C'est assez rare que je suis bouleversé par une lecture, mais là je viens de tomber sur un reportage du quotidien britannique
The Independent intitulé
The dark side of Dubai par Johann Hari. On y apprend que cette ville, modelée comme un pastiche excessif et kitsch des grandes villes américaines, le journaliste construit un portrait infernal de Dubai comme mirage idyllique construit sur du sable. Des tours à bureaux aussi somptueuses que monstrueuses, des centres d'achat climatisés complètement vides comme le désert qui entour la ville et les rues sont désertées parce que la crise a fait fuir les investisseurs. Il ne reste que les travailleurs étrangers, les Dubaïais et ceux qu'on appelle les "expatriés". Les travailleurs étrangers des pays en développement, on les attire en faisant miroiter des salaires faramineux, les employeurs saisissent leur passeport dès leur arrivée et ils vivent dans une situation d'esclavage technique. Ils se tuent littéralement à l'ouvrage à l'érection de projets immobiliers complètement dénués de sens. Les Dubaïais aussi vivent une existence absurde. Fonctionnaires de l'état pour l'immense majorité, ils vivent le rêve désincarné de l'Amérique des chaînes, des centres d'achat et de la surconsommation et ils nient l'esclavage et la crise, chacun répétant au journaliste que son grand-père s'est battu toute sa vie pour avoir accès à l'eau potable, sorte de justification décadent et débile du self-made man américain. Ceux qu'on appelle les "expatriés" finalement constituent la version moderne des excès du colonialisme. Européens ou Américains, eux aussi saoulés au luxe et à la société des loisirs:
I find myself snapping: doesn't the omnipresent slave class bother you? I hope they misunderstood me, because the woman replied: "That's what we come for! It's great, you can't do anything for yourself!" Her husband chimes in: "When you go to the toilet, they open the door, they turn on the tap – the only thing they don't do is take it out for you when you have a piss!" And they both fall about laughing.
Ils exploitent des esclaves philippins en se plaignant de la qualité de leur travail.
Dubaï devient finalement une sorte de parodie excessive du capitalisme américain où les rapports de domination mondialisés apparaissent naïvement au grand jour sur une scène de carton-pâte en plein désert. Sans passé, sans avenir, sans histoire, Dubaï est le mirage d'un mode de production tout aussi insensé.
Lien vers l'article:
Johann Hari, The dark side of Dubai, The Independent.
1 commentaire:
Oui, c'est très grave et des plus absurdes ce qui s'y passe... Contente que tu en parles. Pendant un moment, "on" aimait le glamour de Dubaï, beaucoup y était attiré, devant l'opulence j'imagine. Comme si il pouvait y avoir une terre d'inconséquences... J'ai même connu des voyageurs dit aventuriers, back-packers, qui rêvaient d'aller voir, juste voir. Moi je n'ai jamais voulu, même quand j'aurais pu, Dubaï me donne la nausée, la colère, accentuée par l'indifférence, la nôtre même, nous si loin. Parfois, les gens rêvent trop, alors qu'il faut prendre soin du réel. Ce qui ne veut pas dire être uniquement pragmatique, mais il faut bien savoir dans quoi on vit, quels sont les paramètres de l'existence. Même Martin Luther King a dit "I had a dream" et je réponds "I have a life", comme je dis à ceux qui prônent le "on ne fait pas d'omelettes sans casser des oeufs", sauvons les poulets.
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