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dimanche 28 juin 2009

Le mélodramatique, dernière partie

Pourquoi est-ce que je suis parti sur le mélodramatique? Parce que je suis tombé dernièrement sur un blog fascinant qui met en scène le mélodramatique d'une manière exemplaire à partir d'un jeu vidéo.

Alice and Kev de Robin Burkinshaw raconte en effet la vie misérable d'un père et de sa fille à partir du jeu The Sims 3 qui vient tout juste de sortir. Le jeu reprend l'idée d'une maison de poupée où le joueur se crée un ou des personnages qui auront leur vie propre avec laquelle on pourra cependant interagir. Comme mise en scène du quotidien, on est le plus souvent dans le consumérisme banlieusard américain: on travaille un peu, on se détend beaucoup, on se fait des barbecues entre amis et, surtout, on s'achète des affaires. Mais c'est dans une tout autre direction que Robin Burkinshaw a décidé de pousser ses personnages, les dotant de caractéristiques propres au mélodrame le plus classique: Kev, le père, est un asocial violent et irresponsable qui vit dans le parc avec sa fille, Alice au grand coeur, mais malheureuse et malchanceuse. Tout le génie de ce blog est de documenter le quotidien pathétique de ses deux personnages, comblant par la richesse son récit les lacunes narratives du jeu. Il interprète leurs réactions en leur donnant des états d'âmes, il provoque aussi certaines situations pour donner une consistance à son histoire. Et parfois, ça devient vraiment émouvant, comme lorsqu'Alice après sa toute première journée de travail exprime un désir déchirant:
When her shift at the supermarket ends that evening, she has 100 hard-earned simoleons, but she is as exhausted as it is possible to be. She wobbles slightly after walking out the door, and only just manages to stop herself from losing consciousness there and then.

But she doesn’t want to rest now. She’s just come up with a new wish. It’s a wish that would be easily fulfilled, but the idea scares and horrifies me. I don’t want to grant it to her.

But it’s her life, and her choice. I reluctantly let her do it.

She takes all of the money she has just earned, places it into an envelope, writes the name of a charity on the front, and puts it into a mailbox.

You might think that Alice has the worst life in the world, but she doesn’t believe that’s true. She will turn down the chance to improve her life in order to give others the opportunity to improve theirs.

What does it mean when a character you’ve created makes you re-examine your own life through their astonishing selflessness?
Ce qui me fascine dans ce blog, c'est que le mélodramatique est ici atteint par autre chose que par l'informationnel qui l'a dominé depuis si longtemps. Le destin est ici représenté par l'ensemble des paramètres auxquels est soumise la représentation du monde construite par le jeu vidéo, des paramètres qui définissent pour ses personnages une norme d'existence (consumérisme, recherche du bonheur) apparemment légère et bienveillante mais secrètement impitoyable. Le génie de ce blog est de faire parler cette norme en sélectionnant soigneusement les paramètres les plus marginaux qu'incarnent Alice et Kev. En mettant en scène dans son récit des paramètres qu'il n'a pas lui-même créé, Robin Burkinshaw résoud le problème de la relation d'autorité devenue inacceptable dans le mélodrame cinématographique. Et parce que ce matériau mélodramatique est pris dans un jeu vidéo et non dans la réalité, ce type de récit arrive à résoudre également les problèmes éthiques du mélodrame informationnel.

La présentation du mélodramatique est aussi d'une simplicité désarmante. Avec seulement du texte et des images, il arrive à produire un effet auquel le roman et le cinéma ne peuvent plus rêver, un effet de simplicité émouvante. Il serait impossible de prétendre que la forme de récit présentée ici organise et révèle la table rase sur toutes les formes de mélodrames qui l'ont précédée. Ce blog indique-t-il peut-être plus simplement une des voies possibles qui s'ouvrent présentement au mélodramatique et comment celui-ci est-il en train de se sortir de l'informationnel.

Lien vers Alice and Kev.

jeudi 25 juin 2009

Le mélodramatique, troisième partie

Le mélodramatique représente une des tonalités narratives les plus fortes de la littérature populaire. Et aussi un des plus difficiles à réaliser parce qu'on se trouve toujours au bord du cliché ridicule et qu'un rien suffit à le faire basculer dans sa parodie kitsch. Lire ou écouter un mélodrame, c'est un combat en quelque sorte, une lutte entre notre volonté de résister à cette construction narrative mécanique et grossière destinée à nous émouvoir et notre désir de céder à l'empathie et se mettre à pleurer. C'est un peu une dissonance cognitive finalement, les sentiments qui devraient aller vers les gens se retrouvent dirigés vers des objets imaginaires et on se retrouve à la fin avec la drôle de satisfaction d'avoir été chaviré par le spectacle le plus triste sans que notre existence en ait été le moins du monde bouleversée. Le mélodrame, c'est des chips d'émotion.

Le genre est né en musique au dix-huitième siècle par l'adjonction d'un texte récité à une pièce musicale. C'est au dix-neuvième siècle qu'il sera perfectionné au théâtre lorsqu'on s'est mis à jouer une musique d'ambiance pour canaliser les émotions du récit. Mais l'histoire du mélodrame comme genre est moins intéressante que l'histoire du "mélodramatique" comme tonalité parce qu'il est lié à l'histoire de la technique.

Parce que le mélodramatique cherche à produire les effets les plus intenses sur les spectateurs ou les lecteurs et que son efficacité se retourne en kitsch en quelques années seulement, le mélodramatique doit constamment renouveler son support narratif, trouver de nouvelles manières de mettre en marche sa production, de placer ces pions que sont ses personnages cliché (la veuve et l'orphelin, le garçon incompris, l'autorité intraitable, etc.) et ses ressorts narratifs (le spectacle de l'injustice et de la cruauté, les malheurs qui s'accumulent, le fin fond du baril, c'est pas exhaustif ce que je raconte, ni une typologie, etc.). Cette problématique apparaît très bien dans les entrevues et la réception critique de Dancer in the Dark. Toute l'entreprise de Lars von Trier semblait être de prouver au monde que le cinéma était encore capable de générer du mélodramatique. Il a déployé des efforts impossibles pour trouver ce dosage imperceptible qui aurait permis de faire disparaître la mécanique du mélodramatique, mais les critiques ont perçu la manipulation affective qu'il a mis en oeuvre. En fait, les critiques perçoivent toujours la manipulation affective du mélodramatique, et c'est justement lorsque les critiques commencent à orienter la réception des oeuvres que le mélodramatique devient impossible et qu'il doit trouver un nouveau support narratif.

Or, si le cinéma est devenu inefficace, où s'est déplacé le mélodramatique? Lorsqu'on accusait Lars von Trier de "manipulation sentimentale", on voulait peut-être dire par là que la relation d'autorité est devenue inacceptable entre le producteur du mélodrame et le spectateur. Nous ne nous permettons tout simplement plus d'entrer dans ce rapport de domination pseudo-masochiste. La situation mélodramatique à laquelle nous sommes aujourd'hui sensibles est peut-être plus de l'ordre du destin et des hasards de l'existence que de l'intention explicite de nous faire pleurer. Or les coups du destin et les malheurs, c'est ce à quoi carburent l'information-spectacle dans l'actualité. Les nouvelles d'un ancien magnat de l'hôtellerie faisant faillite et ne se retroussant les manches que pour voir son modeste motel partir en fumée, ses enfants tomber dans le crime et se faire lui-même frapper par une voiture; les nouvelles d'une vieille dame laide et effarouchée qui devient en un instant la chanteuse la plus populaire du monde pour ensuite être détruite mentalement par les papparazzi; ces nouvelles sont plus tristes que n'importe quelle fiction, si parfaitement construite soit-elle, parce que la relation d'autorité et l'intention d'émouvoir derrière sont plus diffuses, mises à distance par le montage discret qui interprète les événements pour les rendre mélodramatiques.

Mais encore ici, comme à chaque fois, la critique travaille à défaire ce nouveau noeud mélodramatique. Ce sont maintenant les critiques de la communication qui accusent ce spectacle d'empiéter sur l'information nécessaire à la démocratie et la vue publique, favorisant systématiquement le pathos sur l'informationnel. Et puis le public, à trop vouloir y croire commence à perdre sa naïveté, le temps de son aveuglement est compté avant qu'il s'aperçoive qu'il était coupable, du côté des papparazzi et non du côté des héroïnes oppressées.

Mais où va donc ensuite aller se fourrer le mélodramatique?

lundi 22 juin 2009

Le mélodramatique, deuxième partie

Mon top 5 des choses qui me font pleurer à chaque fois que je les écoute:

5- La fin de Devdas, un film de Bollywood

Bollywood, c'est le mélodrame américain au cube, sans retenue. Dans Devdas, on voit trop venir le gros pathétique, on veut résister, on doit résister, parce que c'est trop, parce qu'on le voit bien que tout ce qu'ils veulent faire c'est de nous faire pleurer et que pleurer sur le sort des personnages imaginaires c'est de l'empathie gaspillée, celle qu'on ne peut pas donner aux pauvres et aux malades. On se bat contre le film, mais à la fin on est épuisé de lutter. Mais le film est trop long pour notre volonté et la fin est d'une tristesse parfaite dont la mécanique narrative n'a même plus besoin de se cacher.

4- la mort de Vitalis dans Rémi

J'en ai déjà parlé dans la note précédente. J'aurais encore pu trouver des choses à dire, mais il me reste trois affaires à réécouter avant de finir ma note et je sens qu'à la fin je vais tanné d'avoir la gorge serrée. Il y a quand même des limites à chiâler.

3- "La baleine bleue" de Léo Ferré dans l'Opéra du Pauvre.

C'est dans une chorégraphie d'Emmanuel Jouthe qui s'appelait 3 Centauromachia 4 que j'ai entendu pour la première fois cette pièce. La chorégraphie était peu narrative, il y avait de tableaux puissants, des moments forts, mais à la toute fin une voix toute seule émerge littéralement de tout le bruit pour réciter un texte un peu décousu sur les baleines, une voix profonde, et puis apparaît un arrangement de piano tellement triste qu'on ne peut pas s'empêcher de penser à la dernière baleine qui restera, se promenant sans but toute seule dans l'immensité de l'océan tout bleu, presque noir. Soudainement dans la chorégraphie de Jouthe, tout fonctionnait ensemble, et je braillais en silence dans la salle. Je suis retourné voir la chorégraphie la semaine suivante. J'ai cherché cette pièce de Ferré pendant des années, je viens tout juste de la retrouver.

2- Charlie Chaplin, The Kid

Quand l'enfant pleure parce que les services sociaux sont venus le chercher et que Charlot le rattrape en courant sur les toits, ça m'ouvre à chaque fois les robinets. C'est con parce que c'est vraiment automatique chez moi, je pense que je pourrais être dans n'importe quelle situation ou l'écouter dix fois en ligne, à chaque fois ça me déchirerait le coeur. La musique, composée par Chaplin en 1971, y est vraiment pour beaucoup parce que c'est à travers elle que le visuel se retourne du gag niaiseux de slapstick à une sorte de combat épique contre les forces du monde pour récupérer l'enfant. Et quand il le sert dans ses bras... Le monde est trop compliqué pour qu'on puisse vivre des choses aussi fortes dans la réalité.


1- Mano Solo, "Je suis venu vous voir"

Cette chanson-là nous est rentrée dedans en 2000 quand Mano Solo a joué aux Francofolies. J'avais les yeux pleins d'eau, Rosemarie s'est retournée vers moi et elle pleurait aussi, je l'ai pris par la taille et ce soir-là Mano Solo a perdu une dent à cause de la trithérapie. Et depuis, on la fuit cette pièce-là, on l'écoute jamais parce que c'est trop facile, il n'y a pas de challenge et puis c'est insensé de se dire "tiens, on n'a rien à faire, on va se faire brailler un bon coup".

vendredi 19 juin 2009

Le mélodramatique, première partie

Comme beaucoup de gens, mon premier véritable contact avec le mélodramatique a été violent. T'écoutes Rémi le samedi matin comme t'écoutes tous les dessins animés, tu t'attends à du divertissement chill, genre les G.I. Joe se tirent dessus, Gargamel se barre les pieds dans son piège ou les Calinours émettent des rayons laser de coeurs. Et puis soudainement, une semaine comme ça, sans crier gare, la troupe de Rémi était dans une mauvaise passe et ils ont dû dormir dans une cabane dans le bois et Rémi s'est endormi un moment parce qu'il était épuisé et les chiens de la troupe se sont faits manger par les loups. Et moi j'étais comme ça devant la télé, mes parents étaient couchés et je me suis mis à brailler et ma soeur aussi et on s'est sentis trahis parce qu'on l'avait pas vu venir que ça allait nous faire pleurer comme ça. Et c'est pas tout, deux semaines après c'est le petit singe Jolicoeur qui meurt comme Molière sur scène. Paf! on braille encore... Quand je l'ai réécouté il y a quelques années avec Rosemarie, on s'était préparés à l'épisode de la mort des chiens et de la mort du singe. Elle aussi avait pleuré quand elle était petite. On s'était même blindés le coeur parce qu'on s'était dit qu'on se ferait pas refaire le coup deux fois, oh non. Et puis ç'a été comme dans un film d'horreur, quand ils te font croire que ça va être épeurant mais qu'il ne se passe rien et qu'une fois la tension retombée ils te font faire le plus grand saut de la mort de la vie. Nous on était fiers d'avoir pas pleuré quand tous les animaux sont morts, on se disait qu'on était hots, mais là, trois épisodes après, on n'a pas du tout vu venir la mort de Vitalis, avec sa vie de chanteur d'opéra déchu qui lui passe devant les yeux alors qu'il protège Rémi de la tempête de neige.
"C'est la mort paisible d'un homme remarquable dont le dernier geste généreux a été de sauver la vie de l'enfant qu'il aime."
Men, en réécoutant l'extrait, je sais pas ce que j'ai, j'ai comme une poussière dans l'oeil. Et je renifle donc ben, ça doit être le rhume des foins.

mardi 16 juin 2009

Brico-livre et la poésie prend les parcs

Non seulement il y aura ce jeudi à 18h une lecture dans les parcs organisée par les productions ARREUH, mais juste avant, à 16h, Jonathan et Catherine organisent un "Brico-livre", c'est-à-dire "un atelier collectif de transformation de livres usagés. Les bouquins et matériel de bricolage sont fournis." Comme je suis meilleur à Photoshop qu'avec mes mains pour faire des belles choses, j'ai pris de l'avance en fuckant une page d'André "Team Rocket" Chénier qui est de retour pour vous jouer un mauvais tour afin de préserver le monde de la dévastation, afin de rallier tous les peuples à sa nation, afin d'écraser l'amour et la vérité, afin d'étendre son pouvoir jusqu'à la Voie Lactée. ("Mais de quoi est-ce qu'il parle, là?")

(Cliquez sur l'image pour voir la page au complet)

Alors ce jeudi, rendez-vous tous au parc Claude-Mélançon ou ce sera la guerre. Miaouss, oui, la guéguerre.

Les infos sont là.

samedi 13 juin 2009

Le formalisme contre les Super Sentai

Peut-être ai-je emprunté un mauvais embranchement, peut-être voulais-je me perdre délibérément pour oublier cette existence dépourvue de sens, mais peut-être aussi le destin existe-t-il, toujours est-il que je me suis retrouvé l'autre soir à lire l'article de Wikipedia consacré aux... SUPER SENTAI! On ne connaît ici des Super Sentai que les Power Rangers, et encore il n'y avait même pas de traduction. Les Français eux ont connu Bioman, mais ce n'est que la pointe de l'iceberg. Parce que les Super Sentai sont un genre télévisuel japonais qui existe depuis plus de trente ans. À la base de toute série Super Sentai, on trouve des superhéros aux costumes identiques qui ont l'air de motocyclistes de couleurs différentes et qui tapent un méchant dans un costume en caoutchouc à la fin de chaque épisode.

Bon, jusqu'ici, il n'y a pas de quoi en faire un événement. Mais l'article de Wikipédia est juste trop amusant parce qu'il travaille vraiment fort pour montrer dans le détail l'évolution d'un genre qui ne comporte à peu près pas de variation. J'ai fait un petit montage de la liste des grandes premières que chaque nouvelle saison a mis de l'avant, mais on peut tout aussi bien lire cette liste comme un poème sur le devenir et le temps qui passe (je laisse le titre de chaque série en japonais parce que ça donne un effet graphique intéressant):

ジャッカー電撃隊: it was the first Super Sentai Series to team-up with the previous Super Sentai team
電子戦隊デンジマン: it was the first Super Sentai Series to have opaque visors, and a transforming giant robot
太陽戦隊サンバルカン: It was the only series to be a sequel to the previous one
科学戦隊ダイナマン: It was the first Super Sentai Series to feature heroes wearing spandex and to forgo wearing scarves
超電子バイオマン: It was the first Super Sentai Series to have two female members as well as the first female in yellow
電撃戦隊チェンジマン: It was the first Super Sentai Series to feature a team cannon. Changeman was unique in the fact that the team fought with various signature military formations
超新星フラッシュマン: It was the first Super Sentai Series to have a second robot
超獣戦隊ライブマン: It was the first Super Sentai Series to have a female in blue, and the first to initially have three members, with two members joining later on
高速戦隊ターボレンジャー: It was the first series to have a command base that could be combined with other giant robots to create a more powerful robot
地球戦隊ファイブマン: It was the first Super Sentai Series to feature an all-sibling team
鳥人戦隊ジェットマン: It was the first series to have a third giant robot and a female mentor
恐竜戦隊ジュウレンジャー: It was the first Super Sentai to introduce sentient mecha and feature the first regular sixth team member
忍者戦隊カクレンジャー: The series officially featured the first non-red leader
電磁戦隊メガレンジャー: It was the first Super Sentai Series to have a member in silver
星獣戦隊ギンガマン: It was the first Super Sentai Series to have only one combining robot with assisting robots not driven by the original five
未来戦隊タイムレンジャー: It was the first Super Sentai Series to have the sixth team member's costume color the same as a regular team member (red)
百獣戦隊ガオレンジャー: It was the first Super Sentai Series to present multiple mecha combinations
忍風戦隊ハリケンジャー: The Gouraigers are the first Sentai warriors to have an insect motif and the first group to be heroes that have a different name than the title
爆竜戦隊アバレンジャー: It was the first Super Sentai Series to feature a member (Red) having an alternative form
特捜戦隊デカレンジャー: It was the first Super Sentai Series to have a semi-regular seventh team member
魔法戦隊マジレンジャー: It is the first Super Sentai to feature a full family fighting together, with two married couples and an all-sibling core team
轟轟戦隊ボウケンジャー: It was the first Super Sentai Series to be filmed and broadcast in high definition
獣拳戦隊ゲキレンジャー: It was the first Super Sentai Series where the story is not only focused on the heroes
炎神戦隊ゴーオンジャー: It was the first Super Sentai Series to have a female regular seventh warrior
Il y a assurément quelque chose d'absurde dans cette énumération d'innovations insignifiantes, mais il y a aussi quelque chose de beau dans la possibilité que se donne ce genre de rendre perceptible l'évolution dans sa lenteur molle et imperceptible. Aucune des innovations n'est marquante, mais entre la première et la dernière série tout un monde de possibilités a tout de même été exploré. Chaque saison est différente pour ses fans et pourtant toujours la même pour tout le reste du monde. On pourrait croire qu'elle ne peut être appréciée que par les plus conservateurs qui méprisent et rejettent absolument tout changement, mais de l'intérieur les fans de Super Sentai apparaissent plutôt comme des hypersensibles du changement, happés par les variations des plus subtiles tonalités, avides des petites variations qui tombent sur leur chemin.

Il est aussi fascinant qu'au centre de la série se trouve un groupe de personnages identiques, à l'exception de la couleur qu'ils incarnent parce que cette variation en série de couleurs franches ne peut que rappeler les démarches des peintres formalistes modernes.

Mais mais mais comment ça se fait que je m'intéresse à tout ça?
Parce que petite fille la terre est trop joli-e,
parce que petite fille il y a la jalousi-e
de tous les méchants qui voudraient t-empêcher
Le ciel d'être bleu, les oiseaux de chanter.
Parce que petite fille quand je combats les méchants
J'ai dans mon esprit le sourire le sourire d'un enfant.
Merci Bioman!

mercredi 10 juin 2009

La culture classique 5

Eh oui, c'est encore ce moment où je vous stuffe au fond du crâne ces vieux livres dont tout le monde se sacre.

L'épisode d'aujourd'hui: Le satyricon de Pétrone, autour de -66.

À force de lire le Courrier international, on a fini par devenir des gros fans de nouvelles d'oligarques russes, arabes ou chinois, ou n'importe quoi qui met en scène les milliardaires du mauvais goût. Quand ça va bien ils se font construire des châteaux d'un kitsch absolu, quand ça va mal on rit juste à imaginer voir les huissiers venir saisir les hummers plaqués platine et les maîtresses déchues piquer des crises en talons haut sur le trottoir. Or, c'est tout à fait ce que raconte la grande scène de Satyricon, le festin chez Trimalcion, les excès complètement ridicules des nouveaux riches, d'un ridicule tellement excessif qu'une petite partie a traversé le temps et s'offre à nous comme ces gros documentaires trash qui passent des fois à Télé-Québec avec une voix de Français qui dit des choses du genre: "Parce qu'ici dans ce quartier ultrachic de Shangaï, aucun plaisir n'est interdit à ceux qui peuvent y mettre le prix..."

"Bienvenue au pays des excès."

Trimalcion est un esclave affranchi qui a réussi à amasser une fortune qu'il dilapide à la manière d'un star du hip hop. Mais c'est surtout un gros cave, un alveus magnus (ma traduction).
L'histoire de sa vie, il la compare dans les murales de sa demeure avec L'Illiade et l'Odyssée, il s'entoure d'une quantité exagérée d'esclaves de mauvaise qualité, il a des cure-dents en argent, des dés et des amphores en cristal et toutes sortes de bébelles clinquantes.

Mais le festin de Trimalcion n'est qu'un épisode du Satyricon qui comporte des tonnes d'aventures: les deux personnages principaux échappent à des prêtresses du sexe en furie, survivent à un naufrage, discutent de pourquoi la littérature va mal, entendent des histoires de loup-garou, de pleureuses inconsolables qui finissent par partir avec les gardiens du cimetières, et Encolpe finit par voir son impuissance vaincue par une sévère pénétration suprise.

Du Satyricon il ne reste cependant que des fragments. On ne sait pas trop d'où viennent les protagonistes, où ils vont et si même ils devaient au départ venir de quelque part et aller ailleurs. Mais c'est aussi ce qui donne au récit une facture hypercontemporaine: on n'a accès qu'à des fragments de réalité racontés d'une manière parfois étrangement documentaire. L'action s'arrête souvent pour qu'un personnage raconte une histoire sans aucun lien avec ce qui est en train de se produire, produisant une sorte de récit en arbre qui ne réapparaîtra qu'avec Laurence Sterne et Diderot, puis avec Joyce et tous les romanciers postmodernes américains.

Les chapitres sont tout petits et il y a tellement de ressorts narratifs qu'on a un peu l'impression de lire un manga, à condition de remplacer l'action par des discussions, les lignes pour dire que ça va vite par des références à la mythologie classique et les petits animaux quioutes qui parlent par un ragoût de tétines de truies.

Orgies! Orgies! Nous voulons des orgies!

Gâte-toé donc avec la version en ligne.

dimanche 7 juin 2009

Le simulacre de Disneyland

Je suis tombé il y a quelques jours sur un reportage japonais portant sur un simulacre chinois de Disneyland.



En fait, il s'agit véritablement d'un simulacre et non d'une copie à l'identique puisque les personnages comme les manèges sont une copie véritablement appauvrie de l'original. Ainsi, à en croire la description de la vidéo sur Youtube, la mascotte ne s'appelle pas Mickey mais "le chat aux grandes oreilles" et les sept nains qu'on peut voir dans le vidéo sont vraiment des distorsions laides et comiques des concepts originaux. Il sont vraiment AFFREUX!

La Chine, c'est vraiment fou parce qu'elle produit constamment des image déformées de la culture commerciale occidentale. Des copies cheaps, on trouve rien que ça dans les Dollarama, mais dans ce cas-ci les moyens de production de cette image rivalisent avec ceux de l'Occident. Tous les clichés s'y trouvent reproduits à une échelle à peine réduite, comme cette réduction à l'absurde de la ville de Paris en banlieue de Hangzhou, un quartier entièrement habitable de 2000 logements destinés aux nouveaux riches chinois.

Ces copies sont-elles intentionnellement dégradées? On peut toujours le penser, on peut penser que pour les Chinois les critères de similitude sont peut-être différents des nôtres, mais il est plus intéressant de penser que l'affront esthétique que constitue pour nous cette dégradation parce qu'il donne à voir un monde d'images où il n'y a plus qu'une différence de degré entre l'original, la copie de l'original et cette copie de copie, ce simulacre vidé de son identité. Le simulacre détruit toute forme d'authenticité et nous laisse devant la perspective que la forme originale n'avait pas elle-même d'authenticité, de singularité, de valeur. Si les Chinois d'aujourd'hui sont bien les enfants de l'anti-capitalisme de Mao, peut-être ce travail
de dégradation systématique des signes de la consommation mondialisée est-il intentionnel. Le faux Disneyland fait apparaître qu'il n'y a pas de lien réel entre les mascottes des sept nains et les sept nains du dessin animé de Disney, mais seulement un moyen arbitraire de profiter du film original. Mais s'il n'y a aucun lien entre les mascottes et le film, il n'y a peut-être pas de lien non plus entre le film de Disney et le conte original; le film était peut-être aussi dès le départ une stratégie commerciale pour profiter du classique des frères Grimm. L'idéalisme platonicien est sur le point de vaciller

Il est d'ailleurs pertinent à ce sujet de constater comment the Walt Disney Company se trouve justement au coeur juridique de cette question de l'idéalisme platonicien comme fondement de la culture occidentale. Ils sont en effet parmi les principaux responsables de l'adoption de la loi américaine d'extension du terme des droits d'auteur, dont le détail et les ambiguïtés permettent une extension potentiellement infinie de la propriété intellectuelles des compagnies sur les images et les concepts qu'ils possèdent. Avec Disney, le domaine public n'existe plus ou seulement pour les oeuvres orphelines et sans valeur. Mais avec le développement des moyens de productions individuelle qu'a permis l'informatique personnelle, ces dispositions abusives sont de plus en plus inapplicables puisque les parodies sont partout et qu'il n'est tout simplement plus possible d'intenter des poursuites pour chacun de ses accrocs à l'intégrité de la propriété intellectuelle des images.

Mais le plus bizarre pour moi dans le petit vidéo du faux Disneyland, c'est quand même de voir (à 33 secondes du début) durant un court instant passer une fanfare déguisée en... Couac des Oraliens!? Copier Disney ok, mais wo! pourquoi les Oraliens?


jeudi 4 juin 2009

Le théâtre et la répétition

Notre quotidien de couple à Rosemarie et moi est un quotidien plutôt classique. Classique comme dans littérature classique dans la mesure où notre conversation est stuffée (jam packed) de citations ramassées un peu partout. Rosemarie et moi, nous nous parlons en citations comme Thomas d’Aquin pensait en phrases d’Aristote; nous nous sommes construit un florilège d’auctoritas ironiques, c'est-à-dire un répertoire de phrases figées qui fonctionnent pour à peu près toutes les occasions. Ces petites phrases nous permettent même de parler lorsqu’il n'y a plus rien à dire, un peu comme Montaigne devant la mort citant Cicéron, sauf que nous c'est devant la télé et que la phrase vient du Dîner de cons, ou d’Elvis Gratton, ou de Mononc’Serge. Et il y a même des jours où, vraiment, on fait un petit détour juste pour ploguer une phrase, juste pour aller chercher le « je parle fort et je ne suis pas ridicule! » de La face cachée de la lune ou le « moé quand mon char est pété, ej marche! » de la séquence avec Jean-Luc Mongrain sur Youtube. Un soir qu’on était sur le party, on s’est même fait un DVD compilation avec toutes nos répliques. Il y avait plein de films sur le plancher et on se les passait en les copiant, c’était un hostie de beau moment.

Or, dans notre répertoire, il y a tout un chapitre avec des phrases de Matroni et moi. Et puis quand on a su qu’il y aurait une reprise au National, on s’est dit « fuck, on y va ». Le soir du spectacle, on était vraiment excités, on marchait vite jusqu’au théâtre (ç’a été d’ailleurs l’occasion de sortir « là, faut les affaires roulent ») et quand la pièce a commencé on était dedans comme dans un show de musique, et c'est là où je voulais en venir : nous avons vécu l’expérience de cette pièce de théâtre exactement comme quand on va voir un show de bon pop, sauf qu’au lieu du disque c'est le film qu’on a écouté et réécouté, et qu’au lieu des chansons qu’on aime, c'est les répliques. On trépignait sur nos sièges quand on en voyait venir une, on se donnait des petits coups de coude et puis là, Bob sortait « vas-tu coucher à ton univarsité? » ou Gilles sortait « on est dans l’univers abstrait des routes » et là Matroni arrivait avec « j'ai-tu l’air d’un bibliothécaire? » et « je parle pas italien! je parle pas italien! » Quel délire!

L’analogie avec un show de musique n'est pas aussi bâtarde qu’on pourrait le penser. Ces répliquent nous habitent d’une manière musicale, comme une chanson qui nous reste dans la tête. Elles ne s’imprègnent pas dans notre cerveau simplement parce qu’on les a trouvées amusantes, on en tombe en quelque sorte amoureux parce qu’elles représentent quelque chose de nous. Elles constituent une sorte de matériau dans lequel se trouve fixé un rapport au monde, et recèlent parfois même secrètement quelque chose comme une aporie de notre existence, un aspect indépassable de notre condition devant lequel nous n’avons plus rien d’autre à faire que de répéter cette phrase, couvrant de notre rire l’impossibilité devant laquelle elle nous place. C'est ce qu’on se disait au sujet de Matroni et moi, Rosemarie parlait de cette fois où elle s’était jetée dans une ruelle pour défendre un de ses amis punks qui se faisait défoncer la face par des skins et moi je constatais que je serais probablement incapable d’en faire autant, pas parce que je suis un lâche, mais parce que devant ce genre de stress je me referme sur moi et le monde devient d’une complexité contemplative. Je parle pas italien! Je parle pas Italien!

On se disait aussi que si ces répliques ont pu nous faire une impression aussi puissante, ce n'est pas tant parce que la pièce a été adaptée au cinéma que parce qu’elle s’est trouvée fixée sur un support numérique qui a fait en sorte que nous avons pu y accéder à répétition, jusqu’à que cette répétition satisfasse l’envie de notre quotidien de se voir imprégné par la matière langagière de la pièce. Si je dis que ce n'est pas à cause de l’adaptation cinématographique que cette pièce nous a marquée, c'est parce que le cinéma produit rarement cet effet. Parce que c'est un média de l’image avant tout, et un peu moins de la parole. Les adaptations théâtrales au cinéma sont rares et difficiles, et demeurent un genre marginal aujourd’hui au Québec où le silence contemplatif de grands films comme Gaz Bar Blues ou Continental, un film sans fusil a pris le dessus sur le cinéma de la parole des années 60. Mais nous ce qu'on aime, c'est les répliques rentre dedans et les morceaux de rhétorique à te scier en deux.

Mais ce cerveau avide de répétition n'est pas non plus adapté à l’expérience théâtrale comme elle se décline aujourd'hui où on tente de le marquer une seule fois, mais une grosse fois. Il faudrait trouver le bon moyen pour fixer cette matière langagière de manière à ce qu’elle soit disponible pour se la repasser en boucle, et il faudrait trouver le moyen vite parce qu’on passe à côté d’hosties de bonnes répliques et que je ne me vois pas retourner voir la même pièce dix fois juste pour satisfaire ma pulsion de répétition, et je ne me vois pas non plus me trouve illuminé par la lecture silencieuse de sa version imprimée chez Leméac ou ailleurs.

Ben câlife, le film a l'air d'être plus disponible, mais vous pouvez toujours le réserver à la bibliothèque nationale.

lundi 1 juin 2009

Vu d'ici à Québec

Attention tous les gens de Québec, Vu d'ici la pièce sera reprise pour 4 soirs au Périscope dans le cadre du Carrefour international de théâtre. Je suis vraiment, vraiment content que ça rejoue parce que Christian Lapointe, le metteur en scène, et Jocelyn Pelletier, le comédien, ont fait la plus belle adaptation qui existe. Et puis le soir de la première on va rencontrer les spectateurs après la pièce pour voir ce qu'ils en ont pensé, et le lendemain ce sera des étudiants de cegep. Et je vais coucher à l'hôtel! Et je vais sortir dans un endroit qui s'appelle le zinc! Et après ça je vais être triste quand tout va être fini! Et j'ai réussi tout seul à intégrer sur mon blog la petite vidéo qu'on trouve sur le site du Carrefour théâtral! Et je suis pas capable d'enlever l'espace blanc entre le texte et la vidéo!







Le 4 juin à 21 h,
le 5 juin à 19 h,
le 6 juin à 20 h,
le 7 juin à 15 h.
Au théâtre le Périscope, 2, rue Crémazie Est.