Daily Routines est un site consacré à retracer les routines d'écrivains et d'artistes à partir d'entrevues, d'articles ou de témoignages. On apprend ainsi comment Sartre, Murakami, Kafka, Erik Satie et bien d'autres découpaient leurs journées. Ce qui est dommage, c'est que le site se concentre surtout sur les routiniers heavy, ceux qui se lèvent à 5 heures tous les matins pour écrire jusqu'à midi, ceux qui ont publiaient 50 textes par années. Ce parti pris fait en sorte de donner une vision simplifiée du travail de l'artiste.
Comme si tout ce qu'on écrivait était publiable;
comme si ce travail se faisait de la première à la dernière ligne sans retour, sans rature, sans l'admission que plusieurs mois de travail peuvent ne valoir pour rien si on s'est engagé dans une mauvaise direction;
comme si ce travail n'était fait que d'une seule posture, soit celle penchée sur sa feuille avec un crayon à la main.
En outre, il est franchement difficile de faire entrer la pratique artistique dans les catégorie du travail et du "loisir", sa contrepartie. Je connais des gens qui passent leur vie à écrire sans que la moindre ligne ne soit produite, c'est-à-dire publiée, rendue publique, alors que d'autres publient tout le temps des riens pendant que d'autres ne font strictement rien de leurs journées pendant des mois, des années pour sortir de nulle part le livre le plus merveilleux.
Mais cette histoire de routines me fascine tout de même parce que je ressens une peur sourde de l'entropie, j'ai la crainte de me retrouver un jour enfermé hors de l'exigence d'écrire assez fréquemment pour que je puisse continuer à inventer autre chose que les textes que j'ai déjà publiés. C'est peut-être ce qui fascine dans les routines d'écrivains: on tente par là de se rassurer sur la nature du travail créatif, alors que de l'intérieur, rien n'est jamais là où on l'a laissé. Le bureau est à l'envers, la productivité est cryptée, la valeur produite est évasive, je me demande ce que les gens me trouvent, je panique, je panique et à ce moment-là, si un journaliste entrait pour me poser des questions, je pense que je lui raconterais que je punche à 9h, que je prends ma pause de 12h à 12h30 et que je barre la porte du bureau à 15h. Ça ferait ma journée.
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1 commentaire:
Que j'apprécie donc te lire!
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