Alors, je me suis dit pourquoi ne pas utiliser les nouvelles technologies pour éduquer les lecteurs de Vu d'ici de l'avenir à ses nombreuses et subtiles références? Un lien html sur tout ce qui fait problème et le tour est joué. J'ai donc fait un petit démo pour les éditions futures, pour quand la littérature va se lire en ligne par l'entremise d'afficheurs vraiment hots connectés en continu sur un réseau cellulaire. J'ai pris toutes les références de Vu d'ici, je les ai indexées une par une en les liant avec des articles de Wikipédia, des images en ligne des gens, des objets et des lieux que je mentionne, des articles sur telle ou telle question de politique, etc. Ça m'a pris un temps pas possible, allez hop, un lien, une image, un article, je mangeais plus, je dormais plus, j'étais collé sur mon portable à chercher le moyen de vulgariser Vu d'ici... Et puis je me suis rendu compte que même si les références sont expliquées de long en large, ça risque à la fin de ne prolonger l'existence de mon livre que d'une petite cinquantaine d'années, parce que même l'idée qu'on puisse écouter la télé dans un salon va peut-être disparaître au-delà même des analogies qu'on pourra faire avec les objets du futur.
Mm, que faire? Ahah, je me suis dit, j'ai seulement à prendre le futur de court et à faire en sorte que le texte soit déjà incompréhensible, de prendre chaque référence un peu obscure, chaque mot le moindrement ancré dans la réalité de notre époque et de remplacer tout ça par du bon vieux exploréen qu'on comprend déjà pas en partant. Alors en grande première, lecteur du futur, je t'offre le premier extrait de Vu d'ici dans son édition spéciale 500e anniversaire, intitulé "La dépouille ivre à gastruge". Place à l'écriture pulsionnelle!
Ces yeux ont déjà tant vu de choses qui seront toutes perdues comme des larmes dans la pluie j'ai vu des chanteurs invités dans les crassis de madame j'ai vu deux filles qui s’embrassent à globomontan des autostratures de vin ou de mordon des troquins de fanchu des centaines de balandictènes de la semaine au tartufique des centaines de fois glutère drombourig stapontan lestucraire et palatchouc floboluctaire ces yeux en ont tant vu que chaque minute est un paradis léger je descends en voguant des fleuves insipides et pendant ce temps je pourris de la coque depuis que je suis ce petit cadavre exquis d’images empilées les unes sur les autres enterré depuis ma naissance dans la calende d’un glaumonpiquet j’ai le corps livide en miettes et je vois chaque soir de semaine de sept à dix l’appétit des vers qui me grignottent le confort de mon foyer m’use au possible il ne devrait plus rien rester et pourtant je persiste à me demander si romanique téoclutècle va reprendre sa vie en main si ça va encore bien entre aboustruge et otolombé mais qu’est-ce donc qui me pousse à tant procrastiner peut-être que c’est cette pluie qui tombe la pluie de cendres d’une explosion sur les carreaux et le bruit de spéculins lointains qui m’endort car je suis une chose qui dort depuis tellement longtemps que le réveil n’existe pas autrement que dans le rêve d’un réveil et dans ce réveil je me précipite dans le triclitore pour écouter le trembaèdre le domocracien goridore sabandredi plati héraulondraque la déruge me saoule à trois ans comme à trente j’ai les yeux d’un enfant accroupi devant la plantocardie plein de tristesse et lâche il y a tout qui m’enivre et qui me met en patropâche.Incidemment, l’exploréen est aussi la langue du futur, comme le démontre clairement cette planche de la rubrique-à-brac citée plus haut.
2 commentaires:
Ce que tu dis sur l'actualité des références me fait penser à la question des générations. Dans un atelier où nous réfléchissions à la présence de la télévision dans nos vies, nous nous sommes rendues compte qu'en 3 ou 4 ans de différence, nous n'avions plus vraiment les mêmes références télévisuelles, points de ralliement culturel de grande importance depuis les années 70. J'ai l'impression que dans pas si longtemps, nous allons sauté de génération en génération à chaque 6 mois...
Je me souviens... pas longtemps.
C'est effectivement un peu alarmant. Bernard Stiegler parle de "misère symbolique" pour signifier cette perte de sens historique. Ça peut être catastrophique quand on y pense, mais ce n'était pas mon propos. Parce qu'en tant qu'auteur, les références demeurent un matériau et je me suis rendu compte dernièrment que c'est pas si compliqué d'intégrer une petite mise en contexte qui permet aux habitants du futur de suivre le propos. Pour Vu d'ici c'est trop tard pour la mise en contexte, et la présentation frontale donne un petit côté radical aux références. Allez, hommes et femmes de l'avenir, débarquez de vos autos volantes et potassez un peu dans les télé-hebdos du siècle dernier!
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