Album de finissants, l'enfant prodigue

Vous avez publié un livre il y a de cela des années que tout le monde semble avoir oublié? Ne vous découragez jamais. Album de finissants a dix ans cette année. Je pensais récupérer tranquillement les droits et garder à la maison cet enfant un peu attardé qui n'a jamais rien fait de bon de sa vie, qui n'est pas comme Vu d'ici, son frère, qui a été adapté au théâtre, enseigné dans les cégeps à chaque année depuis sa sortie et apporté notoriété et prospérité à toute la famille. Mais en l'espace de quelques mois, tout s'est renversé et Album de finissants explose après dix ans de rien.

Pourquoi? D'abord parce que deux compagnies, Pirata Théâtre et Matériaux Composites, dirigées par des filles extraordinaires, ont joint leurs forces, se sont souvenues de ce pauvre livre et en ont fait le prétexte d'un projet comme il n'y en a jamais eu au Québec. Au mois de mars, le théâtre Denise-Pelletier accueillera en effet sur ses planches cinq comédiens professionnels et, par groupe de 20 à la fois, 80 figurants de cinquième secondaire qui participeront activement à Album de finissants, la pièce. Pendant près d'un an, l'équipe de production a travaillé en collaboration avec ces jeunes pour monter le spectacle.

Regarde.
Comme.
C'est beau.


(Une autre vidéo se trouve ici)

Ce qui m'émeut le plus, c'est qu'ils ont développé tout un ensemble de postures qui sont comme le contrepoint corporel des postures langagières des finissants de mon livre dont les extraits seront interprétés sur scène. La pièce sera jouée au courant du mois de mars, les billets sont déjà presque tous vendus, des écoles entières se bousculent pour aller la voir, le théâtre Denise-Pelletier capote, on envisage déjà des projets de tournée pour la suite et moi de mon côté, je suis rempli d'une fierté discrète et belle. La seule chose étrange est que pendant quelques semaines en mars 2014, je serai, dans la même ville, l'auteur d'une pièce en même temps que le personnage (ou son inspiration plutôt) d'une autre parce que, oui, Testament de Vickie Gendreau sera présenté simultanément au Quat'sous. Étrange destin.

Et comme si ce n'était pas déjà suffisant, Album de finissants sera aussi réédité en format poche en mars chez Triptyque. Pourquoi? Entre autres parce qu'à la faveur de "La culture à l'école", un programme gouvernemental monté en collaboration avec l'UNEQ, Album de finissants est devenu récemment un livre jeunesse, un livre jeunesse bizarre, sans ponctuation, sans intrigue, sans morale (ni trop de moral), plein de frustration sexuelle et de violence refoulée, mais qui touche quelque chose chez les professeurs et leurs élèves. Ça ne s'était jamais produit avant, en dix ans. On doit avoir passé un cap en matière de littérature au secondaire, j'imagine. Ou alors il y a un sérieux laisser-aller sur les exigences en ponctuation.

Alors grâce à ce programme, je me retrouve durant tout l'hiver à faire la tournée d'écoles partout au Québec pour présenter mon livre et faire souffrir les élèves à coups de séances d'écriture rapide. Les profs me disent qu'ils capotent de voir enfin leurs classes écrire avec enthousiasme et je dois dire que le niveau de participation durant les ateliers est assez surprenant.

*

Doctorak était assis par terre dans une allée de la bibliothèque et on l'entendait parler ainsi à ses livres: "Oh tu sais que tu as été très chanceux, Album de finissants? Je ne t'euthanasierai pas, mon enfant. Pas tout de suite du moins. Et toi, Le lyrisme à l'époque de son retour, qu'as-tu fait dernièrement pour justifier ton existence?" Et les usagers de la bibliothèques qui découvraient cette étrange scène se disaient "ohlala j'espère que ce garçon n'aura jamais d'enfants".

Pour réserver vos places à Album de finissants

Ajout: Album de finissants a bien connu son petit moment avant sa renaissance. Manon Lussier, professeure de jeu à l'école de théâtre du cégep de Saint-Hyacinthe, en avait fait le sujet d'un exercice pour une classe préparatoire en janvier 2013. J'y avais assisté avec Vickie, ç'avait été un beau moment.