire.
Jean-Marc Phaneuf, men, t'as encore aucune idée du bordel où t'es allé te fourrer!Le plus merveilleux, c'est que le film de Robert Morin n'est pas terminé. Pendant que Phaneuf fait ses trucs à Ujama, Morin reste à la maison, lit tous les commentaires sur le blog et attend patiemment que ses participants prennent le contrôle de son film, qu'ils le poussent dans une autre direction. Et à la toute fin, si vous êtes fins pis pertinents, il intégrera vos commentaires vidéo dans son film. Et c'est pas compliqué de participer, il y a déjà toute une infrastructure en place qui permet d'enregistrer à même sa webcam directement sur le blog.
Qui veut faire partie du cinéma québécois?
Lien vers le blog Journal d'un coopérant.
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