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jeudi 24 décembre 2009

Touhou et les MAD

J'ai parlé il y a un an exactement (ici et ici) d'un genre de jeux vidéo complètement épuisant, les Danmaku, des shoot'em up tellement intenses qu'il émerge des projectiles qui te foncent dessus une beauté pure et fatale. Et j'ai parlé plus spécifiquement d'une série, Touhou. Comme c'est le temps des fêtes et que je suis juste incapable de fonctionner dans un environnement avec des guirlandes, des flocons en papier, de WalMart (hé, c'est ça Noël!), des films niaiseux d'un moralisme à dégueuler de la bile, des repas full gras et du bonheur partout, je suis retombé solide dans Touhou, qui est un environnement tout aussi cinglé que le temps des fêtes, mais plus conforme à cet esprit hyperactif et mésadapté à la réalité qui est le mien.

Depuis l'année dernière, il m'est arrivé quelques fois de tomber sur des trucs bizarres en ligne concernant l'univers de Touhou. Et quand je dis bizarre, je veux dire bizarre, et je pense expressément à des vidéos de ce genre-là qui reprend une des pièces de musique qu'on trouve dans un des jeux :


Ce genre de vidéos porte un nom, MAD. Les premiers auraient été créés en 1978 par des étudiants en musique de l'Université d'Osaka et ce serait peu à peu répandu dans la culture doujin, Cette culture est au Japon l'équivalent de notre underground, sauf qu'elle existe depuis plus de 100 ans. C'est une culture faite par des non-professionnels dans laquelle on trouve pêle-mêle des mangaka, des auteurs de fan-fictions, des musiciens, des vidéastes et des créateurs de jeux vidéo. C'est dans ce milieu contre-culturel qu'est apparue la série de jeux Touhou, devenu peu à peu une production-phare de la scène doujin, et c'est ce qui explique le repiquage infini et créatif de sa mythologie. Voici encore un autre exemple:

Ce qui est intéressant, ce n'est pas tant le détournement des contenus d'un jeu vidéo que l'utilisation qui en est faite, sans référence au jeu ni à la mythologie elle-même, mais bien comme un pur matériau visuel a priori sans signification. Dans ce type de vidéo, on est plus proche de la vidéo d'art que du cinéma classique au sens où la forme prend définitivement le dessus sur toute tentation de créer un récit. Ces productions s'éloignent donc radicalement de toute notion de récit pour se concentrer sur la production de textures, sonores ou visuelles comme sur l'agencements de couleurs et de formes.

Ces vidéos, pourtant, ne s'inscrivent nulle part dans le réseau des arts visuels où circulent les vidéos d'art. Et c'est ce qui me fascine: on assiste avec les MAD à l'émergence d'une vidéo d'art populaire, c'est-à-dire à une forme de vidéo faite par des inconnus et empreintes d'une sensibilité pour un formalisme exigeant aussi grande que dans les plus grands moment de l'avant-garde artistique au vingtième siècle. Malgré le côté bouffon du matériau et le ton résolument comique du montage, ce formalisme est loin d'être vain. Il est d'une part ancré non seulement dans une exploration du médium de la vidéo mais aussi de la culture d'où il provient, recentrant l'attention du regardeur sur les signes eux-mêmes de la culture plus que sur ce qu'ils veulent dire (les personnages de Touhou par exemple, sont répétés et démultipliés sans qu'on n'évoque jamais leur histoire); d'autre part, comme on peut le voir dans la vidéo avec Ronald McDonald, l'esthétique hyperactive devient parfois carrément contre-culturelle. L'image de Ronald dans des situations absurdes le détache complètement de l'univers et du produit auquel il appartient, de même qu'on peut aisément rapprocher la répé
tition exagérée des séquences par le montage avec la répétition à l'infini des restaurants identiques partout dans le monde. Et quand on pense à tous ces McDonald's, on a la même impression d'absurdité hyperactive, de vertige faussement joyeux. Cette impression, on la retrouve aussi quand on joue à Touhou, une impression d'étouffement de la singularité du sujet par un espace surstimulant (c'est ce que je disais l'année dernière pour ceux qui ont suivi).

Quel retournement! Quel détournement! Quelle critique de ce monde absurde! Quelle beauté dangereuse! Quel formalisme pop!

Quel formalisme pop! Je me sens moins seul! Je suis heureux et je retourne encore une fois essayer de passer le niveau Extra d'Imperishable Night.

1 commentaire:

Sébastien Desrosiers a dit…

C'est normal que cette musique génère des pulsions destructrices chez moi? aiaiaiiiiiiiii