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mercredi 17 décembre 2008

Le millionnaire, son épouse, Pynchon, Joyce et leurs amis

J'ai découvert il n'y a pas longtemps l'existence d'un roman américain intitulé Gilligan's Wake, un étrange objet littéraire mélangeant culture populaire et culture littéraire, qui reprend la trame des Joyeux Naufragés et ses personnages. Dans une sorte de délire baroque hyperchargé de références culturelles, chacun des sept naufragés de la série se voit attribuer une biographie improbable surchargée de rencontres avec des personnalités et des événements historiques réels (le professeur aurait travaillé sur le projet Manhattan avec Robert Oppenheimer, Ginger aurait fréquenté Sammy Davis Jr. et Frank Sinatra) et imaginaires (madame Howell aurait eu une relation homosexuelle avec un personnage de F. Scott Fitzgerald).

Bien que le roman ait apparemment reçu des critiques favorables (les références à Pynchon et Joyce étaient incontournables), il semble cependant que sa réception pose un problème de lecture intéressant. En effet, si les critiques saluent l'inventivité de l'auteur, son talent pour le pastiche et les prouesses de son écriture, le roman ne semble pas arriver à dépasser ce stade où il suscite l'admiration pour ses qualités technique. Le problème semble intéressant dans la mesure où dans ces critiques se trouvent reconduits beaucoup d'éléments de l'esthétique classique que la modernité n'a jamais su faire disparaître complètement comme la hiérarchie entre la tragédie et la comédie (qu'on retrouve à la fois dans le mélange des niveaux et dans l'aspect carnavalesque de l'entreprise) ou une conception platonicienne du pastiche, de la référence culturelle comme reproduction dégénérée par rapport à l'idée originale. C'est dire si le projet d'arriver à dépasser cette hiérachie classique, au coeur des préoccupations du roman postmoderne, demande une exigence d'écriture hors du commun, un choix de sujet minutieux et une réalisation sans faille, car le moindre déséquilibre menace de faire basculer toute la lecture du côté de la farce, certes amusante mais sans consistance littéraire. Même après Joyce et Pynchon, ce roman-synthèse des niveaux de culture, ce roman du recyclage global et total, demeure un sous-genre littéraire difficile à accomplir de manière convaincante.

À un autre niveau, le roman de Carson s'inscrit aussi d'une manière originale dans le courant des fanfics, de la reprise des contenus de séries télévisées ou de manga par des fans en nouvelles ou en romans.

On notera finalement ce détail intéressant: il semblerait que sur le site d'Amazon, le seul autre livre que les acheteurs de Gilligan's wake aient également commandé soit l'édition annotée de Lolita (?!)

2 commentaires:

Anonyme a dit…

Savais-tu que dans la version anglaise de la chanson-thème de Gilligan, "et leurs amis" est en fait: "and the rest?" C'est pas mêlant, je m'en suis étouffée dans mon Pepsi.

Doctorak, go! a dit…

Ah? Je ne l'avais pas encore dévouert... Mais je sais que le "and the rest" est en rapport avec une histoire de paie entre premiers et seconds rôles.